29 janvier 2008

Buzz ou propagande ?

L’outil internet a aujourd’hui une telle influence que savoir en utiliser les arcanes et les recoins sombres peut permettre de faire jouer un marketing de masse ou bien de créer des rumeurs suffisamment dangereuses pour qu’elles mènent jusqu’à de véritables crises de paranoïa collective. La particularité même du réseau est de permettre à la terre entière d’accéder aux informations partagées, et ainsi offrir un regard neuf à toute personne susceptible de se pencher dessus. Si visibilité il y a, le détournement de la vérité est tout autant possible voire même généralisé de sorte à embourber l’information dans le mensonge, quant bien même celui-ci serait ridicule.

Le principe du « buzz » (bourdonnement en anglais) est de promouvoir un produit ou une opinion via le réseau en se servant de la bonne volonté des internautes. Techniquement on peut assimiler le concept à celui du bouche à oreille : le produit ou la campagne qui lui est associée vous plait, parlez-en à votre entourage ! Jusque là, rien de bien dramatique puisque le publicitaire ne se cache pas du tout de sa volonté de communiquer. Il est par ailleurs fort aisé de générer ces buzz pour peu qu’une communauté curieuse et assidue y soit mêlée. Un exemple connu de société manipulant fort bien l’outil pourrait être Apple où l’art de distiller de rares informations à ses fans permet une transmission extrêmement rapide de la publicité, et le tout à moindre frais. Nul besoin de financer une campagne d’affichage quand une simple photographie ou quelques mots sur un site à forte réputation suffit. Imaginez donc : La structure lâche quelques clichés de son dernier baladeur numérique, dans la journée des milliers de sites en feront la promotion avec la dite photo à l’appui de leurs dires. Bien entendu bien des médias s’octroieront le droit de modifier la réalité à leur avantage, tout en s’annonçant source première de la pseudo fuite d’informations. Le buzz est là, marketing de masse où le client fait lui-même le support médiatique du produit présenté.
Dans le même ordre d’idée la politique ou bien les grands sujets de société peuvent subir l’assaut du buzz bien orchestré. En toute lucidité croyez-vous sincèrement que toute la présence médiatique de nos élus dans diverses situations (banlieues, pays en guerre, humanitaire…) soit étranger aux discussions qui se sont suivies ensuite ? Lorsqu’on veut se promouvoir, rien de tel que de déclencher des débats et surtout sur des supports voués à changer à la vitesse de l’internet. Aussitôt dit, aussitôt disparu pourrait être la devise d’ailleurs, surtout vu la pérennité des sites phares finissant un jour par être remplacés par des pages vides… ou par rien du tout.

Là où le buzz s’arrête commence le marketing viral, c'est-à-dire là où nous ne sommes plus moteurs mais victimes de ces préceptes commerciaux. Pour peu que le buzz ne soit pas maîtrisé par son origine, rien n’empêche le tout de dévier et se perdre brutalement, au point même que le sujet principal s’en voit occulté. Il n’est en effet pas rare de constater que certaines sociétés s’enlisent en ayant « trop dit » ou « pas assez », ceci offrant alors le terreau idéal à des déformations ou analyses incongrues. Plus d’une marque se sont retirées du web à cause de ce genre de bévues. L’internaute est une denrée mouvante, en perpétuelle mutation qui ne s’accommode que très mal de demi vérités. Il est bien plus friand de mensonges, de détournements et de propagande...
Le phénomène est étonnant : on favorise la désinformation et l’analyse partisane au détriment des faits, car forcément le fait est trop fade pour mériter la moindre considération. Entre propagande, négationnisme ou pire encore manipulation de l’opinion publique, le buzz se transforme alors en cyclone traînant avec lui des théories telles que des complots mondiaux, des légendes sur des supposées sectes de puissants, ou tout à l’opposé des thèses racistes ou des harangues religieuses de la pire espèce. Prenez le 11 Septembre, observez tout ce qui a pu se dire ou se montrer : depuis les vidéos trafiquées et décortiquées au point d’en devenir pathétique, jusqu’aux livres accusant ouvertement les gouvernements de « mensonges », il est ahurissant de constater que non content d’être présent sur la toile les analyses ridicules ont proliférées plus vite que celles lucides et autrement mieux bâties.

Par essence l’Homme est influençable et qui plus est particulièrement naïf. Gobant tout et n’importe quoi, son cœur et sa curiosité se voient sollicités par ce qu’on appelle le « hoax », c'est-à-dire un mensonge ou bien des déformations de la vérité pour véhiculer des messages. Le rigolo « gagnez du champagne en envoyant ce message à dix personnes », bien que stupide est autrement moins dangereux que les rumeurs fondées sur « Attention aux seringues dans les fauteuils de cinéma » ou encore « Effacez ce fichier de votre PC il s’en portera que mieux ». Et que dire des élans de générosité avec des appels aux dons de sang pour des personnes malheureusement décédées ? Le simple fait de transférer ces chaînes est en soi une prise de risque énorme car non content de désinformer (dans le meilleur des cas), elles peuvent aussi pousser à la paranoïa collective. Prenons un exemple concret : un message soi-disant émis par un organisme de santé annonce qu’une marque de produits pour bébés est contaminée par une bactérie quelconque. Résultat ? Des parents affolés aux urgences, des milliers de pots à la poubelle… pour rien. Techniquement il n’y a que peu de différences avec les apparitions de Ben Laden, épouvantail de l’occident qui terrifie parce qu’il existe plus que parce qu’il agit. Pour preuve, la terre entière le connaît, c’est dire !

Maintenant, suggérons nous une idée toute simple : un état totalitaire mais refusant de dire son nom cherche à véhiculer son idéologie. Quoi de plus efficace que le web ? On manipule la vidéo pour la rendre partiale, on ajoute un texte bien tourné et surtout intelligible de tous et voilà une bonne partie de l’opinion qui devient favorable. Dans l’excès inverse une chaîne toute récente s’est bien amusée à tenter « salir » l’image du président Sarkozy en dénonçant des malversations sur ses impôts. Là où cela rend le tout dangereux c’est que, finalement, si un jour une information similaire venait à sortir, qui l’écouterait ? A force de crier au loup plus personne n’y croit. Ces comportements sont des cas d’école en marketing : fais toi connaître en te servant des autres et surtout fais en sorte de ne pas être solidaire des interprétations. Le silence vaut à lui seul un « oui », le refus de communiquer peut alors devenir une communication en soi.

Raisonnablement on peut s’attendre à l’intensification du phénomène dans les dix prochaines années. Entre convergence numérique et médiatisation à outrance, la propagande et donc le buzz seront à n’en pas douter la prochaine voie de propagande intensive. Pour ceux qui ne sont pas spécifiquement branchés technologies de l’information, la convergence numérique a pour but de réduire le nombre de produits pour en faire un versatile et efficace. Par exemple un téléphone portable capable de surfer sur internet, de lire de la musique ou des vidéos est un produit de convergence numérique. Demain la télévision, la radio et le réseau seront eux aussi joints les uns aux autres par le lien de la navigation internet. Clairement, une fois ces fusions opérées, il sera alors possible de transporter la propagande sur tous les supports, sur tous les appareils de la vie quotidienne et ce à un coût modique en comparaison des affiches de rue ou des publicités télévisées.

Prudence et réflexion seront donc indispensables pour aborder l’avenir des réseaux de l’information. A bon entendeur… soyez ouverts, écoutez, comprenez… et revenez aux médias ancestraux tels que le livre ou le journal !

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