12 décembre 2008

Discours de conquérant

Vêtu de mon uniforme, les mains jointes dans le dos, j’observe du haut de la montagne le territoire qui se déchire sous moi. Fier de mon œuvre, je balaie du regard ces âmes qui s’envolent en souffrant et ces ruines encore fumantes d’un monde dont j’ai le contrôle absolu. Tout autour de moi mes conseillers obséquieux se contentent de me suivre en gardant le silence, craignant mes colères, redoutant mes actes et souhaitant avant tout ma reconnaissance. Je suis absolu, je suis tout, je suis un maître, l’univers des humains est mien.

Sans tristesse ni joie j’ai fait sauter les frontières, j’ai enfoncé les portes fermées des citadelles. Dans le fracas des batailles je n’ai pas manifesté autre chose que ma détermination sans limite. Pas de larme, pas de cri, pas de tumulte intérieur, simplement l’indéfectible volonté d’être tout, d’être en haut, d’être un symbole. A mes pieds gisent les corps sans vie de mes ennemis, d’autres tentent de ramper pour quémander une clémence qu’ils n’obtiendront pas. Le fort vit, le faible meurt, telle est la loi, telle est ma loi. Parmi les flammes consumant les forêts s’élèvent les restes d’un monde qui se refusait à moi. A présent quoi qu’embrasse mon regard, quelque soit le terrain que je puisse voir il est mien, absolument mien, dénué de quelque résistance que ce soit.

Soumis à ma volonté les peuples se courbent, ils s’inclinent et vénèrent mon image. Ils ont bâtis des temples à ma gloire, baptisés des rues et même des villes de mon nom. Des enfants naissent et se prénomment comme moi, symbole de soumission absolue à mon existence. Je ne suis plus terrestre, je ne suis plus un chef, je suis une icône, un dieu, le Dieu. Les chants de mes louanges se transmettent, chacun de mes gestes est reporté, écrit, préservé et répété à l’infini d’une âme à une autre. Je suis devenu enseignement, règle de vie, règle de mort. Quiconque s’oppose à ma loi se voit châtié. J’ai tout pouvoir, rien de ce que pouvait être l’ordre ancien ne subsiste. Les foules brûlent les anciens dieux, ils démontent les temples et en recyclent la pierre pour se loger. A moi les villes, à moi les villages, à moi le monde entier.

Sous les pas de mes armées se sont tracées les routes les plus longues qui soient. Pavées de notre force commune, chaque chemin trace une jonction entre mon centre du monde et le reste des nations conquises. Nul n’ignore qu’entre ma capitale et le reste du globe il existe forcément une connexion routière. Le profil même de la terre a été changé par ma main : montagnes anéanties, collines redessinées, océans connectés, mon empire est celui du remodelage du monde et non celui temporel du despotisme. Je vois, j’imagine, ils exécutent mes rêves. Je voulais des tombes décentes pour mes soldats tombés dans l’honneur, ils ont construits des mausolées gigantesques à leur gloire commune. Leur sang n’aura pas été versé en vain, nul ne les oubliera.

Par delà ces fleuves où la barbarie n’est plus vivent et grandissent mon peuple fraîchement installé. Ils dessinent de nouvelles villes, créent de nouveaux commerces et renforcent encore mon influence. De partout me parviennent des messagers qui affirment que la réussite est la caractéristique commune à toutes ces implantations. Tous vénèrent mon nom, tous s’unissent pour dire que je suis au-delà du génie, au-delà même des humains. Science, architecture, agriculture, tout est mis en œuvre pour notre richesse et ma gloire. Nul ne songe plus à se révolter, les anciennes lois sont abrogées, les miennes sont à présent en vigueur. Obéissez ou périssez déclarent mes fiers soldats. Obéissez à notre maître à tous.

Alors de Rome je pourrai un jour déclarer, à l’instant de ma mort, que j’ai fait de l’empire une nouvelle force, la plus grande du monde, la seule force du monde. De nos Dieux auxquels tous nous étions fidèles il ne restera que des habitudes, mais de moi il subsistera une mémoire éternelle de nos faits d’arme. Gloire à l’empire !

Ce discours aurait pu être prononcé par un empereur, mais j’ai eu envie de restituer le ton qui aurait pu être utilisé pour galvaniser les foules. J’espère que c’est concluant.

Aucun commentaire: