15 novembre 2006

Silences

Ce n’est pas par amour du silence que j’écris plus que je ne parle, c’est surtout que depuis bien longtemps j’estime la parole comme étant un outil rébarbatif et pénible. Cela peut sembler absurde pour ceux qui pensent que j’aime la communication, mais paradoxalement il m’arrive de choisir le mutisme borné qu’on ne trouve guère que chez l’homo imbecilus dont je suis un fier exemplaire. Mais… là j’entends LA question insupportable et pourtant logique du « pourquoi garder le silence ? »

Le Silence qui dort

J’aime le silence, comme si le néant sonore était un miracle dans l’environnement urbain de la capitale. La ville qui ne se couche jamais, on devrait plutôt la renommer la ville qui vous démolit l’oreille interne : véhicules bruyants à outrance, population qui se sent obligée de hurler pour se faire entendre, mes esgourdes subissent le supplice sans cesse répété du brouhaha de la foule aux borborygmes de bestiaux allant à l’abattoir. Qui n’a pas hurlé contre les deux roues stridents, la voiture conduite par un crétin du bitume, qui n’a jamais rêvé de ne plus entendre ces avions se croiser dans le ciel ? bien sûr on peut prétendre à la paix au prix de fenêtres à double vitrages, de pièces insonorisées mais franchement la société voue un culte au bruit. Les médias braillent à qui veut l’entendre le mélange infâme de publicité et de sitcoms disloquées, les radios vocifèrent les derniers tubes du moment ponctuées de « jingles » (anglicismes je vous hais) tonitruants et les rues sont le théâtre du boxon auditif. La gloire du marteau piqueur, l’honorifique titre d’emmerdeur aux camions et trains filant entre les immeubles, la ville aime le bruit, et moi j’aime le sommeil. Nous ne sommes pas faits pour nous entendre !

Le Silence du mort.

L’écriture nécessite pour certains une concentration extrême, la poésie semble être associée à la méditation, alors oui le silence est roi dans l’art de la plume. Ne m’estimant pas artiste pour deux sous (pas même d’un seul honnêtement vu la richesse de mes fautes), je me laisse souvent porter par une musique choisie selon sa thématique : qui n’a pas entendu Carmina Burana ne peut comprendre la facilité à « voir » une scène de bataille sur les ténors en trémolos, qui connait G.Winston au piano peut saisir l’aisance obtenue à entrevoir la douceur d’une caresse féminine et qui aime le rock endiablé a facilement l’image d’une poursuite automobile dans un quartier quelconque de la capitale. Et là, étrangement quand je m’éprends de ma plume (sous la forme de 105 touches thermoformées et thermo-gravées engoncées dans une carcasse 100% ABS) et que je songe en vers, le silence se fait. Pas de musique, pas de bruit en dehors du martèlement frénétique de mes doigts. La poésie n’est pas un art silencieux, parler de la Mort en tirades rimées est chez moi synonyme de recueillement auditif. Etrange situation…

Le Silence de l’étreinte.

Plus d’une fois je me suis demandé pourquoi l’amour (et le sexe) ont ce besoin ardent d’être mis en forme avec une vigueur sonore indescriptible à l’écran. Est-ce que faire l’amour se contente de cris de jouissances ou bien parfois l’on étouffe ses gémissements sur les lèvres de l’autre ? je n’ai jamais compris cette thématique de la musique langoureuse lors de l’étreinte, je n’imagine même pas un disque tournant en fond sonore dans la même pièce que moi. A croire que les réalisateurs de films pensent qu’il faut intensifier le mélo par l’ajout d’un morceau pénible. Vous mesdames et mesdemoiselles, éprouvez-vous l’envie de vous lancer dans des vocalises de cantatrices quand le plaisir monte au creux de vos reins ? on dit que des personnes aiment à extérioriser leurs sensations par le cri, parfois l’insulte, les mots démembrés et sans suite. Dire que je trouve un regard et une main tendue bien plus sensuels qu’un hurlement hystérique est un euphémisme…


Silence et paroles

Si l’on pouvait utiliser la parole à autre chose qu’à vociférer ou déblatérer des lieux communs je serais le premier heureux. Qu’il m’est pénible de répondre à des insipidités par d’autres propos creux, qu’il m’est lamentable de faire des bilans oraux sur une semaine morne de travail ou bien sur mes amours contrariés ! Faites moi plaisir, utilisez la belle langue pour de belles choses, du moins pour faire avancer les autres. Laissez moi le silence, il m’est précieux comme le regard qu’Elle porte sur moi quand elle me désire…

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cet article m'a vraiment touchée ....il représente tant la sensibilité laverité à mes yeux... merci à toi pour tout ce que tu apportes chaque jour et que tu fai partager.
Ingrid