31 janvier 2007

Travailleurs

J’entends déjà la foule entonnant l’internationale, la gorge noyée sous la coulante barbarie d’une villageoise industrielle, le tout acidulé par des collations merguez dont le seul aspect rappelle que le Fuca sait se faire salvateur. La valeur du mot travailleur est devenue péjorative, un peu comme si le fait d’être autre chose qu’un nanti engoncé dans un costume de mauvaise facture fait de l’homme un personnage respectable. Le prolétaire deviendrait-il une plaie, les mains souillées un signe de faiblesse tant intellectuelle que morale ? plus je regarde les cadres sans vrais bords plus j’admire l’encadrement de l’ébéniste compétent. L’arrogance de ces cravateux pétris de racisme de classe qui ne regardent que par le bout d’une paire de lunettes aux verres biseautés me donne envie de rendre le myope muet et d’offrir la parole au grouillot silencieux. Est-il possible que ces imbéciles admettent que sans basse main d’œuvre courageuse il n’existe pas de société digne de ce nom ?

Je suis stupéfié par les railleries que provoquent les diatribes d’une Arlette Laguiller revendicative et ulcéré par le manque de considération pour une femme qui, en toute sincérité et inconscience de ses retards historiques prône encore, 30 ans après la méthode communiste révolutionnaire. J’admire, je souris béatement quand la retraitée s’emporte contre les salauds de patrons, les escrocs de ministres et les pourris de planqués d’un état malade. Quelle pugnacité, quelle volonté d’intervertir les rapports de force ! Si j’avais une seule remarque à faire à cette femme de bonne volonté c’est simplement de se départir des œillères politiques dont elle s’abêtit le regard pour redevenir un rien lucide sur la situation nationale. Madame, permettez-moi de vous signaler que la classe majoritaire est devenue petite bourgeoise, satisfaite de pouvoir tant bien que mal s’offrir à terme un logement chèrement payé sur 30 années de remboursements castrateurs, que ces personnes ne veulent plus entendre parler du travail manuel de papa, des ménages de maman et qu’il leur est à présent intolérable de soutenir une masse grouillante d’ouvrier bêtifiés.

Je regrette les poings levés (pas les mains tendues merci ça n’a rien à voir !) qui ne parlent pas de destruction mais de construction sociale équitable et je comprime une larme de tristesse à la douloureuse acceptation que les idéaux sont aujourd’hui des produits mercatiques soigneusement calibrés : la voiture, la maison, le jambon Herta et les frites Mc Cain. La société est-elle donc à l’image de ces hypermarchés, sans personnalité, rangés et classés par genre et taille puis finalement totalement dénués du petit côté humain indispensable à tout commerce ? rendez nous nos prolos bordel ! qu’ils puissent râler et dire le fond de leurs pensées !

Je concède tout à fait que les extrêmes peuvent se gargariser d’avoir des scores honorables par des procédés déloyaux comme cultiver les plantes de la discorde dans les cœurs secs des électeurs déçus. Combien de ces maçons, peintres ou mécaniciens plébiscitent des Le Pen (désolé la majuscule est par convention, pas par plaisir…) braillards et populistes alors qu’ils laissent la dernière survivante d’une foi inusable en la fin des luttes de classe. Arlette, merci encore d’être un symbole vivant de ce que pouvaient rêver les communistes : un monde moderne mais humain.

Enfin, de guerre lasse (sic) les combats pour les ouvriers cesseront quand nous changerons la société Française pour une société panaméricaine, et que les banderoles ne seront plus que reliques poussiéreuses dans les placards des derniers survivants. Adieu à vous, camarades anarchistes, adieu à vous syndicats (parfois véreux) et finalement adieu à cette plèbe qui savait se faire entendre dans toute sa simple et franche sincérité.

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