12 juillet 2007

Manga et musiques

Ce post du jour n’a pas pour but de vous présenter le phénomène manga car de mon point de vue il me semble difficile d’embrasser cette culture particulière qui me passionne sans pour autant dériver et oublier certains de ses aspects fondamentaux (codes graphiques et culturels, design, personnages, références historiques…). De fait, aujourd’hui je me concentre sur une petite présentation rapide de ce qui accompagne l’image : la musique. Je sais qu’il est pour le moins surprenant de me restreindre à ce côté ci mais c’est aussi une des choses qui me plait le plus dans le manga. Cette brève a donc pour désir de faire un abord à de nombreux styles fort différents les uns des autres.

La musique « classique » dans l’animation
Comme toute musique devant se joindre à l’image, la musique classique peut s’adapter et même ajouter une nuance épique. Côté cinéma on peut relever Carmina burana ou la chevauchée des Walkyries qui sont des références absolues pour souligner la pesanteur ou l’action échevelée.

Carmina Burana - Karl Orff


Comparons ce morceau avec celui qui suit qui est la bande son de la série animée « Vision of Escaflowne ». Sans m’étendre sur l’environnement typique je signalerai juste que l’ambiance est médiéval fantastique et que l’auteur de ces morceaux est la très prolifique Yoko Kanno, sommité de la composition de musiques de films au Japon. C’est une légende à elle seule vu sa riche production et son succès qui n’est jamais démenti par les ventes d’albums :

Vision of Escaflowne – Dance of Curse


Il est important de noter les crescendos ainsi que les trilles qui soutiennent le rythme et la brutalité générale, comme si l’on avait à courir ou à fuir quelque chose d’énorme. Le soutien par le son. Ce qui est fantastique c’est aussi que c’est un morceau tout à fait contemporain provenant d’une culture où la musique classique à l’européenne n’a jamais été imitée à l’époque. Tous les codes sonores, les instruments et le style est pourtant là, sans pour autant être totalement cloné.

La musique jazz
Une autre thématique musicale est forte, et toujours chez cette même Yoko Kanno mais pour la série « Cowboy bebop ». Là, la musique est en total décalage avec l’image, c'est-à-dire que le thème futuriste de la série (vaisseaux spatiaux, personnages naviguant d’une planète à une autre…) n’est pas du tout repris dans sa sonorité. En fait, la musique apporte un réalisme par antagonisme, comme si écouter un saxophone ajoutait une profondeur d’âme à l’image. Pour me comprendre, dites vous que les personnages sont des écorchés vifs et que la sensibilité générale bien que souvent tournée vers l’humour contient bien souvent un côté sombre presque mystique, celui qui est en chacun de nous je crois.

Cowboy Bebop : TANK !


Pure ambiance et guitare saturée
Là, c’est autre chose : soutenir une image brutale, faire que l’ambiance soit atroce, c’est le rôle de ce morceau composé par (non, pas par Yoko !) Yasushi Ishii pour la série Hellsing. Ecoutez et fermez les yeux… un moment terrifiant exalté par la tonalité des guitares électriques… magnifique et pétrifiant à la fois.

Hellsing - Dracula's Holy Pupil and R&R.


Toute la finesse de ce morceau est justement d’alourdir sous une chape mélodique une anarchie visuelle… vraiment très fort !

De la pop comme en Angleterre
Le groupe Duvet a composé la bande son de la série « Serial experiments Lain » à l’aide d’une pop très anglaise tant dans la forme que sur le chant en langue anglaise. De petits bijoux agréables et légers, mais aussi signe d’un désir de s’approprier des codes européens. Pas facile.

Serial Experiment Lain – Duvet



Musique expérimentale
Là, on passe dans un domaine très spécial que j’adore : la musique expérimentale où le mélange des genres est totalement ahurissant. La bande son des deux saisons de « Ghost in the shell Stand alone complex » (GITS – SAC) ainsi que des deux films « Ghost in the shell » en sont des références qui pour moi sont absolues : chœurs déstructurés, percussions à outrance, rythme passant de la vivacité à la lenteur… et même un abord techno tendance goa pour le second via le sample synthétique.

Ghost in the Shell Stand alone Complex Saison 2 - Shine


Ghost In the Shell 2 : Innocence - Kugutsuuta kagirohi ha yomi ni mata muto


Remarquez l’importance de la voix sur la musique : elle porte la mélodie et non l’inverse, c’est remarquable au titre que rares sont les morceaux qui se comportent de la sorte quand ils sont composés pour l’image

Avenir et passé ?
Cette petite démonstration de la richesse exceptionnelle de la musique japonaise pour l’animation ne doit pas cacher deux grandes vérités. La première est une troublante manie de s’approprier des styles et des codes d’origines diverses, comme si la culture japonaise pourtant millénaire ne comportait pas suffisamment de tons pour offrir une palette suffisante aux compositeurs, et la seconde c’est la pathétique pauvreté des créations non asiatiques dans ce domaine. Comparez donc ces morceaux à ceux de notre enfance, c'est-à-dire aux séries animées qui ont peuplé notre imaginaire… nous avons cannibalisés les dessins animés japonais en leur collant… du Bernard Minet !

Et après on prétend être « créatifs »…

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