31 octobre 2008

Hollywood et la vérité historique

Etant amateur d’Histoire et appréciant de la sorte les reconstitutions correctement documentées ainsi que les films bien réalisés, il m’arrive d’errer sur la toile en quête de l’actualité du grand écran. Je suis donc tombé sur une nouvelle qui, je dois bien l’admettre me satisfait autant qu’elle m’inquiète. Hollywood serait enfin capable de s’attaquer à des sujets non patriotiques et (je l’espère) décrits sans parti pris puisque le thème est l’opération Walkyrie qui fut, le 20 juillet 1944, la dernière tentative d’assassinat d’Adolf Hitler. Oui bon, déjà là on va me dire « tu parles encore des nazis, de la guerre… tout ça… » Et bien oui je l’admets j’ai une certaine passion pour cette période et puis si cela ne vous intéresse pas, je ne vous impose pas ma lecture !

Bon là je dérive avec un coup de gueule aussi injustifié que pénible. Revenons à nos moutons (gris souris) : l’attentat à la bombe fut organisé, planifié et exécuté non par des résistants civils mais par une véritable organisation à l’intérieur de l’armée allemande, la fameuse Wehrmacht qui fut jusque là une fidèle exécutrice des plans mégalomaniaques de leur illuminé de dictateur. Qu’est-ce qui a bien pu pousser des officiers de haut rang à décider d’éliminer leur chef ? Quel était l’état d’esprit de ces hommes pourtant voués à être « honneur, fierté et bras armé de la Patrie ». C’est cette question que je me pose en regardant les documents disponibles sur les acteurs de ce drame qui malheureusement fut un échec. Tous étaient des soldats décorés, certains de l’école prussienne où la devise était « un soldat ne se mutine pas ». Là, c’était pire qu’une mutinerie, c’était décider de l’avenir de l’Europe, du peuple allemand et en ligne de mire la fin du pouvoir nazi. Von Stauffenberg, principal acteur de cet attentat manqué (c’est lui qui a déposé la bombe sous la table où se tenait une réunion stratégique, table qui sauva par ailleurs Hitler de par son poids et son épaisseur), était un officier connu et décoré, et qui avait payé dans sa chair le prix de la guerre : mutilé, borgne, l’homme avait donc tout pour ne pas être un conjuré mais au contraire un soldat fidèle à son serment. Alors… que s’est-il passé ?

Tout homme devenu soldat n’en demeure pas moins un homme. L’armée allemande n’a pas à être rangée dans le même affreux tiroir que les camps, pas plus qu’on irait classer les résistants dans le même tiroir que des terroristes. Là où l’armée n’a pas à agir, en principe, c’est au niveau politique. L’armée a pour rôle de préserver les libertés et protéger la nation contre toute agression. Là où le modèle s’est transformé c’est que cette même armée devint aussi l’arme d’invasion, donc au final une arme tant politique que militaire. Est-ce là le pourquoi du choix de tuer le chef d’état ? Si l’on y réfléchit la situation allemande était déjà désespérée : débarquement des alliées en France, effondrement sur le front de l’est, bref le pays était pris entre deux forces qui inexorablement avançaient jusqu’à écraser l’empire allemand. Désillusion suite aux revers ? Fatigue de voir une jeunesse être sacrifiée sur un autel honteux et indigne des grandes vues de l’armée, héritière des traditions de l’empire prussien ? La psychologie est un terrain fertile aux idées aussi différentes et paradoxalement menant aux mêmes conséquences. Prenez les tentatives d’assassinat sur Hitler : aucune ne réussit et pourtant elles furent nombreuses et aussi hallucinant que cela puisse paraître décidés par des gens se haïssant cordialement. Communistes, résistants anti nazis et enfin soldats de l’armée elle-même, quoi de plus radicalement opposés que des anarchistes et des militaristes ? On dit même qu’un pacifiste tenta vainement de tuer Hitler avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale…

Pour revenir à Hollywood, rares sont les films qui traitent de sujets aussi délicats et ne pardonnant pas l’approximation. Si je devais citer quelques films bien faits traitant du point de vue allemand, aucun ne serait américain, sauf à inclure Croix de fer de Sam Peckinpah (1977). En dehors de ce film, je dois citer Stalingrad (1993) et la chute (2004), réalisés et tournés par des allemands. Sans complaisance ils traitent de la bataille de Stalingrad et des derniers jours d’Adolf Hitler à Berlin. Regard froid posé sur leur passé, ces deux œuvres méritent d’être vus avec à l’esprit que la réalité historique fut probablement encore plus dramatique car rien ne saurait restituer ce qui s’est passé. Là où je suis inquiet donc c’est que le film nommé Walkyrie et prévu pour 2009 en France a pour acteur principal Tom Cruise. Qu’on aime ou pas cet acteur, je reste circonspect non sur sa capacité à tenir le rôle de Von Stauffenberg (qui lui aussi avait un profil de jeune premier) mais plutôt sur la capacité d’Hollywood à nous offrir un film complet et documenté sur cette opération. Va-t-on avoir le droit à un florilège d’action au détriment du fond ? Les inexactitudes et erreurs vont-elles distribuer des inepties chez les spectateurs ? Je crains vraiment ce résultat tant les films comme Pearl Harbour furent colporteurs de contre vérités et d’absurdités arrangeant bien les réalisateurs (et l’armée américaine, financière et partie prenante dans le tournage de ce … truc).

Espérons donc que ce film aura autant à offrir en tant que spectacle qu’en tant que base documentaire !

Voici des liens utiles :
Site en flash relatant le 20 juillet

Site sur la résistance allemande contre le nazisme. Lire l'article sur le 20 juillet

Site officiel du film (en anglais)

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