18 août 2006

Con - sommer

Le chant des réclames (nommées propagandes dans l’ancien temps) du lever du soleil au lever des lampadaires ! La caracole des lampions égayant la flore bétonnière urbaine à coups de slogans lapidaires ! Quel bonheur de vivre cerné par la publicité et le consumérisme exacerbé ! Etiqueté comme le veau avant l’abattoir qui aura le loisir pour l’un de mettre fin à une courte vie d’élevage et pour l’autre à la courte existence du salaire durement acquis, la société de con – sommation est un vrai bonheur en perpétuel renouvellement. A quoi bon le nier, nous n’existons et ne prouvons notre position sociale que par le « standing » (quelle plaie ces anglicismes) et l’imagerie du voisinage rendu jaloux dans le désordre par : la voiture vorace en crédits et frais de toutes sortes, la tenue vestimentaire au combien choisie avec le soin prodigué par le client affairé et l’équipement haute fidélité dont tout le quartier se fera une joie de vanter la puissance dévastatrice.

Le communisme, ou plutôt le Marxisme revendiquait la fin de la possession individuelle et prétendait que cette gangrène du caddie une fois soignée permettrait l’élévation de l’âme. Les évangélistes à l’étoile rouge (ne soyons pas à un paradoxe près) affichaient une sérénité de bon aloi en imaginant le prolétaire fier de posséder en communauté l’outil de travail et de jouir de sa propre production. En soi partager la possession pour en faire un gain commun mettant à profit les forces de chacun aurait dû-pu-su (rayer les verbes inutiles) rendre plus heureux les hommes. Hélas, aucun état ne fut suffisamment jusque-bout-iste pour arriver à une telle harmonie dans la non appropriation. Les échecs sont significatifs alors qu’ils sont essentiellement le résultat de petits riens : la présence d’une milice fortement armée et déterminée à casser la tête des « déviants politiques », une éducation basée sur la délation et la paranoïa (poussant même les enfants à dénoncer les parents) et une caste de profiteurs se gargarisant des insuccès transformés par l’appareil de propagande en « Sublime réussite du collectivisme d’état ».

Au fond cela démontrerait donc que le communisme est une idée stupide ? A y regarder de plus près je crois surtout que les théoriciens ont raté un seul virage dans notre nouveau siècle des « lumières » (dont les filaments sont définitivement fondus). Qu’ont-ils ratés de si majeur ? L’avènement de la société de médiatisation. Nous ne sommes plus seulement friands d’objets mais à présent de non objets ! « Quoi ?! On achèterait ce qui n’existe pas ?! Ridicule ! » se met alors à hurler le type ratatiné dans son fauteuil de bureau. Et que fait donc la masse inconsciente et décérébrée quand elle s’offre en vrac : l’abonnement à internet, l’abonnement (encore lui) aux chaînes de télévision à péages, l’abonnement (endurant ce garçon, va falloir que je lui parle) au téléphone portable. S’offre t’on un équipement plus que ce qu’il permet d’obtenir ou l’inverse ?

Après avoir cédé aux modes de la chaussure à semelle amortie par bubulles, à la chemise qui ne se repasse pas et à la voiture qui cause quand elle est en panne (paradoxe !), voici que le consommateur se laisse bercer par la chimère du média. Qui peut prétendre être joint aisément sans son demi cerveau de plastique et de silicone ? qui peut oser présenter une candidature à un emploi sans y mentionner une adresse de courrier électronique (bon d’accord de mail… ) ? L’adoration du dieu technologie avec l’oisiveté qu’il sait déclencher chez ses sujets les plus atteints est un phénomène que nul Marx, Lénine et autres révolutionnaires n’auraient pu entrevoir. Le mal était la machine, la toute puissance des équipements qui avilissaient les hommes (après avoir été avilis pendant des millénaires par la terre nourricière). Aujourd’hui la nouvelle gorgone se cache derrière un masque de pixels et un maquillage d’écrans plats.

Loin de moi toute idée de prétendre à donner une leçon d’intelligence cependant ne serait il pas judicieux de consommer (dieu que je hais ce terme) intelligemment (encore un paradoxe autorisé par la langue et pas par les actes). Entendons nous bien, j’entends par là simplement réduire le média au profit du concret et se focaliser sur l’essentiel et non sur le détail. Qui n’a pas pesté contre la masse informe et illisible du monde onirique des blogs ? qui ne s’est pas énervé sur LE site arrosant son visiteur de photographies en tout genre pour la plupart de femmes dénudées ? qui n’est pas resté coi de colère face à l’envahissante vie propre de nos chers appareils sans fil ? Tous nous devrions raisonner en fonction de l’humain et non de la machine. Nous nous sommes avilis au lieu de nous enrichir…

J’attends avec crainte le virage technologique où nous pourrons interfacer l’homme avec son réseau invisible. Que deviendront les déjà atteints ? Des supports de données à peine capable de se mouvoir ? N’a-t-on pas déjà des cas de meurtre pour des raisons purement virtuelles ? A ceux qui aiment lire, faites vous plaisir en posant votre regard sur le roman de Jack London : le talon de fer. Un siècle d’ancienneté et des remarques pertinentes sur la toute puissance des industries (un fond communisant pour une forme romanesque. Remarquable.)

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