31 août 2007

L’idole

Toutes les sociétés ont tôt ou tard vues apparaître une idole, un personnage prétendument colossal, et essentiel à la vie de la communauté, ceci que ce soit en politique ou en art. L’impression que peut dégager le seul concept d’idole est en soi impressionnante car elle sous-entend qu’on se soumet béatement aux paroles et aux gestes qu’on estime être proche de la divinité. L’observation méticuleuse de ce phénomène m’a amené à me poser certaines questions sur le bon sens et sur l’esprit humain car oui, j’ai du mal avec l’idolâtrie.

Qui sommes-nous pour nous prendre pour des dieux ? La question est légitime au sens qu’on va jusqu’à déverser des flots de fleurs sous les pas d’une starlette en mal de publicité qui dévale les escaliers tendus de rouge d’un Cannes putassier. Comme si une morue vêtue d’écailles et de paillettes en strass mériterait qu’on l’élève au niveau des génies de notre temps ! Comment peut-on, lorsqu’on a un rien de jugeote et d’esprit, courber l’échine avec déférence devant un arriviste braillard se prenant à tort pour un chanteur ? Et que dire de l’hystérie convulsive de ces fanatiques prêts à s’entretuer pour un billet de leur groupe favori ? L’Homme est ridicule dans ses démonstrations d’amour aveugle pour ses stars même disparues. Qu’on m’explique la différence qu’il faudrait alors faire entre un buste d’Elvis planté dans le living d’un passéiste forcené et le crucifix brandi à tout bout de champ par un calviniste convaincu, parce que dans un cas comme dans l’autre il ne s’agit plus de reconnaître les talents mais carrément d’en faire des moments bibliques. Les bras m’en tombent.

Après avoir ramassé ce qui me sert d’alimentation à mon organisme commençant à se putréfier, j’aspire sans paille à plus de sérénité qu’une majorité de tordus estampillés passionnés. A quoi bon courir après l’autographe, cette signature vague sur un coin de papelard jeté négligemment en pâture aux hordes transies de passion inutile ? C’est à mon sens quelque chose qui tient carrément du fétichisme… mais oui, vous connaissez, le fétichiste c’est le type qui vous dit qu’il est fier de lécher des pieds. Je vous passe les détails, mais somme toute c’est un aspect étrange de cette idolâtrie qui encore plus que l’excitation générale me fascine et me sidère. Vous, ça vous viendrait à l’idée de monter un autel à une personne publique chez vous ? Pour ma part si je devais en faire autant, j’aurais déjà du mal à trouver qui y mettre…

Quoique, après quelques minutes de réflexion je pourrais, moi aussi, afficher dans mon habitat certaines de mes passions dévorantes : l’histoire agitée du IIIème reich ? Non, ce serait pris pour du nazisme et non un intérêt pour l’Histoire en général ; Alors, pourquoi pas un mémorial à Jack London ? Oui, mais quoi y mettre en dehors de ses ouvrages ? Oh ! Je sais ! Des posters de Che Guevara… décidément non, je n’ai rien de l’ado boutonneux et pseudo réactionnaire qui votera à droite et plus à gauche une fois sa trentaine flamboyante passée. En tout état de cause, j’ai horreur qu’on aille mettre sous les yeux des autres un intérêt malsain pour un autre être humain que soi et son entourage, surtout quand on en arrive à placer des affiches grand format dans son salon.

Ca peut être bon enfant, d’aimer à la folie une idole… Claude François, il serait tout de même difficile de trouver autre chose que du kitsch et de l’amusant dans un de ses fans. Réflexion faite pas forcément, surtout s’il en vient à aller au boulot vêtu d’un costume de scène du chanteur défunt. Encore une fois, ça sentirait le sapin au pays de la guimauve. Pourtant, rares sont ceux qui vont mettre en avant d’autres génies essentiels que ces musiciens ou acteurs. Entre Einstein, Stephen Hawkins, Röntgen, Curie, Tesla, Coulomb, ou De Vinci, il est stupéfiant que nul ne se revendique passionnément épris de ces hommes et femmes de talent ! Oh, il faut dire aussi que la foule vous taxerait d’illuminé ou bien de « petit génie » de manière péjorative. Et puis un maillot du PSG ça semble moins ridicule qu’un maillot estampillé « j’aime Einstein »… heuu… faites comme si je n’avais rien dit à ce propos.

Finalement, on met sur un piédestal non ceux qui nous apportent des avancées mais ceux qui nous divertissent. Rarement on aura un personnage marquant dans l’Histoire qu’on pourra arborer sur soi avec fierté, et majoritairement les gens aimeront non pas des génies mais simplement des artistes. Ca n’ôte rien à leur génie particulier, mais à mon sens ça ne nous apporteras rien de plus qu’un divertissement. Tenez, retrouvez ces t-shirts à la mode, vous souvenez-vous de chacun des groupes dont ils revendiquent les faciès ? Non ? Alors pourquoi les avoir achetés ?

Ah que la nature humaine est faible…

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