24 décembre 2008

Et dire que je hais tout ce rituel

L’Homme n’est que paradoxes : il vit, se plaint de vivre, puis il meurt et se refuse à quitter le monde pourtant peu chaleureux où il a évolué sans but ni même d’intérêt autre que lui-même. Alors, penché sur le destin qui est le sien, il geint, creuse en son âme et se cherche une conscience qui lui a fait si souvent défaut. Somme toute il offre alors ses dernières parcelles d’existence non à se repentir et à se comprendre mais à se lamenter et exiger un pardon pour ses fautes au lieu de les expier. La Foi qu’il a en la Vie est alors si forte que son corps se démène pour résister au trépas tandis que la Mort, joueuse et experte en plaisanteries vaseuses s’offre un petit moment de bonheur qui consiste à torturer le faux pénitent agenouillé face à des idoles qui ne sont pas les siennes. Se racheter ? Oui l’Homme tente de se racheter en se payant une conduite, il fait don de ses abats et de ses biens à des sociétés expertes dans le racket moral et il s’adonne enfin au dernier soupir, le plus long, le plus éternel des râles, celui qui le mène on ne sait où mais auquel il a voué une vie d’errances.

De temps en temps l’Homme se souvient qu’il n’est pas seul, il s’épanche en présents aussi vains qu’hypocrites et tente de se rassurer en s’imposant un cérémonial fait de rubans et de papier à motifs. Son âme tente alors de s’extirper du marasme d’un quotidien consensuel et cherche à pousser le cri d’un besoin d’union, un de ces hurlements que l’on n’aime guère sentir passer par la gorge nouée. Il se veut charitable, soucieux d’aimer sans décorum théâtral, et tenter de renouer des liens avec celles et ceux qu’il a si simplement oublié ou mis de côté plus par commodité que par ressentiment. La grand-mère lâchement stockée dans un mouroir, le cousin empêtré dans ses ennuis mais pour qui l’on a aucune compassion, le voisin vieux garçon qui n’a pas d’autre choix que de vivre reclus, à tous il fait un présent qu’il joint à un sourire circonstancié. Dans quel but ? Est-il si peu logique qu’il suppose à tort qu’il aura le droit à la rédemption ou à un paradis aussi illusoire que jamais démontré ? Il s’en moque du moment que le poids de son inconséquence diminue quelque peu au moment des fêtes obligatoires.

C’est ainsi : on se rachète plus qu’on s’offre réellement lors des instants de grâce. Le regard embué des larmes de remords il enlace la petite dernière bien malade, embrasse la belle-sœur qu’il taxe pourtant de bêtise crasse et serre la main de son parrain, demeuré parmi les cons. La table dressée il s’enivre, s’empiffre et se laisse aller aux bacchantes simplement parce que le plaisir a le don de faire oublier le quotidien. Fuite en avant s’il en est, il tressaille déjà à l’idée que des cadeaux soient mal choisis, il frémit de terreur en imaginant le regard déçu du gamin innocent s’attendant non à une boîte de legos mais plutôt une voiture radio commandée. Dansant d’une fesse à l’autre sur son trône d’hôte d’un cérémonial qu’il honnit, ses doigts triturent en silence la pauvre serviette de papier qui lui sert d’exutoire. Pauvre de moi se lamente-t-il en regardant les autres apparemment amusés de la situation. En bon paranoïaque il s’attend aux foudres de ses invités, se prépare aux sarcasmes de la vieille peau toujours prompte à critiquer plus qu’à bâtir quoi que ce soit de concret. Que la pendule est cruelle au milieu du brouhaha fait de tintements de verres en cristal et de cognements de l’inox sur la céramique des assiettes ! Lui, il n’entend que le cliquètement de l’horloge fixée au mur, il surveille la trotteuse si pressée de parvenir à son châtiment, ce moment où la nuit bascule d’une date anodine à une autre symbolique.

Plus la nuit avance moins il est serein. A-t-il oublié quelqu’un, tous les paquets sont-ils emballés ? Il tourne et retourne en lui-même car impossible de se déplacer sans briser la magie de trottoir mise en place pour fasciner les enfantins rêves des bambins déjà à moitié assoupis. Traumatisante attente, plus que quelques minutes à tenir, les vapeurs d’alcool s’évaporent sous l’action d’un métabolisme déjà fort mis à l’épreuve. Et puis c’est le moment : tous se lèvent, on allume la lumière, chacun se saisit des paquets qui leur sont destinés, puis les emballages volent et s’empilent avec frénésie. Pas d’ironie ? Pas de critique ? Pas de sourire forcé ? Tous semblent ravis de l’instant, les mômes s’excitent et déjà créent des univers improbables et même l’acariâtre belle mère se prend au jeu et fait la bise à cette famille rapportée qu’elle prétend ne pas trop apprécier. Alors finalement de mort annoncée, de sacrifice rituel au Dieu Noël rien se ne passe, la joie est en la demeure et les flammes d’un enfer terrestre disparaissent au profit d’une douce neige de sentiments partagés. Devient-il pour autant nostalgique ce cher Homme ? Pas vraiment, il s’enivre de chaleur humaine puis se sent stupéfait à une idée qui commence déjà à le ronger de l’intérieur : il va falloir recommencer ce péplum l’année prochaine !

A vous tous qui me lisez je vous souhaite malgré mon cynisme de bon ton de très bonnes fêtes, que vous soyez seuls ou non à dîner. Je partage avec vous ces vœux que j’ai déjà déposé l’année passée, un hommage d’un grand chanteur, un rêve que je partage avec lui.

Merci Monsieur Lennon, faites que vous soyez un jour exaucé...

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