18 juillet 2007

Le positivisme

Il se peut qu’on puisse me reprocher régulièrement de faire preuve d’un cynisme de bon aloi, fort à la mode dans le milieu des pseudos intellectuels bobos qui trouvent toujours le moyen de placer une petite frustration dans leurs discours sous couvert d’une critique construite. Bien évidemment, afficher systématiquement une humeur souriante proche de la béatitude n’est réservée qu’à ceux qui peuvent prétendre à la quiétude de l’âme, bien que je sois fermement convaincu que l’Hommes est condamné à haïr lui-même et ses pairs, peut-être tout bêtement parce qu’il suppose non sans raison qu’il y a toujours un crétin pour lui saboter son bonheur égoïste. Toutefois, bien que je sois réactionnaire dans mes opinions, gueulard et critique sur bien des thèmes, j’estime encore posséder cette part de positivisme niais qui encombre souvent les étagères de la morale qui nous constitue en tant que « société ».

Comment ça, vous vous moquez, vous supposez que c’est de l’ironie et du deuxième degré qui se nimbe d’une fausse innocence ? Ne me flattez pas vils courtisans, il m’arrive aussi, dans mes écarts et mon inconduite d’avoir l’intention et le cœur chargés par la tendresse infantile qu’on peut vouer aux choses et aux gens. Certes je prête moins de charité que de colère verbale, mais enfin n’est-ce donc pas possible d’être juste simple de temps en temps ? Ca semble si énorme que ça ? Décevante réaction, moi qui supposais que, malgré ma dose de noirceur affichée l’on pouvait aisément apercevoir la surface cristalline et protégée de mon âme…

Je ne vous blâme pas à vrai dire, c’est vrai que dans ce monde où la seule politique s’appelle l’égocentrisme, il nous est difficile d’aborder les gens sans la crainte légitime d’une réaction de rejet ou même de haine à peine camouflée par un refus poli de répondre. D’une certaine manière, l’individu pris unitairement se prétendra positiviste au titre qu’il vous énoncera quelques espoirs laconiques sur le destin du monde : la paix mondiale, la préservation des baleines à bosses, la fin de la course à l’armement… Non franchement dans sa solitude il vous trouvera forcément des bienfaits à apporter à ses proches et même aux autres qu’il ne veut surtout pas connaître. Amusant paradoxe, d’un côté il s’affirmera alors pro écolo mais grognera contre les taxes mises en place pour financer le recyclage. Ere d’égoïsme et de corruption par la déification de l’argent.

Suis-je si caricatural quand j’affirme qu’être positiviste c’est surtout être hypocrite ? Allons, ne soyez pas modestes : nous tous nous prétendons à atteindre une haute valeur morale, à détenir la charité discrète mais efficace et même pour les plus fiers à s’impliquer dans des associations caritatives, ou du moins les financer. Mais parmi les donateurs, combien peuvent m’affirmer sans frémir que c’est un acte désintéressé ? Peu… ce n’est pas positif, c’est juste s’offrir à bon compte une bonne conscience, tout comme à l’époque de la renaissance où les nobles s’offraient des billets de faveur du pape pour s’assurer un passage idéal vers l’au-delà. Ca ressemble à s’y méprendre à une simple glorification du geste et non de la conscience…

Quand je parle donc de positivisme, je songe surtout à celui idéal, celui dont se pare le cœur sans pour autant s’afficher à la boutonnière. Je ne suis pas raciste et ce n’est pas pour autant que je porterai la main du « touche pas à mon pote ». Je crois en l’avenir de la science pour sauver l’humanité du SIDA, mais ça ne me forcera pas à arborer fièrement le ruban rouge. Je désire la fin de la guerre, je ne mettrai jamais un maillot frappé du blason de la paix. Etre positif, c’est avant tout croire et revendiquer en ses opinions, et pardessus tout faire en sorte qu’elles soient diffusées et écoutées. A quoi bon se cantonner à la petite fierté quand on peut inciter à la rendre universelle. Le communisme (au sens quasi religieux du terme) prône une égalité des « classes », la pacification des relations entre les patrons et les ouvriers, la fin de la relation exploiteur exploité. Quoi de plus positif que ça finalement ?

Je sais bien que parmi vous certains se visualisent une étoile rouge, une moustache drue et des états dictatoriaux, mais n’est-on pas dans une forme éclairée de dictature de la finance ? On ne juge plus vraiment les gouvernants sur des actes politiques ou sociaux mais sur des bilans comptables. La dette, l’investissement, la balance commerciale, les remontrances de l’EU envers l’état, de quoi douter même du fait que nous sommes un pays et non pas une société anonyme avec un capital. J’estime fermement que ce manichéisme doit s’effacer car aujourd’hui celui qu’on nous impose sous la forme du « si tu n’es pas riche tu n’es rien » n’est pas plus sain. Jouons le jeu positif : si l’entreprise agit avec discernement, alors le salarié sera heureux… mais depuis quand le capital a-t-il un cœur ?

Je suis donc positiviste sur bien des aspects, mais n’allez pas me dire que je m’en vante. Tant que nous garderons ce côté sombre et trop peu regardant sur le respect d’autrui je me garderai de me réjouir ouvertement en préférant alors être vindicatif sur ce qui doit être dit sans pour autant occulter ce qui est réussi.

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