08 juin 2007

Les vieilles guimbardes et moi

Si le paysage urbain semble si morne et passablement uniforme, je me demande parfois si la cause n’est pas juste une homogénéisation du parc automobile. Quelque soit la marque, l’origine ou même les modèles, toutes les voitures se ressemblent et finissent même pas rendre difficile l’identification d’un modèle par rapport à un autre. Bien entendu certains constructeurs conservent tics stylistiques inhérents à l’historique de la marque comme par exemple une fidélité à un bureau de style donné ou bien une forme particulière de calandre. Toutefois, et ce à contre-courant des censeurs automobiles, j’aimes ces vieilles guimbardes qui firent autant la gloire de ma jeunesse sous la forme de miniatures Majorette que celles de la génération de nos parents.

Déjà je vois certains me regarder de travers en se grattant la base du crâne avec l’air interrogatif qu’adopte la poule face à un engin provenant de Pluton : « de quoi qu’il cause celui-là ? » Et bien de vieilles voitures que je préfère nommer anciennes ou ancêtres. Attention la dénomination a une importance, une ancienne c’est plus de trente ans, une ancêtre c’est antérieur à la première guerre mondiale. Toute la différence tient qu’après le conflit la voiture devient un produit de grande consommation et qu’énormément de choses évoluèrent de manière fulgurante, mais nous ne sommes pas là pour un cours magistral sur l’histoire de la bagnole. Donc, comme je commençais à le dire, les guimbardes auxquelles je songe sont les voitures de papa ou de grand papa, entre les Renault 4CV d’après guerre et les De Dion Bouton de 1920, ces bouilles de tôle si adorables, si osées dans le dessin, si datées dans les finitions… et si insultées pour leurs vitesse d’asthmatiques lancés dans l’escalade du Mont Blanc. Bien sûr que ces voitures ne sont pas des foudres de guerre (quoiqu’il y a toute une série de véhicules capables de laisser sur place ces fameuses modernes dont tout le monde se vante… enfin bon passons), mais c’est aussi un art de vivre que de circuler dans ces engins qui devraient n’attirer sur elles que sympathie et sourires amusés. Comment ne pas craquer devant la bouille rigolote d’une Fiat 600, être impressionné par les monuments roulants qu’étaient les premières voitures à moteur à explosion, ne pas céder au confort d’avant-garde d’une DS ? Personnellement je ne peux que me rendre compte du côté désirable de ces pièces de musée.

Tout de suite l’écologiste en mal de combat me rétorquera qu’une ancienne ce n’est pas catalysé, que ça pue, que ça consomme, que c’est bruyant… parce qu’il faut qu’une voiture soit aseptisée ? Parce qu’il vous faut un véhicule dénué d’âme pour qu’il soit politiquement correct ? L’artisanat a vécu ses belles heures dans le monde de la mécanique, de la carrosserie ou de la sellerie. Il y a tant d’anciennes qui étaient finies à la main, réparées et entretenues avec le soin d’un horloger pour une montre à gousset, et une voiture était un patrimoine et non un objet jetable tel un rasoir usagé. Il y a une relation vraiment chaleureuse avec ces engins sur qui des générations se sont acharnées au volant et pestées contre la circulation ou l’hirondelle pointant son bâton blanc en signe d’avertissement. Derrière le moteur de ces machines « périmées », il y a eu des cœurs et une espèce d’âme subsiste dans les anciennes. C’est aussi un peu pourquoi certaines ont des cotes élevées à cause d’un historique atypique : possédée par une star ou un personnage Historique, ou bien pour un palmarès de course certifié. Bref, l’ancienne c’est aussi la mémoire des anciens propriétaires qui perdurent.

Pour qui se fout de ses aspects, alors prenons aussi le côté préservatif, non pas le latex imbécile, donc le côté latex… et m… la préservation d’un patrimoine historique. Quelle fierté de pouvoir retracer et même reconstituer les ruelles des années 50, se souvenir de l’odeur de plastique surchauffé de la R12 de papa et même celle de l’essence dans la 2CV du voisin ! Il y a un cet aspect si important qu’il m’est impossible d’en dissocier la voiture ancienne : sauvegarder l’histoire de l’industrie, rappeler des souvenirs à toutes les générations et se sentir comme un collectionneur plus que comme un criminel, ça n’a pas de prix.

Bien sûr c’est un loisir cher, complexe, technique et surtout envahissant, car une voiture s’entretient, se répare, se restaure et pire encore pourrit si l’on ne prend pas soin d’elle… sans compter la place prise sur les celles qui devraient légitimement prendre place dans le garage. Plus d’un collectionneur vous dira que le budget est intenable, qu’il y a des péripéties parfois comiques parfois épuisantes, mais que jamais ils arrêteront ce jeu de la chasse à la pièce rare et celui du démarrage de mémé Titine âgée de 65 ans.

Préserver le passé c’est avoir de bons souvenirs pour l’avenir, et j’espère pouvoir un jour, moi aussi, rejoindre la bande de doux dingues passionnés par ces guimbardes qui rouillent, pétaradent, parfois tombent en morceaux, mais qui restent si belles à mes yeux !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Sais tu que jusqu'en 1903 on disait "un" automobile et que depuis cette date ce mot est devenu féminin? ;)