13 février 2007

Adulte erre…

Ca y est, l’enfant a quitté la bulle parentale, terminé sa croissance si ruineuse chez les fripiers et enfin mis un terme à ses études longues, pénibles et totalement vaines. Le voilà pimpant, fraichement diplômé et fier de pouvoir accrocher à son mur ce bout de papier imprimé à la chaîne que oui il a bien passé l’examen final validant son absentéisme maladif ainsi que son incompétence chronique sur les sujets abordés. Comment lui dire qu’il n’est pas sorti grandi de l’expérience des amphithéâtres désertés et des TP aux sujets antédiluviens ? c’est si difficile de ne pas déceler de la fierté dans les regards emplis de larmes des parents enfin convaincus que l’échéance finale du départ du parasite est bien proche. C’est superbe cette foi de la mère qui embrasse son enfant devenu grand en lui murmurant « tu pourras travailler à présent » car c’est bien là l’objectif final : mettre le rejeton sur le marché de l’emploi puis si possible le caser dans le premier studio ou meublé passant à proximité d’oreilles.

Ah les vingt ans, cette ère des joies et peines des premiers entretiens d’embauche, ces jours difficiles où le jeune adulte doit se passer de la voiture de papa au profit du bus ou du métro ! le choc est terrible car la mobylette remisée au fin fond du garage ou de la cave est devenue ringarde et le scooter si « in » est hors de portée du pécule du morveux se mouchant dorénavant seul. Là commence les problèmes imprévus pour les parents : si le budget et le physique le permettent on continue à entretenir partiellement l’oisillon qui transforme ses rares (voire inexistantes) économies en soirées alcoolisées ou en restaurants inabordables. Les temps de colères sont lointains se disent les géniteurs, lassés, usés et lessivés par tant d’efforts et de nerfs mis à rudes épreuves. Doit-on les blâmer de ne plus avoir de ressource pour générer une quelconque révolte ? à mon sens l’héroïsme ordinaire a ses limites que seuls des parents peuvent connaître.

Quoi qu’il en soit, l’adulte est encore en sommeil, trainant de ci de là au fin fond de l’âme infantilisée de ce grand dadais à coup de télévision poubelle et de Mc Donald ingurgité à la va vite. Horreur, il préfère donc le bidule au poulet au bœuf bourguignon de maman ! Scandale, il se met à fumer comme papa et n’hésite plus à lui souffler la politesse sur le dernier paquet caché dans la commode ! Las des tremblements des mains à force d’usure l’un des deux se décidera enfin à dire au fiston « bon toi tu sors, tu fais ton sac et tu te barres »… du moins en rêves et songes d’une douceur opiacée digne des plus grandes errances baudelairiennes. Et le petit matin se lève, glauque et mou sur les ronflements du fainéant avachi sur sa couche après une nuit blanche crapuleuse chez un « pote ».

Ho, rapidement il ou elle se décidera à convoler avec l’être aimé(e), assurant aux parents enfin débarrassés du « problème » qu’ils paieront sans souci le loyer et les charges, ceci tenant jusqu’à la première lettre de relance bien entendu. Là les points de vue divergent entre ceux fermement décidés à repousser l’attaque vicieuse du descendant en lui rappelant « vous avez décidés, vous assumez », et ceux connaissant le risque inhérent aux dettes, c'est-à-dire le retour de l’enfant prodige après sa première faillite personnelle. Ainsi le chéquier prendra alors des couleurs indéfinissables allant du rouge des joues empourprées de colère du père au violet du banquier affolé par une sortie si soudaine de fonds en grandes quantités. Mais quand on aime on ne compte pas…

Ah ça pour le ressortir le geignard saura y faire ! ne pas compter, surtout ne pas tenir de comptabilité des erreurs, errances et âneries accumulées sur la décennie entre la sortie de l’école et celle de la stabilisation, c’est donc mettre en veille la rage qui s’accumule alors dans la cocotte minute déjà bien pleine d’une ascendance au bord de l’explosion furibonde. Le « Je vais lui péter la gueule à ce grand con » s’apprête à déborder des lèvres couvertes d’écumes enragée et l’on envisage même une intervention de Monsieur Pasteur pour soigner le père devenu impossible à maitriser. Mettez vous donc à sa place à ce pauvre vieux : vingt ans de lente agonie en priant tous les dieux de voir le résultat de l’erreur funeste réussir à prendre son premier et définitif envol, tous ces rêves anéantis par l’accablante inconséquence d’un mioche à qui « bordel on lui a pourtant expliqué comment gérer son argent ! ».

Pas de souci finalement, tôt ou tard l’enfant chéri(e) vous annoncera « je vais me marier » ou mieux encore « on va avoir un enfant ». CHOUETTE ! VENGEANCE ! Ils vont morfler eux aussi, payer la dette colossale en ne dormant plus, en se payant des ulcères à force de craintes injustifiées…

Et merde ils vont se souvenir qu’il y a les grands parents !

JULIE! Merde ferme cette foutue valise, ils arrivent avec les petits enfants! Mais grouille toi bordel ils vont nous voir!

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