12 novembre 2008

Ce doit être moi mais le 11...

J’ai eu une drôle de sensation en suivant de loin les commémorations du 90 ème anniversaire de l’armistice du 11 Novembre 1918. En effet, vu que le dernier des poilus français est décédé cette année j’ai eu une impression de grand vide, comme si la plupart des intervenants présents devant les monuments étaient là non par respect pour les victimes mais plus par « devoir », ou du moins par nécessité d’être vu. Je ne saurais affirmer que c’était choquant puisque ce devoir est effectivement un des rôles de nos élus, mais malgré tout j’ai eu comme de l’amertume pour ces gens morts au combat dont le sacrifice s’est avéré totalement vain. Comment affirmer sans frémir qu’ils furent les garants d’une nouvelle paix vu la suite de l’histoire ? Comment ne pas se souvenir du « Plus jamais ça ! » ainsi que du fameux « La der des der » ? La mémoire nous faisait déjà défaut alors que nombre d’anciens combattants étaient encore vivants, alors que dire à présent qu’ils sont tous partis...

Je ne critique pas le moins du monde la stature ou la présence de chacun : le président se fit humble, discret et droit comme sa position l’exigeait, on fit défiler des enfants pour qu’ils représentent la mémoire encore vivantes des soldats, mais somme toute tout cela ressembla à une cérémonie d’obligation qu’à une véritable commémoration. La mémoire collective est comme leurs innombrables tombes, elle se couvre de mousse, les noms s’effacent et finalement les familles oublient ces ancêtres morts trop tôt, tombés au « champ d’honneur » pour une nation qui les as sacrifiés. Honneur ? Oui, ils eurent à cœur l’honneur à ne pas faiblir, non leur mémoire n’a pas être salie par les exactions de l’armée française qui fusilla ceux qui n’en pouvaient plus. Le discours de M.Sarkozy concernant l’honneur des fusillés tombe hélas bien tard bien que le geste soit louable (excepté le fait qu’il semble un peu trop démagogique pour être honnête).

C’est un constat amer : aujourd’hui se dire fier de sa nation passe pour du chauvinisme malsain, se déclarer fier de ses institutions pour une position de droite fascisante et surtout affirmer sans honte d’être français pour une lamentable position intenable. International ? Moi ? Probablement oui si je tiens compte de mes origines, mais aussi français que n’importe lequel de ceux qui peuvent me sortir une généalogie séculaire. Je n’ai pas honte de ceux qui tinrent un fusil pour défendre la patrie, pas plus que je n’ai honte de ceux tombés parce qu’on leur demandait. J’ai honte pour ceux qui décidèrent de sacrifier toute une jeunesse, des millions de vies, ceci simplement pour des perspectives politiques et financières. La tranchée fut le tombeau de trop d’hommes pour qu’on ne respecte par leur sacrifice, tout comme il est de notre devoir à tous de ne pas les oublier.

Le temps est une chose surréaliste : il passe et efface les gens comme l’on biffe une ligne dans un registre. Chaque jour des pans de mémoire disparaissent à jamais et nul ne semble se soucier de l’importance capitale d’en retenir toutes les leçons. Quand le dernier des déportés disparaîtra, quand il n’y aura plus personne pour avoir vécu Hiroshima, que deviendra ce passé teinté d’atrocités et d’infamie ? Des dates abstraites dans des livres où des jeunes piocheront part bachotage et non par passion des périodes à restituer lors d’un examen du BAC ou du BEPC. Pourtant la première guerre mondiale fut la première à être suivie de manière aussi médiatique : cinématographe naissant filmant le front, photographie, enregistrements audio, bref ce fut le premier conflit à pouvoir perdurer de manière « vivante » dans nos mémoires. Hélas, passez donc ces images saccadées à des adolescents : ils vous diront que le tout semble si artificiel qu’il en est irréel. La couleur manque, il manque cette sempiternelle action qui semble être à présent vitale pour être intéressante. Evidemment, un combat de poilus ça en jette moins que des GI fonçant en Hummer dans Bagdad...

J’ai de la peine pour ces monuments : ils honorent des noms qui vont se perdre et je crains qu’un jour on aille les déboulonner pour laisser place à des avenues ou des immeubles... et ces lieux de recueillements deviendront aussi abstraits que les listes des soldats de Napoléon tombés à Waterloo ou ailleurs...

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