18 janvier 2007

(xéno)Phobies

Depuis la nuit des temps jusqu’aux nocturnes crises d’angoisses, obsédés par de petits riens tels que l’attaque imminente des terroristes sur la capitale, la présence de dioxine dans l’air ambiant ou bien plus prosaïquement les hululements scabreux des chats en chaleur, l’humain est la victime d’un mot cruel : phobie. La phobie est partout, elle est moqueuse ou logique selon ses victimes et vous attrape à l’intellect comme le ferait une nuée de fans échevelées (précision d’une importance capitale : le féminin est choisi à escient) au corps d’un Patrick Bruel miaulant ses ritournelles (qu’est-ce que je disais…). Que ce soit la terreur face à une araignée (arachnophobie), une foule trop grande (agoraphobie) ou pire encore de l’étranger (xénophobie), c’est toujours un processus intellectuel tortueux qui mène à la répulsion spasmodique de la rencontre systématiquement dramatisée. HIIIII !!! (cri de la jeune femme en crise de panique devant une araignée) TUE LA !!! Je tiens à préciser que la dite bestiole atteignait la taille d’une pièce de un euro, pattes comprises.

Non, qu’on ne me taxe pas de moquerie face à ces maux douloureux et impossibles à réprimer ! Phobiques de tous les pays, je vous ai compris ! je pourrais même ajouter « ich bin ein Phobique »… bon… tout de même, je suis bien loin de l’emblématique président à la bannière étoilée tombée sous les balles ensorcelées d’un tireur solitaire (en effet la commission Warren a entérinée l’explication d’une balle pour plusieurs blessures…), tout au plus je saisis bien l’ampleur de votre douleur morale. Gageant qu’il vous est intolérable d’aller au devant de la chose repoussante, il me semble alors de bon ton de vous proposer de vous socialiser plus fortement, ceci afin que votre partenaire soit par procuration le sauveur des situations délicates. Quoi de plus charmant (sic) que celui qui se dévoue pour débarrasser la chambre de la saleté d’abeille ayant eue la mauvaise idée de venir pourrir votre petit nid d’amour ? quoi de plus séduisant que le bras tendre et léger de la demoiselle vous accompagnant entre les rigoles bétonnées et les épanchements d’humanité d’une foule crasse dans le métro parisien ? C’est bien LA solution, le salutaire contact d’une personne pouvant vous offrir l’action indispensable au soulagement de votre être opprimé.

L’histoire le prouve : il suffit de confier à un tiers la charge de traiter un problème pour se retrouver soi-même soulagé. Le xénophobe n’a-t-il pas traité sa crainte de l’étranger en plaçant sa confiance dans les triques et les arrestations des milices de noir vêtues ? n’a-t’il pas apprécié Pinochet qui a réussi pendant un long moment à endiguer la vague de ces salauds de communistes qui sont pas comme nous ? et ici même, en France, les collaborateurs n’ont-ils pas énormément faits pour le soulagement des phobies raciales de la masse silencieusement emmitouflée dans sa « nationalité française » ? l’œuvre (disons plutôt l’action) de bienfaisance des compensateurs est, à une échelle autrement plus grande, un acte béni des vœux des xénophobes. Ca expliquerait aussi (du moins je pense) l’unité radicale de ces personnes dans le mouvement vers une seule voie (celle du bras tendu et des bottes claquant sourd le bitume des métropoles) et la fascination pour les étendards. D’ailleurs, les drapeaux, fanions et brassards sont-ils inscrits sur les fiches maladies de ces xénophobes ?

N’ayez pas peur, soyez sereins. Aujourd’hui la foule abêtie par la propagande clignotante des téléviseurs complices se charge d’offrir une audience aux candidats atteints de xénophobie. Rien qu’à ce titre on peut sans conteste affirmer qu’une part des minorités françaises s’est bien intégrée et a bien comprise le système électoral, et qu’on va au devant de sacrés progrès (c’est comme ça qu’ils définissent ce qu’ils appellent réformes et que d’autres appellent scandales), à condition qu’ils passent. Je n’ai rien contre les minorités, bien au contraire j’approuve sans ambigüité leurs présences aux élections, mais de là à devenir militant et affirmer qu’ils ont raisons, et que ce sont tous les autres qui ont tort il y a une marche qui me semble bien difficile à gravir. Je me contente de les observer, de dire que le droit est pour tous, et puis ma voix ne leur sera pas dévolue, voilà tout.

Rien n’est pire que d’isoler un groupe minoritaire, c’est la meilleure manière de les rendre encore plus radicaux. Les allergiques, les maladifs, les chétifs, les quelque chose – phobe doivent-ils être en marge d’une société tendant vers l’aseptisation et la standardisation ou bien carrément choisir l’exil moral ? Il me semble difficile de demander à une personne (par ailleurs bien portante hormis ses troubles phobiques) de fuir le monde sous prétexte qu’il y a trop d’araignées dans les pavillons, les campagnes et les caves des villes. Restez parmi nous, vivons ensembles ! n’ayons plus peur, aidons nous les uns les autres (pour moi si possible une demoiselle splendide au tempérament d’acier et à l’humour radical… mais on peut toujours rêver.). Pour se faire je propose donc aux xénophobes de France de se trouver une compagne de nationalité (et si possible de couleur de peau) identiques à la leur puis, se faisant, de supplier l’être aimé de tabasser sans vergogne tout ce qui n’est pas comme eux. En agissant aujourd’hui (et en espérant que la révolution éclate avant le prochain hiver) ils auront acquis le droit d’être reconnus comme des phobiques ayant lutté contre leurs maux, et puis… d’ici quelques années (une fois que l’armée et la police auront soldé les derniers foyers de résistance) on pourra alors les traiter efficacement en testant sur eux les vertus de notre système pénitentiaire.

Agissez xénophobes, ouvrez les portes de vos cœurs pour que s’ouvre les portes de Fleury Mérogis !

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