27 août 2008

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne est mort

Bon d’accord c’est une nécrologie plus toute fraîche vu qu’il est décédé le 3 Août de cette année à Moscou, mais tout de même rendre hommage à une grande figure de l’anticommunisme et une grande plume moderne de l’ex URSS, je ne pouvais pas y résister. Pour ceux qui ne connaissent le terme bibliothèque ou celui de libraire qu’à travers les images télévisées des derniers antiquaires du livre, je rappelle que cet homme fut un grand auteur réaliste puisque ses ouvrages se fondent sur des expériences vécues, et pour du vécu monsieur Soljenitsyne en a eu : soldat pendant la « grande guerre patriotique », envoyé au goulag pour avoir osé écrire une lettre privée mettant en doute le petit père des peuples, une fois libéré exilé au Kazakhstan, accusé à tort de complot et forcé à quitter le territoire russe jusqu’en 1994, on peut dire que l’homme aura bien bourlingué. C’est avant tout avec une larme à l’œil que je songe à cet écrivain de talent qui m’a offert sa vision d’un univers somme toute inconnu de l’occident, cette URRS que tous nous avions craints et qui fut d’abord bourreau avant d’être mère patrie pour ses habitants.

Une journée d'Ivan Denissovitch est un roman qui traite avec une espèce de candeur la vie dans les camps de travail, les fameux goulags sibériens qui furent tant lieu de labeur que cercueil de givres pour des millions de soviétiques. On y suit pas à pas l’existence d’un maçon qui s’échine à survivre et qui décrit sans y prêter réellement attention cette prison de glace qui enserre le cœur et fait souvent des détenus des animaux sauvages prêts à tout pour un mégot de cigarette. Oscillant probablement entre fiction et situations vécues, ce roman est un monolithe intellectuel qui terrifia littéralement l’état à l’étoile rouge pendant de nombreuses années. C’est notamment à cause de lui que dût s’exiler Soljenitsyne et vivre en Suisse. Pour moi, c’est un incontournable de la littérature moderne russe et qui mérite amplement d’être placé à côté d’un livre de Vassili Grossman (dans un autre style cependant).

Le pavillon des cancéreux relate, là aussi, une situation vécue par l’auteur. En effet il fut atteint d’un cancer et sa rémission fut déclarée « miraculeuse » par plus d’un docteur. Là, ce sont tant les patients que le corps médical qui sont regardés sans complaisance, le tout à l’ère d’un soviétisme qui peine à trouver une façon raisonnée de gérer un hôpital. Un médecin vieille fille, des patients séducteurs, d’autres convaincus d’être indispensables car bureaucrates zélés, Soljenitsyne livre un surprenant tableau de ce que peut être la vie entre les murs d’un pavillon somme toute majoritairement réservé à la mort des patients. J’aime ce livre malgré son côté apparemment sombre car au contraire il est plein d’une ardeur à vivre qui se reflète dans bien des personnages : le soldat pour qui plus rien n’est faisable et qui s’en va convaincu d’être guéri, la médecin qui elle-même est atteinte d’un cancer et qui préfère soigner les autres qu’elle, bref tout une chaleur humaine qui aurait dû être étouffée par le collectivisme et la rationalisation des relations. A lire sans complexe, ce n’est pas de mort qu’il s’agit mais de vie, d’amour et d’espoir.

Et oui, outre ces deux titres majeurs la bibliographie de Soljenitsyne est intéressante car elle est riche d’ouvrages différents, de thèmes différents mais tous ayant trait à la Russie, sa patrie qu’il a tant aimé. Qu’on n’aille pas croire que ce lauréat du prix Nobel de littérature haït sa patrie pour sa situation, au contraire il a toujours marqué un fervent et inconditionnel amour pour son pays. Tout comme les russes défendirent la Sainte Russie pendant la seconde guerre mondiale et ce malgré les purges staliniennes, jusqu’au bout Soljenitsyne aura aimé sa terre. D’aucun croirait qu’il s’agissait là de chauvinisme : non c’est que j’appelle avec passion du patriotisme. Aimer sa patrie n’est pas une notion surannée, en aimer sa richesse n’a rien de honteux. Que j’aimerais que les écrits de cet auteur aujourd’hui disparu deviennent enfin des références pour apprendre aux adolescents qu’il y a eu pire et que c’est à chacun de faire en sorte de « faire mieux ». On ne prend jamais assez garde aux libertés, et lire en est une fondamentale...

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