21 décembre 2007

L'abîme appelle l'abîme.

Puisque je suis en verve ce soir, voici une seconde prose pour vous, chers lecteurs.

Je ne me formalise que rarement concernant les verbiages incessants et inutiles de bien des personnes, ne serait-ce que pour la simple et bonne raison que j’en fais autant en étalant mes névroses ici même à un parterre de voyeurs. Ce qui me dérange ce n’est donc pas tant l’usage intensif d’une langue parfois massacrée mais avant tout d’un contenu dont la platitude n’aurait pas déplu à un Gainsbourg en mal d’aventure horizontale. Chaque chose de la vie courante, que ce soit la météo, la politique, l’histoire, le boulot et même (grand moment) les évènements cultes dans des séries qui ne le sont pas moins (parait-il) donnent énormément d’occasions de se régaler des lieux communs et autres imbécillités quotidiennes.

Ecoutez le, ce voisin ânonnant à qui veut l’entendre son expertise sur les faits de société. Ah ça monsieur tient effectivement une expertise subtile de la situation internationale qui oscille entre un frontisme revendiqué, un passéisme marqué et avant toute chose un racisme plus qu’appliqué. Les petits noms affectueux de bougnouls, ratons et autres chinetoques débordent de ses lèvres comme une rivière à Vaison-La-Romaine, l’œil torve tentant alors de vous faire approuver d’un mouvement de votre tête le tissu d’inepties qui lui tient lieu de morale. Régalez vous ! Il y a nécessairement des choses à retenir dans ce fatras, car après tout se nourrir des discours imbéciles c’est comme faire une brocante : on peut toujours trouver la perle kitsch, démodée et laide à souhait mais qui sera fort utile pour briller en société. Un conseil tout de même, évitez les sujets qui fâchent comme le fascisme (à croire qu’ils ont réussi à se fâcher avec tout le monde ceux-là), la collaboration ainsi que les colonies. Hélas oui, si l’on doit traîner sur une décharge publique, autant éviter le secteur des produits toxiques, la puanteur étant déjà bien assez intense là où nous sommes.

En face, on peut se saisir d’un autre type de profil, l’animal de non compagnie qui fait fort bon repoussoir lorsqu’on souhaite se rendre inacceptable en société. Vous voulez ne plus avoir à subir le douloureux moment d’être dans un bar avec des connaissances trop fades ? Emmenez votre crétin grande gueule avec vous ! Ce genre de bestiole a tous les avantages : il s’entretient et se nourrit tout seul, nul besoin de l’alimenter pour qu’il déblatère ses fadaises et qui plus est vous colle des étiquettes incompatibles avec l’auditoire. Une heure de ce traitement et vous serez alors probablement fiché pro nazi, communiste à tendance stalinienne (c’est un must !) et par voie de conséquence serez alors fiché parmi les infréquentables notoires. Attention tout de même, évitez de mêler cette « chose » avec ceux qui vous sont proches, le risque de détonation et de prises de bec est plus que dangereux. Je tiens également à préciser qu’il en existe un modèle plus subversif, plus fin mais tout aussi impossible à intégrer, je parle de l’intellectuel néo libéral qui vit au crochet de la société. C’est un monument à lui tout seul, car vous y trouverez tous les clichés qui sont parfaits pour radicaliser votre image de pourri tout en y maintenant un soupçon de délicatesse. Et oui : votre intello râlera sur ceux qui ne votent pas à gauche, ceux qui se font trop de fric à ses yeux (« des exploiteurs ! » s’écriera-t-il avec emphase) et qui plus est revendiquera sa subsistance à l’aide de diverses aides provenant de vos impôts sur les revenus. Parfaitement pathétique et antipathique, à moins de côtoyer que des « bobos » amateurs de bohémiens bidons.

De qui peut-on encore s’accompagner si l’on souhaite mettre un peu d’ambiance ? La potiche qui refuse d’avoir une opinion à elle, l’ahuri qui n’a d’autre raison d’exister que se sustenter ou se défoncer (ou les deux), l’étudiant rebelle qui votera à droite dans dix ans, la mythique punkette d’opérette et l’inusable mais toujours amusant musicien qui tente invariablement de se faire un nom dans « un milieu de pourris où la créativité n’a pas cours »… mouais, ils sont tous intéressants, notamment quand il s’agit de démanteler leurs arguments à coup de pragmatisme forcené, quitte à être un rien outrancier. Pour ma part je me délecte souvent des crises d’hystéries des rebelles de pacotille qui sont prêts à grogner et brailler mais jamais à lever le poing plus haut que les lèvres pour s’enquiller une choppe. Certes, la révolution est une belle idée, encore faut-il en assumer les risques et surtout les conséquences…

J’avoue, je suis un salaud notoire qui se complait dans la destruction de bien des personnes trop sûres d’elles, et parfois je semble être de ces pénibles qui « savent tout sur tout ». Je crois qu’effectivement je sais devenir un sale con, mais toujours un sale con amusé par la vacuité de l’Homme, toujours irrité par sa triste conviction d’être meilleur que son voisin, et enfin par la désespérante perpétuité des fatuités morales qui seront tôt ou tard des clichés éculés. Quoi qu’en y songeant, certains tiennent des propos assez similaires à ceux qui claquaient des talons, à ceux qui défilaient le bras tendu, ou bien à ceux qui vivaient avec un pagne sur le dos et une couronne d’olivier sur la tête. « Abyssus abyssum invocat » l'abîme appelle l'abîme…

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