18 avril 2007

Epitaphe Pour P.D

« Aujourd’hui le 18 Avril 1988, un grand génie de l’humour décalé vient de décéder. Il sera enterré au cimetière du père Lachaise… »

Il y a 19 ans décédait du cancer Monsieur Pierre Desproges, l’idole de mes bassesses verbales et directeur de mes pensées critiques. A lui seul il m’a enseigné par sa verve inusable les principes fondamentaux d’esprit critique et de non sens logique. Le maître s’en est allé et aujourd’hui je ne lui connais pas de véritable héritier. Que louanges soient rédigées en son honneur, même si de son vivant il aurait crié au scandale pour une telle action. Maître, sachez qu’il s’agirait là d’une pantalonnade et non des vêpres honnies tout au long de vos chroniques et affabulations hilares…

Moi aussi je baisse maître, je me sais fort atteint intellectuellement par la déferlante des maux de l’âme tels que le poison du désespoir noyé sous les flots d’un humour pathétique, l’amertume d’une Humanité sans cesse mise à mal par l’imbécile uniformité d’opinion de mes contemporains, et surtout, oui surtout la honteuse façon dont je me déleste de mes frustrations morales par la rédaction de ce torchon devenu quasi quotidien que vous auriez, je n’en doute pas, comparé à un sous « minute » du web. A vrai dire, j’aurais aimé que vous soyez là, aujourd’hui, à fustiger les malheureux se prenant pour des intellectuels, à démontrer avec ferveur que vos avertissements concernant la flamme tricolore se sont vérifiés et qu’il n’existe pas meilleure preuve de la connerie (pardon) humaine que le reflet de celle-ci dans les sondages.

La vacuité de chaque chose en ce monde n’a d’égal que la valeur qu’on lui accorde de son vivant, et vos critiques cinglantes n’ont fait que démontrer un peu plus chaque jour qu’un personnage clé de l’actualité à un jour donné devient avec le temps un vague souvenir, pour ne pas dire carrément un inconnu total pour ceux n’étaient pas présents. Quel jeune, entendez par dont l’âge est insuffisant pour être électeur peut prétendre connaître Alice Sapritch, Robert Mitchum, ou bien encore d’Henri Krazuky ? Tout de même n’a-t-on pas trouvé d’autres têtes de turcs tout aussi pathétiques et même parfois pires encore ? Elles existent, il suffit d’allumer la télévision pour pouvoir remplir un bestiaire d’idiots prêtant le flanc à la chronique cinglante, mais quel humoriste oserait aujourd’hui balancer ouvertement des vacheries à nos politiques ? On me parlera de Dieudonné… pardonnez si je réfute le personnage tant il semble bien loin de l’empire humoristique du Desproges. Qui d’autre à aligner ?

J’aime réécouter certaines de vos impostures juridiques du tribunal des flagrants délires. Certains vous ont suivi au paradis (enfin je dis paradis par convention littéraire et non pour offusquer votre esprit anti-religieux) ou bien sont descendus en enfer, d’autres sont indétrônables, mais tous ont eu un moment de gloire radiophonique, même s’il fut souvent à leur détriment. Le Pen fut une cible de choix, et maître vous n’avez pas reculé. Noah de joueur de tennis devenu chanteur et pourfendeur des causes valables en prit pour son grade, mais tout deux furent amusés par le ton impertinent et cinglant d’un homme dont la culture était spectaculaire. J’aimerais tant qu’un tel personnage puisse recommencer avec autant de force de telles pérégrinations lexicales aux vues de tous et sans craindre la censure de plus en plus présente.

Pierre Desproges aurait il aimé ce début de siècle ? J’imagine bien son regard désabusé, le mégot de brune pendant au bout des doigts jaunis, un verre de rouge serré entre ses phalanges, et pourtant arborant un sourire ironique sur le monde l’entourant. « La seule certitude que j’ai c’est d’être dans le doute ». Sans cette vérité universelle nul doute que l’homme serait devenu mégalomane et prétentieux, chose qu’il ne devenait que par pur plaisir de la contrition de ses cibles.

Vous manquez, vous ME manquez moi terne raconteur d’inepties tentant vainement de me rendre intéressant dans un simulacre de ton Desprogien. Vous étiez, non vous êtes un personnage intemporel, vif d’esprit et riche en enseignements.

Bien à vous Maître, riez de nous car nous le méritons au moins autant qu’avant.

Votre Obligé serviteur.

F.

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