26 août 2008

Psychatrie et réseau

Jusqu’à récemment l’aspect psychologique voire psychiatrique des gens était un tabou particulièrement virulent au titre que reconnaître avoir une maladie nerveuse revenait à admettre avoir une tare inacceptable. Combien de gens durent taire toute leur existence les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) qui leur rendaient la vie impossible, combien furent astreints à cacher leur dépression nerveuse pour ne pas passer pour un faible ? Certes, il est compréhensible que l’on ne soit guère fier d’être pris dans l’étau de la maladie qui handicape fortement, mais pour autant la société était-elle tenue de porter un jugement négatif sur des situations totalement indépendantes de la volonté de ces malades aux pathologies pourtant ordinaires ? Maintenant que nous avons progressés je trouve que nous arrivons à l’extrême inverse, c'est-à-dire que les désordres intellectuels sont mis en avant et même glorifiés dans certains cas. Observons quelques situations étonnantes pour saisir toute l’ampleur de la chose.

Tout d’abord il y a cette maladie trop ordinaire qu’est la dépression nerveuse. Difficile à voir de l’extérieur et très douloureuse à l’intérieur, la dépression est maintenant non plus traitée ponctuellement pour offrir une aide salutaire aux patients mais au contraire trop traitée au point d’en devenir aussi banale qu’un rhume. L’augmentation hallucinante de la consommation d’anxiolytiques, de calmants et autres antidépresseurs me laissent à penser que le médecin est passé du stade de conseil médical à celui de revendeur de stupéfiant. En effet, les effets connus de ces médicaments sont tout sauf anodins : addiction rapide et très dure, effets psychotropes violents, modifications radicales du comportement, dégâts du l’organisme et j’en passe. De fait, bien des patients ne viennent plus voir un thérapeute pour trouver une solution raisonnée à leur déprime et se présentent avec une liste de médicaments comme nous le ferions pour faire des courses dans un hypermarché. Où est donc passé le serment d’Hippocrate ? La banalisation des problèmes plus d’ordre psychologiques que chimiques ne mériterait-elle pas une analyse et une remise en question des traitements prescrits ? La communication est très efficace pour les dépressions nerveuses et leur prise en charge par un personnel compétent saurait d’une part réduire la consommation de ces saletés et d’autre part améliorerait de manière flagrante la vie des patients. Mais de là à remettre en doute les lobbies de l’industrie pharmaceutique…

Passons à quelque chose de plus insidieux je vous prie. A l’heure actuelle il est autrement plus facile de lister des psychopathes connus qu’il y a une trentaine d’années (qu’ils soient réels ou de fiction). Citons par exemple Charles Manson, Hannibal Lecter ou bien encore Dexter dans la série éponyme actuellement à la mode. Quel est le point commun de ces trois « fous » ? La popularité basée sur la fascination sinistre qu’a l’homme pour ses propres peurs. Il est bien entendu évident qu’aucun passionné n’ira dire qu’un Hannibal est un homme sain d’esprit, pas plus qu’une « groupie » affirmera que Manson est un homme bien, mais malgré tout l’aspect attirant demeurera au centre des préoccupations du public. Je me suis posé la question qui est de savoir si oui ou non Hannibal Lecter est un personnage de fiction intéressant. Je me dois d’affirmer que oui il l’est parce que justement ses actes sont soit dictés par la nécessité de survivre, soit par l’absence totale de pitié pour l’humanité. Il tue généralement des personnages tout aussi détestables, ce qui laisse souvent le lecteur (ou spectateur au cinéma) particulièrement mal à l’aise, et donc d’autant plus fasciné et conquis par son charisme. Ce qui est plus inquiétant c’est que cette espèce d’idolâtrie du tueur psychopathe offre un terreau fertile à des imitateurs en mal de reconnaissance. La médiatisation est la pire chose qui puisse arriver concernant ce genre de malades mentaux au titre qu’elle leur donne le moyen de jouir d’une « visibilité » temporaire. Reste à trouver un équilibre précaire entre l’information et taire totalement ces cas, la première solution laissant la porte ouverte aux abus, la seconde rendant difficile voire improbable la collaboration d’un large public. Charge aux médias de connaître les limites acceptables entre informer et vanter les crimes d’un tiers.

Enfin, en cette ère des communications, on ne peut constater qu’un isolement accru des gens. Par excès de moyens la population choisit de se terrer dans la sécurité relative d’un domicile d’où il est possible de prendre des nouvelles des autres sans jamais les croiser physiquement. Nous avons créés de nouvelles pathologies particulièrement dangereuses comme l’addiction aux jeux vidéo ou le phénomène de l’ermite numérique (cette dénomination est de moi). Je m’explique : le premier se mettra en péril pour accumuler des heures de présence derrière son écran dans le seul but d’avoir une notoriété narcissique sur internet, la seconde fera qu’une personne prendra tous les moyens à sa disposition pour vivre loin du contact de la société : achats en ligne, courses en ligne, discussion toujours en ligne, télétravail (si possible) et j’en passe. Dans un cas comme dans l’autre le seul isolement du patient hors du cercle des technologies devient maintenant improbable avec l’omniprésence de l’informatique et de la téléphonie mobile. Alors, sans suivi efficace de la part de thérapeutes maîtrisant réellement ce monde qu’est le virtuel, peut-on encore croire à leur capacité de soins pour des patients aussi particuliers ? Jamais auparavant il ne fut aussi possible de vivre enfermé chez soi, jamais aucune société ne fut confrontée à cette éventualité de vivre en paria sans en avoir l’air. Les premiers cas de décès en ligne ont été recensés et il est probable que nombre de personnes furent simplement déclarées mortes suite à des pathologies comme un problème cardiaque inhérent à la sous alimentation ou le surpoids, et que bien des cas sont encore classés comme étant simplement des résultats d’une vie dissolue. Quand nous recouperons le désastre potentiel qui nous guette avec des faits jusqu’alors réduits à de simples décès « naturels », alors nous pourrons faire un bilan bien moins positif du virtuel. Observez votre entourage si vous faites partie de ceux qui côtoient régulièrement des « fous du web » : sont-ils en bonne santé ? Ont-ils la capacité de s’intéresser à autre chose que leur monde ? Sont-ils irritables quand on leur dit qu’ils passent trop de temps derrière un écran ? A quand remonte leur dernière sortie entre amis ? Tous ces petits indices sauraient vous donner la prévision plutôt sinistre que votre ami(e) est accroc au réseau, et qu’il est plus que temps d’agir en conséquence. Tout comme l’inconséquence égoïste des gens fut une part active de nombre de morts lors de la grande canicule de 2003, c’est à chacun de faire acte d’intelligence en percevant les détails qui font que votre voisin risque sa santé à cause d’un score à un jeu, ou à cause de l’illusion de liberté qu’offre le web.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

tu as raison ! lire ton blog , en savourer les mots , lire ou faire des messages , et on coupe ! la vie est belle ou triste , c'est la vie des humans !
corrine

Anonyme a dit…

Mais! Elle n'est pas anonyme, puisqu'elle signe Corrine! Cela relève de la Psychiatrie ou des habitudes de réseau? A quand une chronique sur Corrine l'Anonyme?
(Bonjour vous deux, au passage)