01 octobre 2008

Communication absconse

Faites donc l’essai chez vous : communiquer avec une génération différente de la vôtre ou bien usant d’un vocabulaire suffisamment dissemblable peut vous amener à quelques crises de nerfs bien senties. Pour ma part lorsque j’éprouve le désir malsain de mettre en rogne l’idiot qui m’adresse (m’agresse) la parole j’use et abuse alors de mots formés de plus de deux syllabes. Effet garanti, d’autant plus lorsqu’il s’agit de noyer l’importun sous un amoncellement de termes techniques ou d’un français dépassant allègrement le niveau du collège.

Pourquoi tant de haine me direz-vous en vous moquant de ma faconde ? Et bien il ne s’agit pas là de haine, tout au plus dois-je reconnaître ne pas éprouver la moindre charité pour celui qui se refuse à progresser et qui vous tance de son importance en prétendant que « tu causes pas français ! ». Si si ! J’y ai eu le droit en employant le mot « irrévérencieux » ! Bon, le placer tient de la gageure mais pour autant s’entendre dire que je ne parle pas français c’est un comble ! J’admets avoir alors cédé à la facilité en répondant « Toi parler mal. Toi dire insulte, toi malpoli ! ». Pour le coup je fus compris et bien entendu honni, et je lui en fus gré en riant de son incurie. On ne se refait pas, je suis trop prompt à me laisser aller dans ce genre de diatribes…

Ceci étant ce n’est pas tant l’obstacle de la langue qui me dérange mais plutôt l’entêtement chronique qu’ont certains à refuser toute remise en cause de leur absence de vocabulaire. Pour eux tout semble pouvoir se résumer à un petit livret contenant au mieux 600 mots et tout ce qui apparaît au-delà tient lieu de superflu pour ne pas dire de superfétatoire. A les écouter ânonner que c’est trop difficile le français j’en viens même à douter de leur véritable désir de simplification car après tout ce sont les mêmes qui « enrichissent » (je pouffe) le vocable ordurier de termes provenant de différentes langues et même de différents dialectes ! C’est ainsi que nous sommes passés aux noms d’oiseaux présents dans le Littré à des termes dont seuls les habitants du Maghreb ont le secret. Je n’ai rien contre cela de prime abord, la langue devant en effet progresser avec la société, mais de là à en saccager l’orthographe et la grammaire j’ai autrement plus de mal à l’admettre.

Je suis un rétrograde : pour moi rien n’est plus précieux que le langage car il est le seul outil conçu pour communiquer et se faire comprendre d’autrui. Son essence c’est de détailler et spécifier les choses pour que chacun puisse s’entendre. On ne remettra pas en cause la fonction d’une chaise, et je n’ai pas spécialement envie d’en voir le nom commun rectifié à coups de béliers verbaux mal choisis. Ah ! L’abominable souffrance que me provoque le choix entre clef et clé… rien que ce mot suffit à exprimer tout le dégradant travail de sape de nos académiciens sur une langue qui a déjà bien du mal à être acquise par nos rejetons ! Dans le même ordre d’idée ces croulants défenseurs d’un vocabulaire qu’ils sabotent avec un certain talent sadique en font une nomenclature absconse : cd-rom devient cédérom, un mail devient courriel et j’en passe. Heu, mes amis les vieillards portant sabre et bicorne, cd-rom signifie Compact Disc Read Only Memory, ce qui techniquement signifie (pour les profanes) : Disque compact pouvant servant de mémoire accessible qu’en lecture. En gros, un cd-rom c’est de la mémoire qu’on n’est pas supposé effacer et ou écrire. Donc faire un barbaresque cédérom me fait hérisser le poil !

Suis-je donc un défenseur des belles lettres ? Certes non vu que je suis le premier à apprécier la peu ragoûtante mais toujours amusante déclamation des comiques de qualité, mais pour autant je ne peux que me dresser contre la monotonie qu’on souhaite instaurer à notre beau français. Le français est tordu, complexe, bourré de règles cruelles pour les étudiants, mais c’est ce qui en fait la langue des poètes et des romanciers. On dit que la France fut une nation des arts, n’allons pas jusqu’à l’autodafé de notre culture sous prétexte de la rendre accessible ! Qu’il soit écrit qu’en tant qu’amateur de l’écriture et passionné de la lecture je revendique le droit d’avoir des livres écrits et pensés en français !

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