03 juillet 2007

Commerce équitable


J’aimerais aborder une question typique de l’actualité qui concerne le commerce international et notamment l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) : le commerce équitable. Son but est de prévoir des clauses contractuelles protégeant le producteur en lui assurant des tarifs de vente permettant de maintenir son activité. Bien entendu, l’idée est intéressante au titre que le principe garantit un prix raisonnable et maintient l’activité économique de certains villages pauvres… en théorie ! Prenons donc le regard sévère du critique jamais content des tentatives d’aide au tiers-monde.

La lutte contre la mondialisation ne peut pas fonctionner : c’est un fait, une impossibilité que bien des pays finissent par admettre car sans échanges mondiaux point de salut. Les capitaux sont si mouvants qu’il est devenu impensable de ne pas gérer la notion de devises et de prendre en compte la concurrence étrangère. De fait, on se heurte à des phénomènes jamais rencontrés auparavant comme la concurrence entre des pays qui jusqu’à présent avaient le loisir de s’ignorer totalement. Les exemples sont légions : la France n’a pas fermé ses mines de charbon par lubie mais par obligation économique puisque la tonne de charbon livrée en France en provenance d’Afrique du Sud est environ 50% moins chère que celle extraite localement, et ce transport compris, ceci sans compter la meilleure qualité du produit Africain. La logique est donc de réduire les coûts et de survivre face à ce genre de problématique inévitable. Regardons nous un peu en face : nous n’admettons pas d’acheter certaines marchandises au prix fort puisque l’offre permet d’avoir des tarifs avantageux, tout en créant de la sorte une situation mortelle pour l’industrie et l’économie locale. La délocalisation découle totalement de cette situation, c'est-à-dire que les sociétés vont produire là où le prix de revient est le plus intéressant. On ne peut pas créer une marge si le consommateur refuse de s’en acquitter. C’est l’économie de marché dans toute sa splendeur.

Maintenant que ces grandes lignes sont connues, revenons donc à notre producteur qui fonctionne sur le principe du commerce équitable : son produit est vendu proportionnellement plus cher que les concurrents, mais les clients finaux, en l’occurrence vous et moi paie un surplus pour permettre la subsistance d’exploitations théoriquement condamnées par les grandes industries. Prenons une boîte de café : le rapport écart prix à l’achat du café brut avoisine les 25 voire 30% en défaveur du producteur « commerce équitable ». Bien entendu, l’acheteur répercute cet écart lors de la mise sur le marché, chose qui est somme toute normale. Par dérivation on peut donc affirmer que le commerce équitable dépend totalement de notre bonne volonté de consommateur avisé. Seulement, il y a un problème majeur : la qualité de ces produits est-elle présente en tant qu’argument de vente ou bien seul le système par lui-même est-il moteur des ventes ?

Si l’on doit comparer deux produits, il faut bien entendu utiliser des échelles réalistes comme la qualité intrinsèque des produits ainsi que le rapport qualité/prix. Le premier écueil qui sera sûrement un des pires pour ce concept c’est que la concurrence est loin d’être de mauvaise qualité et à des prix tout à fait concurrentiels. On ne peut pas dire que le café équitable soit nécessairement meilleur que celui non estampillé comme tel, et c’est un drame ! Réfléchissons : si le prix est élevé on exige une qualité élevée, c’est du bon sens économique. En comparaison une personne s’offrant une maison avec un budget très élevé ne s’achètera sûrement pas une ruine ou un appartement miteux dans une banlieue minable. Je peux donc affirmer que sans doute cette non démarcation qualitative fait énormément de tort au développement économique du commerce équitable.

Là où je crois que l’échec sera (si ce n’est pas déjà le cas) sans nul doute localement : le producteur qui peut augmenter son capital par une vente plus profitable aura à cœur soit d’en faire profiter ses ouvriers, soit d’en profiter par lui-même, soit les deux. Dans les faits je crains que cela soit plus complexe : pour améliorer les revenus il faut s’étendre, et l’extension c’est l’achat du voisin. Le voisin devient donc une parcelle de plus, ceci réduisant donc les frais réels car l’augmentation de la productivité donne réduction des coûts unitaires. Par conséquent, le petit deviendra gros, ou du moins plus gros qu’il ne l’était. Cela va-t-il pour autant profiter à tous ? Sûrement pas puisque ses concurrents, les autres producteurs locaux n’auront d’autre choix que de continuer à subsister pour les gros, ou s’attacher à produire pour le nouvel émergent… sans devenir pour autant individuellement rentables. Ca aussi c’est l’économie de marché : concurrencer artificiellement et donc tuer sans arme économique son voisin. C’est étrange, mais cette mécanique existe déjà en Europe et aux USA : l’état (ou l’UE) subventionne la production et impose des quotas de manière à stabiliser les prix, ce qui exclue de fait la concurrence qui ne pourra jamais abaisser ses prix au niveau du marché. Si les prix n’étaient pas truqués par ce dispositif fiscal, sans nul doute que bien des exploitants seraient en faillite. Quel est le principe ? C’est par exemple un laitier qui va produire admettons mille litres de lait qu’il devrait vendre à un euro pour être rentable, mais il le vendra à un demi euro, le reste lui étant versé par les aides. Par conséquent, comment le concurrent peut-il vendre au demi euro sans l’aide en question ? Impossible.

A terme, la problématique va se décaler car à chaque fois qu’un producteur adhère au système il ne sera jamais assuré d’être protégé pour toujours par le commerce équitable. Pour peu que l’acheteur se ravise et reprenne le cours réel des marchandises, notre cher exploitant devra donc revenir à ses prix traditionnels, et ainsi perdre toute rentabilité. La charte du commerce équitable exige que les salaires versés aux employés soient en regard des gains obtenus, cela veut donc dire qu’au final, lors de l’effondrement du système, ceux-ci reviendront à des salaires de misère avec toute la crise sociale que ça implique.

La solution globale est introuvable car elle irait à l’encontre de l’économie mondialisée : il serait par exemple plus efficace de fixer des minima sur les prix d’achat aux producteurs de manière à s’épargner ce genre de situation idiote où l’on finance et où l’on fausse l’économie par le truchement d’un slogan moralisateur. La seconde possibilité est de fédérer les petits exploitants en coopératives pour leur donner un poids certain face aux grosses industries. Seulement, ça sous-entend la fin de l’indépendance de bien du monde et d’en arriver à un système terriblement proche du kolkhoze, chose qui est inacceptable tant humainement qu’économiquement.

Si quelqu’un a une idée….

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