22 octobre 2008

Caféine

Toi qui dictes mon état physique dès le matin, toi qui sais provoquer la stimulation suffisante pour que ma carcasse soit active, je te remercie ! Toi la caféine, molécule étrange aux pouvoirs, tu es une compagnonne fidèle depuis des années. Sans toi que de matinées mollasses et sans relief j’aurais passé, combien de tasses manquées me furent pénibles ! Grâce à ta présence fumante dans des tasses démesurées j’arrive à rependre le pas sur le sommeil qui souvent se refuse à quitter mon corps. Doux breuvage, ne disparais jamais !

On nous parle de ta découverte, des innombrables façons de te préparer, mais pour moi tout ceci n’est qu’accessoire : le café reste le café, ce rituel matinal ou post bâfre qui a le don d’être indispensable tel un rituel dans mon quotidien. Certains affirment que tu es un poison, que tu es une véritable addiction au même titre que le tabac et même que tu représentes un stimulant digne des pires molécules inventées par l’homme. Je m’en fous ! J’assume mon vice, je le revendique même : je suis caféinomane (vive le barbarisme) mais dans son meilleur aspect c'est-à-dire celui de l’esthète qui aime avec mesure et non celui qui dépend littéralement de sa potion. Je savoure et goûte à l’envi ma tasse, la levant patiemment pour en humer la chaleur, puis lentement j’en jauge l’amertume jusqu’à la dernière goutte. Quand je vois certaines personnes expédier leur café comme l’on descendrait un verre d’eau je fulmine ! Respectons le café comme les Anglais respectent le thé !

A mes yeux le café c’est un ensemble hétéroclite de choses digne d’un inventaire à la Prévert : c’est à la fois des souvenirs, des sens éveillés, des rencontres, des gens et même des sentiments. Comment oublier la tasse partagée avec une personne aimée au petit matin face à un paysage idyllique ? N’est-ce pas une saveur inoubliable que celle du petit noir partagé à une terrasse anonyme avec des amis qu’on a perdu de vue ? N’avez-vous pas eu la joie de goûter ce café dit « à la turque » préparé sur le feu et servi avec son marc ? On le préparait ainsi chez moi, sans artifice, et partager le café c’était (et c’est encore) un rituel d’accueil autant qu’un moment de vraie détente. On ne boit pas le café pour se restaurer une énergie interne, non, nous le partageons car il est force d’amitié et d’amour filial. Quand j’y songe avec intensité je vois aussi le bol fumant dans la froideur nocturne et hivernale d’une aire d’autoroute, le breuvage qui sort d’un thermos gardé comme réconfort, et puis cette cigarette qui se marie si bien avec ma boisson tant aimée…

Vous pensez que j’exagère ? Croyez-vous que l’usage de la chicorée soit apparu par simple plaisir de consommer un substitut ? C’était la pénurie et le rationnement qui dictèrent l’apparition de la fameuse « Chicorée Leroux » et non pas l’envie de débarrasser du café de nos tasses ! Quoi qu’il en soit énormément de gens restèrent fidèle à la plante uniquement pour des raisons pécuniaires ; la preuve en est, aujourd’hui rares sont ceux qui continuent à se servir de la chicorée en lieu et place du café. D’ailleurs ça me fait songer que je ne sais même pas s’il existe encore de la chicorée vendue dans le commerce. Et dire que les gens cherchent à présent à détourner le temps nécessaire à se préparer un vrai café en usant et abusant d’ersatz : solubles, machines préparant tout et vous servant une boisson à peine colorée et même des automates qui vous vomissent un breuvage noirâtre plus digne de la fosse à vidange que du gobelet en plastique pourtant peu ragoûtant pour l’amateur de caféine que je suis. Vandales ! On ne décaféine pas ! Assassins ! On ne lyophilise pas cette boisson ! Ayant déjà les frais (amers) de tentatives infructueuses de la part d’amis fort intentionnés dans ce domaine, j’affirme sans ambiguïté que le soluble, c’est vraiment de la merde. Bon, je ne saurais imposer un percolateur dans le foyer de ce charmant couple qui n’a pas ma passion pour ma boisson, mais somme toute à tout choisir je ne consomme plus que du thé chez eux. D’une part, cela leur évite d’acheter spécifiquement une saleté en poudre, et d’autre part je m’épargne le supplice de vider une tasse si généreusement offerte par mes hôtes.

Et enfin, juste là, en face de moi il y aura ma grande tasse du matin, exhalant son pouvoir et ses saveurs dont je me transirai de plaisir. Les yeux encore embrumés, le cœur légèrement noyé dans l’ivresse de la nuit, je me faufilerai dans le jour qui naît emmitouflé dans les volutes bleutées d’une cigarette se mêlant à celles blanchâtres de mon café non sucré du matin. Ah, que le réveil est bon dans ces conditions !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Wow en 1minute tu as ressorti tous mes reves, mes souvenirs et mes plaisirs concernant cette boisson qu'est le café... Tu as oublié de mentionner l'italie, il parait que le gout d'un expresso pris à la terrasse d'un café milanais est unique au monde... au monnnnde je te dis. ;-)
Tarik