29 octobre 2006

Education hypocrite

Quelle ironie... après avoir discuté des bienfaits de l'éducation pour les générations futures nous nous sommes mis une amie et moi à disserter sur les réelles valeurs des actions sociales au cours de l'histoire. Etrangement point par point elle supposait que de nombreuses lois avaient été pondues pour assister le peuple et lui offrir des perspectives, et c'est à ce moment précis que le déclic fut intense, un peu comme l'explosion d'une lueur au fin fond d'une mine obscure."Sociale, quelle action sociale? cite moi en une seule qui le soit vraiment et dénuée de tout intérêt politique.". Elle commença à réfléchir, à lister intérieurement les différentes actions menées dans des vues hautement symboliques, désintéressées puis se mit à réciter une litanie de moments phare de l'évolution de la société française:
- le SMIC? dit-elle en souriant.
- Double qualité: faciliter la gestion des coûts d'une entreprise en imposant un salaire donné non critiquable et annoncer une mesure sociale au peuple
- Les APL? ajouta t'elle alors en pestant.
- Un moyen détourné de faire croire aux gens qu'ils peuvent accéder à un logement. Trop de SDF ferait désordre
- La Sécurité sociale
- Une forme de financement pour détourner les problèmes de trésorerie quand une entreprise voit son employé être absent. De cette manière on s'assure que ce n'est pas l'employeur qui prend directement en charge les soucis administratifs... en gros le patron paye une société tierce pour qu'elle s'occupe de ses malades
- L'école obligatoire

C'est là que je fis un bond de lucidité grognante et agacée. Est-ce que l'école obligatoire peut être considérée comme une action réellement sociale et un bénéfice pour le peuple dans son ensemble? force me fut de reconnaître que de prime abord on pourrait le croire, mais d'un coup cette maudite lueur de l'obscure profondeur du cynisme assumé des états m'apparut. Peut on dire donc que l'école a été un geste social? non! "Comment ça non?!" râlent de suite les défenseurs de l'école laïque pour tous. Et bien pauvres fous bornés réfléchissez donc à l'époque et au pourquoi ensuite nous allons éventuellement pouvoir raisonner.

L'école comme moteur de pouvoir économique

L'éducation et le fait de savoir lire a de tout temps été une forme de pouvoir pernicieux pour le patronnat ou les dictateurs de sorte à empêcher que la culture soit moteur de révolte. Je m'explique: un paysan du XVIIIème siècle avait-il besoin de savoir lire pour faire ses semences? pas vraiment, le principe de maîtriser le rythme des saisons se suffisait à lui-même, en revanche il en était tout autrement pour le propriétaire terrien. En effet, celui qui possédait devait savoir lire et écrire pour d'une part avoir une connaissance des lois dictées par les ministères du Roi et d'autre part pouvoir se plaindre par écrit des éventuelles réticences vis à vis de celles ci. Il est donc évident que l'éducation étant payante elle se voyait réservée à la caste des riches et excluait d'office les pauvres. Qui sait lire a le pouvoir pourrait-on caricaturer.

Arrivé à la fin du XIXème siècle on est arrivé dans la phase de la révolution industrielle: les paysans montent dans les villes, se voient embauchés dans les filatures, les usines sidérurgiques... les campagnes se mirent à saigner de leurs forces vives. La particularité de ce mouvement était délicat car il a fallu enseigner à des illettrés comment utiliser la Machine (avec le M majuscule de Maudite) et en respecter le fonctionnement. Trop dangereux de laisser quelqu'un ne pas comprendre clairement ce qui est écrit sur les cadrans ou bien sur les panneaux pendus dans les entrepôts. De fait savoir lire était tout aussi vital pour trier les offres d'emploi listées dans les journaux ou bien sur les affichages à l'entrée des usines. Un patron recrutant devait donc favoriser celui qui savait lire (même insuffisamment) sur l'illettré. La solution fut très simplement trouvée: laissons l'état financer via l'école publique, ça évitera une formation interne des salariés.

Jusqu'à récemment (disons vingt ans environ) ce précepte fut maintenu et c'est pourquoi le certificat d'étude était suffisant pour travailler: savoir un minimum lire, écrire et compter, avoir des connaissances minimales en histoire et géographie et avoir lu deux trois livres simples pour permettre de s'exprimer correctement. La crise de l'éducation apparût alors de manière pernicieuse: l'ouvrier armé du certif' devenait insuffisant puisque la machine se modernisait tandis qu'il stagnait dans son ignorance, l'automatisation jetait dehors des chaînes complètes avec une rupture colossale du tissu social et les grandes villes dépendantes des industries se prenaient de plein fouet le chômage. Qui dit machine compliquée dit concepteur de haut niveau, quasi scientifique comprenant des choses inaccessibles aux étudiants dix ou quinze ans en arrière, maître es productivité expert en économie de masse.

A partir d'une certaine période de notre histoire très récente nous nous sommes mis à délocaliser les usines pour justement réduire le coût représenté par nos employés et les remplacer par des esclaves payés vingt fois moins pour deux fois plus de travail. La majorité des activités dites lucratives se sont orientées vers le service: le commerce, l'administratif, la conception et quelques industries de pointe impossibles à mettre en oeuvre à l'étranger, ou tout simplement trop chères à délocaliser. De fait le besoin en "cerveaux" s'est fait sentir: si l'éducation se cantonnait à ne pas dépasser le certificat d'étude on avait donc automatiquement pas assez d'ingénieurs, de comptables et d'architectes pour mettre en branle la mutation révolutionnaire de la société française. Pourquoi le travail manuel s'est vu ainsi dénigré? parce qu'on a poussé les petites gens à devenir des futurs salariés de bureau et non des manouvriers. Pourquoi a t'on du mal à trouver un plombier? parce que le service public est dressé en modèle de tranquilité au lieu de valoriser la main salie et fière. de son oeuvre. Pourquoi diable inciter les étudiants à choisir certaines branches et pas d'autres? afin de s'assurer aisément une future population d'employés déjà orientés vers les besoins du marché prévu à long terme.

Il est par conséquent clair que l'éducation a été et sera toujours une arme de sélection que manipule à loisir le patronnat. On ne verra plus de cours pour certaines matières et bien entendu l'éducation nationale devra laisser mourir des branches complètes de ses programmes pour coller au mieux aux réalités du marché du travail.

Education et politique

On entre dans le royaume de l'insolente hypocrisie politique car on entre en cours comme on entre en doctrine. Les programmes ne sont pas faits pour relater les besoins, la compréhension et la perception du monde qui nous entoure mais tout simplement pour nous orienter et nous faire choisir les discours les plus adaptés aux situations du moment. Prenons l'histoire, parle t'on des échecs de la colonisation, prend on le temps d'expliquer aux adolescents les résultats de la guerre d'Algérie ou d'Indochine? cette période historique est traditionnellement abordée en troisième où les pré adolescents gobent ce qu'on leur donne et tout au plus leurs manuels contiennent deux pages cumulant les deux situations, en laissant la part belle à l'héroïsme des résistants de la deuxième guerre mondiale et le courage des troufions de la première. Bien entendu on pourrait dire qu'il s'agit là des deux conflits majeurs du XXème siècle, mais de là à passer sous silence des dizaines de milliers de morts, la chute des empires coloniaux et le début de la société française telle qu'on la connait.

Aujourd'hui on se plaint du manque de votants, de l'absentéisme des jeunes dans le profilage électoral, mais pourquoi les cours d'éducation civique sont devenus portion congrue (voire incongrue vu le manque de volonté de les maintenir) du cursus scolaire? se moque t'on du monde? rares sont ceux qui connaissent les institutions françaises, plus rares encore sont ceux qui peuvent s'exprimer sur le pourquoi de certaines règles ou lois.

On comprend donc mieux que les cités s'effondrent socialement: les parents sont la génération des ouvriers peu éduqués, des arrivants immigrés à qui l'on n'a pas eu l'intelligence d'offrir la culture et la langue et leurs enfants sont aujourd'hui condamnés soit à être des basses oeuvres de la manutention ou du service direct (vente dans les magasins, caissiers...). Les peu nombreux dont les parents ont la clairvoyance de les maintenir dans le système scolaires sont en proie à deux phénomènes: des écoles inadaptées et transformées en ghetto pour étudiants de basse catégories sociales et une embauche quasi impossible du fait que l'état martèle qu'un jeune adulte de cité n'est bon qu'à vendre de la drogue et à se laisser vivre sur les revenus de ses traffics. Oublie t'on donc que l'intelligence est une denrée qui ne connait pas la couleur de peau et qu'elle se moque des frontières sociales?


Eduquez nos enfants pour qu'ils soient parties prenantes et actives de notre monde, au moins vous éviterez de voir les cités vous exploser au visage...

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ouahhhh, ça secoue...

ancolie