13 mars 2008

Dans la série n’oublions pas

Les thèmes de société, ou ceux que l’on définit comme tels sont étonnamment remis au goût du jour à chaque fois qu’il est nécessaire de créer un rempart médiatique entre la population agacée, voire courroucée et ses dirigeants. Dans un but bien entendu de pure amélioration de la société les politiques se sont rués aussi bien sur la situation de la femme battue, de la mémoire des évènements de la seconde guerre, puis là du souvenir du dernier des poilus. Demandons nous quel sera le prochain thème qui sera mis sous les feux de la rampe… Les stupéfiants ? Trop racoleur et sûrement traité avec la désinvolture d’une série américaine. Alors pourquoi pas la prostitution ? En voilà un de sujet « brûlant » qui inciterait le bien pensant à lorgner du côté des bas résilles que des bas de laines de nos patrons.

Il est clair que la prostitution pose énormément de questions sur ce qu’est la définition de la moralité, ainsi que sur la sexualité de la population. D’un abord obscur, le sujet est plus souvent tabou qu’autre chose, comme si aborder le fait même de rémunérer le sexe serait en soi un péché très grave. Loin de toute considération moraliste concernant tant les clients que les prostituées elles-mêmes, j’aimerais comprendre pourquoi nous faisons en sorte de les marginaliser et non de gérer l’urgence sanitaire et sociale que comporte un tel emploi. Entre clichés de la « pute » arpentant le trottoir en faisant moulinet avec son sac à main et les réseaux de traite des blanches la réalité doit probablement se situer entre les deux extrêmes. Pourtant, au lieu de tenter d’analyser la situation, nous avons créés un arsenal répressif pour interdire le racolage sur la voie publique… ah oui j’oubliais de préciser : la profession de prostituée est reconnue par la loi et nombre de femmes déclarent leurs revenus à l’état. Paradoxal non ? Il est interdit de racoler où que ce soit (Internet, voie publique…) mais il est autorisé de faire commerce de son corps ! De là à se dire que nous naviguons en pleine hypocrisie il n’y a qu’un pas.

Existe-t-il un modèle de prostituée ? A mon sens j’en doute fort. On doit cependant distinguer un certain nombre de situations qui mènent à cette profession. La première est bien entendu le besoin de rémunération : il existe certainement autant de femmes qui font ce métier parce que l’argent récolté en une soirée peut représenter (avec de la chance) l’équivalent d’un mi-temps que de femmes accrocs aux stupéfiants ou si désespérées qu’elles se rabattent sur ce moyen extrême pour nourrir un enfant ou s’envoyer de l’héroïne dans les veines. Où est le sordide et où est le choix ? L’insalubrité de la situation ajoutée aux maladies, à la violence potentielle des clients et celle plus officielle de la maréchaussée ne facilitent pas la tâche des associations souhaitant apporter aide, réconfort et sécurité médicale à ces femmes sont de plus en plus confrontées à la vie souterraine. Les moralisateurs prétendent qu’en menaçant le métier ils effaceront sa place dans les rues des grandes villes. C’est une erreur que de croire que la prostitution s’éradique à coups de matraques car la clientèle existe, le marché existe, et donc autorisée ou non la prostitution est et restera une formidable machine à brasser de la monnaie.

Le plus catastrophique c’est qu’en plus de rejeter dans la clandestinité des femmes ayant besoin de protection médicale et physique on ne sanctionne que très peu le proxénétisme, le « maquereau » qui est à mon sens encore plus coupable que les clients. Pourquoi lui laisser la part belle alors qu’il impose sa volonté et ponctionne sa part ? Nous jouons dans le malsain jusqu’au bout : au lieu de tenter un recensement prudent et salutaire qui permettrait en outre de réduire fortement la venue de femmes esclaves on fait proliférer ces trafics humains où des femmes de l’est et même d’Asie sont amenées à se prostituer pour rembourser des frais de passage… puis finalement n’être rien d’autre qu’une marchandise sexuelle. La police et les tribunaux font ce qu’ils peuvent mais la juridiction se doit d’être protectrice et non pas répressive car quoi qu’on en pense, on n’arrive pas à la prostitution comme on arrive au séminaire.

Ces femmes ont du courage en dépit de l’image sale et sordide du sexe dans une camionnette ou l’hôtel de passe miteux. Ca n’a rien de simple que d’accepter de coucher avec des inconnus et d’être traitée comme une chose et non comme une personne humaine. Quand elles sont mères, le jour, qui remarque qu’elles sont la nuit celles qui remontent discrètement les avenues ? Il n’est pas écrit « pute » sur le front d’une Femme, pas plus qu’une prostituée ne mérite d’être appelée ainsi. Certains parlent de la maison close comme étant une solution pour faciliter la gestion de ce phénomène de société… après tout l’idée me dérange autant qu’elle me semble, hélas potentiellement efficace : contrôle, présence médicale, sécurité assurée dans les locaux, bref tout ce qui manque à l’heure actuelle. Pourquoi cela me dérange ? Parce que ce n’est qu’un pis aller et qu’au fond, une femme ne devrait pas avoir à se vendre pour survivre…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Le corps de la femme restera un modèle d’humanité souffrante….tant que le fantasme du péché originel restera la plus belle hypocrisie jamais réalisé par le pouvoir des hommes

aile

Anonyme a dit…

Aile, si la femme avait l'apanage de la souffrance et elle-seule, cela se saurait. La prostitution masculine existe aussi. Et pour avoir traîné mes guêtres ailleurs que dans la CEE, les souffrances sont partagées par les deux sexes et tous les âges, de par la planète.
Sur l'erreur entretenue sur le pêché originel, dans d'autres domaines, je serais d'accord. Mais pas pour celui-là.
Cela va de la multi-national qui entretient ses réseaux à la petite maquerelle qui vend sa fille... Partout, à tous les niveaux. Tristement. Dans la suite naturelle de la décomposition de l'image que l'Homme a de lui et de son naturel à s'auto-détruire ou à souiller ce qu'il est.
De plus, puisque nous fréquentons un certain lieu, mutuellement, avez-vous vu des Vaginocrates ( et autre Clitocrates, comme vous les nommez) qui relèveraient le niveau?