30 mai 2008

La Mort

Pour l’avoir abordée plus d’une fois dans mes propos et avoir tourné en dérision ses frasques ainsi que son inusable sens (particulier) de l’humour, j’ai eu enfin l’envie d’en parler avec la sérénité de quelqu’un qui se sait condamné comme chacun d’entres nous. Certes, l’expression horrifiée qui se fige sur les visages au moment d’envisager le trépas n’est pas engageante, mais pour autant que je sache celle-ci est aussi inéluctable que le peut être le mot « fin » sur un film, aussi bon soit-il. Alors, tel un rat de bibliothèque classant ses livres favoris avant la fermeture définitive de son antre pour cause de manque de visite, écoutons nous parler de la fin de la vie tout comme l’on écouterait le dernier morceau d’un bel album apprécié à sa juste valeur.

Pourquoi être terrifié par la Mort ? Est-elle si mauvaise après tout ? Dans l’absolu on peut lui reprocher de raccourcir de façon brutale notre potentiel tant de reproduction que de création, d’autant plus que l’âge frustre terriblement ces deux emblèmes de notre existence. D’un côté la ménopause et l’impuissance, de l’autre Alzheimer veillant à la disparition du grain, le temps est tout autant un ennemi que la Mort peut devenir salvatrice. Alors, à quoi bon s’accrocher aux branches du baobab qu’est la société si c’est pour de toute façon se voir la dernière branche se briser dans un fracas aussi assourdissant que définitif ? Clairement, ce n’est donc ni l’enfant ni le meilleur tableau à venir qui nous torture… Alors qu’est-ce don ? Peut-être pourra-t-on parler des relations humaines, des gens qui vont nous manquer et à qui l’on va inévitablement manquer un temps, mais encore une fois ce n’est qu’une vue de l’esprit étriqué de l’homme épris de sa propre suffisance. Nous sommes nécessaires parce que nous pouvons disparaître, et nous sommes donc inutiles puisque nous finissons par trépasser. Paradoxal, certes, mais au combien réaliste. D’ailleurs, pleurons-nous le défunt ou notre égoïste vide intérieur ? Regrettons nous sa vie qui a pu être douloureuse et épuisante, ou bien le bienfait que le décédé nous a apporté ? La réponse est malheureusement rapidement vue, et nul doute que (encore une fois) le temps apporte sa sinistre réponse : on finit par s’accoutumer au manque de l’autre puis tôt ou tard on apprend à faire sans. C’est dans l’ordre des choses.

Si donc la Mort nous terrifie c’est par notre égocentrisme. Soit. Convenons de cet état de fait, mais il y a autre chose d’aussi profond, si ce n’est pire encore. Qui sait ce que la Mort nous réserve si ce n’est l’éternité ? Enfin, éternité c’est encore bien prétentieux puisque c’est la mémoire qui fait que l’on perdure dans le temps : un barbare dont le squelette anonyme réapparaît des millénaires après sa chute de cheval fatale à ses vertèbres n’est plus reconnu ni par ses descendants ni par l’état civil. De personnage avec une âme, un visage et des sentiments il n’est que sujet de laboratoire et d’anthropométrie laborieuse. Dénué de prénom ou de nom notre corps est alors de la matière et non du philosophique. Alors, éternelle l’âme humaine ? Nombre de religions prêtent à la Mort un passage vers un au-delà meilleur, un paradis dont nous aurions été remerciés de part notre incurie et notre irrespect, ce qui tend à penser que les auteurs de ces règles de bonne mort ont eu la fibre visionnaire : le jour où nous périrons tous par une apocalypse quelconque, m’est avis que notre passage sera comme un pet dans une baignoire… malodorant, fétide et temporaire. La nature reprendra ses droits et nous serons donc expulsés une fois de plus de l’Eden pour que celui-ci nous survive. Belle ironie non ? N’étant qu’un pragmatique, j’estime pour ma part que de paradis nous n’avons aucune possibilité d’en rêver un au titre que si l’Homme grimpe avec ses tares morales, aucune chance que celles-ci deviennent qualités une fois la grande ablution menée sur nous. On ne détache pas le cœur de l’Homme comme on nettoie le bavoir de bébé !
Par conséquent, si nous ne savons rien de la Mort (personne n’est revenu nous faire un résumé circonstancié), que nous envisageons tant le néant, le paradis, l’enfer que le on ne sait pas, c’est donc la trouille de l’inconnu qui guide l’Homme vers une maladive trouille du trépas. « Crevez… enfin avant moi ! » s’écriera-t-il avec satisfaction. Quitte à mourir donc, autant mourir le plus tard possible.

Et dans le fond, rien n’empêche de dire et de revendiquer que nous marchons main dans la main avec la grande faucheuse. Je me plais à croire que la Mort est une amie chère, efficace, exigeante même et qu’elle se paie des bijoux sur le corps aviné des moribonds attendant la libération et le dernier soupir salvateur. Croyez-vous que la non-vie soit une solution acceptable ? Aujourd’hui l’espérance de pouvoir atteindre le siècle de présence sur cette terre n’a rien de démesurée, et de ce fait subir les frasques d’une vieillesse agrémentée par le cancer, le handicap physique, l’affaiblissement des sens et enfin l’aliénation mentale provoquée par la dégénérescence de notre esprit n’a au fond rien d’enviable. J’ai du mal à estimer enviable le sort d’une personne ayant perdue totalement le sens des réalités, qui radote et qui a besoin d’un déambulateur et de couches confiance. Humour noir mis à part (pour une fois), je trouve que vivre se mérite, que le faire se doit d’être correctement, et qu’à notre passif nous devons ajouter notre imperturbable mépris de la dignité. Il n’y a rien de digne à embastiller nos aïeux dans les hospices sous prétexte qu’ils sont difficiles à trimballer à la plage, tout comme je trouve indigne de croire que le respect passe par la signature de chèques à la dite maison de repos (euphémisme, quand tu nous tiens).

Mourons, mais mourons bien. L’Homme doit apprendre non à craindre sa fin, mais à mon avis apprécier tout ce qui précède cette clôture de ses actifs. Telle une banque aimant les comptes ronds, je crois que je serai heureux de pouvoir dire un jour « j’ai bien vécu » et non ressasser mes bévues et aller faire subir mes humeurs à ma pénible descendance. « Dis papi, tu casses ta pipe bientôt ? »… si j’entends cette phrase, là par contre je serai un acharné, non par plaisir d’exister mais par suprême vengeance d’aller emmerder les plans d’un rejeton trop content de toucher le pactole sur ma carcasse encore palpitante. T’inquiète moustique devenu adulte, je ferai piéger ma paillasse pour que tu te fasses sauter la tronche en tentant de m’ôter la bagouse à caillasse qui clignote à mon annulaire !

Juste pour le plaisir, voici un morceau fort sympathique, à écouter jusqu'au bout (c'est essentiel!)...


2 commentaires:

Anonyme a dit…

La mort....certains la voient comme une fatalité irrémédiable alors qu'elle n'est que notre but ultime a tous, un sorte de trou sans fond dans lequel on pourrait tomber... Mais ca n'est que l'aboutissement de notre venue au monde.

Nous somme nés pour y passer.

Telle la course d'un cheval, certain s'attarderons sur les obstacle franchis durant cette course mais tout ca pourquoi?
...
Pour franchir la ligne d'arrivée qui fait peur a la plupart des chevaux que nous sommes...

Cette mort douloureuse ou non mais qui nous ramener à la fin de notre vie...
Un proche en larmes jetant un peu de terre sur notre cerceuil en sapin(enfin soi disant selon les pompes funèbres)...
ou ce meme proche jetant nos cendres dans la mer pour ceux trop lâches pour affronter l'humidité de la terre, qui auront prefere finir dans les flammes d'un crématorium A 200 km de chez eux.

Anonyme a dit…

"le véritable tombeau des morts c'est le coeur des vivants"
Victor Hugo