11 octobre 2007

Passéistes

Nous sommes retors avec le passé car nous avons la fâcheuse tendance à l’enjoliver et d’ajouter la phrase clé « C’était mieux avant », comme si, par miracle, le passé avait une solution à offrir à un présent voire un futur déprimant. Pourtant, chaque époque connaît des problématiques différentes et l’analyse constructive de chacun des points permet de repousser le passéisme avec vigueur.

Pourquoi parler d’une époque que l’on a personnellement pas connue, surtout pour y piocher des pseudos libertés dont on dispose réellement aujourd’hui ? Les étudiants sont l’exemple typique de la nostalgie à bon compte, et ils ne se privent pas d’aller prêcher un retour à des sources au mieux bancales, au pire inexistantes. Ecoutez les militer pour un mai 68, c’est à hurler de rire ! J’avoue que c’est avec bonhommie et un rien de condescendance que j’accueille ces idéaux car ils sont teintés de l’idéalisme de la jeunesse qui malheureusement flétrit énormément au contact des réalités. Franchement, manifester aujourd’hui, est-ce aussi risqué à ce moment là ? Les CRS tirent-ils dans la foule ? Combien dénombre-t-on de morts après le passage d’un cortège ? Ne mélangeons pas la force d’un mouvement avec le moment où il a existé, car à ce compte là nous pourrions prétendre à un retour à 1936 et au front populaire ! Plus sérieusement, l’évolution de la société fait que des libertés exigées à l’époque sont aujourd’hui des réalités, que le racisme est en très fort déclin, et les jeunes ne sont plus tenus de faire le service militaire. Car c’était ça aussi mai 68 : des étudiants bobo refusant l’autorité parentale, gavés du petit livre rouge et vêtus de maillots estampillés El Che.

Si l’étudiant peut encore être compris dans les principes car l’illusion de la révolution fait bon ménage avec la jeunesse et l’inexpérience, je n’arrive en revanche pas à admettre le passéisme moral chez des personnes plus âgées. Encore faudrait-il savoir quel passé : si l’on me dit que la famille avait plus de valeur avant, j’en conviens en tant que militant du retour à la cellule familiale, en revanche affirmer que la vie était meilleure, c’est occulter que les conditions de travail et la vie en général étaient plus dures qu’aujourd’hui. Auparavant le défi était de remplir régulièrement l’assiette et éventuellement s’endetter pour une machine à laver, aujourd’hui sans les chaines câblées on passe pour un rétrograde. C’est ainsi, la consommation et le confort ont pris le pas sur les besoins de base. Regardons nos assiettes : on a plus que doublé la part de viande et divisé d’autant la consommation de pain, c’est un fait marquant dans nos vies, non ? Il est d’autant plus hallucinant de vouloir revenir en arrière…

D’un point de vue idéologique c’est pire encore : quid des massacres, des erreurs, des dictatures ? Quid des réalités ? On oublie les tortionnaires pour ne voir que la pseudo réussite et stabilité sociale ? Les populations de l’ex URSS ressortent les symboles d’une union révolue, car en cela elle se souvient d’un système qui encadrait tout et duquel on tolérait les excès et la surveillance permanente. Quand on passe de peu à rien du tout, il est sûr que naturellement le peu est mieux… quoique… Enfin bref, si l’on peut comprendre l’envie d’une vie moins dure, on ne peut pas comprendre le bienfait d’un tel retour à des principes qui ne fonctionnent pas.

N’assimilons pas d’autres symboliques : c’est amusant de voir le succès de la collection dans tous les domaines, la passion pour l’objet daté et même connoté. On revoit trôner ces affreuses lampes à blob dans les salons « branchés » (vous savez, ces saletés bouillantes qui vont bouger une bulle de cire colorée…), le design art-déco et j’en passe. Pour autant je ne trouve pas ça désagréable… sauf quand on nous prend pour des idiots ! Regardez l’automobile avec le retour en force de modèles emblématique (mal)traités à la sauce moderne : Fiat 500, Mini… Il ne manque plus que notre chère 2Cv pour qu’on soit à la pointe du … bah retour en arrière. Entre l’ancêtre et la nouvelle venue, le rapport est plus stylistique qu’autre chose, car la 500 n’a plus rien d’une voiture à bas prix pour véhiculer tout le monde, et la Mini n’a plus de mini que le nom. C’est incontestablement une réussite commerciale, mais sûrement pas la victoire d’un style intéressant.

A tout choisir, je préfère le présent : au moins je sais où je suis et je ne rêve pas d’une époque révolue où nos parents peuvent finalement piocher les bons et les mauvais côtés. Parlez avec eux, vous serez surpris…

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