04 décembre 2008

Un silence bien involontaire

N’étant pas de ceux qui apprécient la lâcheté je dois vous informer qu’hier j’ai cumulé une rupture technique du réseau ainsi qu’un manque chronique de temps pour vous écrire. De ce fait désolé pour l’absence de brève, je vais tenter de me rattraper ce soir. Ceci dit, ne comptez pas sur moi pour me flageller, je n’ai pas un tempérament masochiste et qui plus est j’ai en horreur les suppliques couinantes de ces gens qui s’avilissent dans le vain espoir d’obtenir de la pitié. Alors à ce tarif, autant vous le dire tout de suite : cette excuse vaut simplement pour la forme !

Bon, maintenant que je me suis fait quelques ennemis, que j’ai fait fuir mes derniers lecteurs je peux enfin pavoiser et m’exprimer tout en étant totalement libre de ne pas flatter mon lectorat. A l’exception de quelques publications nombrilistes et pourtant quotidiennes, la plume se doit d’assouvir un plaisir chez celui qui daigne poser ses yeux pleins de suffisance sur les lignes si péniblement pondues par de précaires pigistes anonymes, ou presque. C’est là toute la bienséance que doit le rédacteur aux lecteurs, il est tenu d’être politiquement correct, suffisamment incisif pour ne passer pour un lâche mais tout en maintenant une retenue propre à s’éviter toute critique trop cinglante. Hé oui ! Foutue déception, il faut cirer les pompes de ceux qui vous font vivre et donc automatiquement s’éviter leur foudres. Ah ça, le coup de l’indépendance, c’est bon pour les livres d’école et les discours déclamés avec morgue par nos politiciens trop heureux de se targuer d’être des démocrates ! Quand vous ouvrez un journal ou un magazine, chacune de ces publications aura une ligne éditoriale qui tiendra lieu de sacerdoce. Selon la tendance politique affichée (ou la politique commerciale de la feuille de chou), on ne touchera pas à certains intérêts ou l’on ne fera pas de vraie remarque pertinente sans se soucier des réactions du lectorat. C’est ainsi : le portefeuille dicte plus efficacement le silence aux plumes que le fusil d’un garde mobile bien formaté.

Il existe toutefois quelques journaux qui peuvent encore se vanter d’être agressifs et vindicatifs tous azimuts, mais soyons lucides, ceux-ci ont un domaine de compétence plus pamphlétaire qu’informatif. Au même titre que je suis un râleur, ces exceptions sont redoutables dans la mâchoire mais paradoxalement inefficaces pour véhiculer autre chose que de l’ironie ou de l’humour noir. Le canard enchaîné est l’exemple typique où l’humour est omniprésent, les critiques pertinentes, mais globalement l’analyse n’y est pas je dirais le fond même de la ligne éditoriale. Grâce au canard nombre d’affaires sont sorties des placards à squelettes de nos dirigeants maladroits mais somme toute, à bien y regarder, est-ce là suffisant ? Le lectorat du canard enchaîné est trop pointu, bien informé et donc très différente de la plèbe qui se cantonne à un Parisien des chiens écrasés ou un généraliste politiquement orienté. Je trouve dommage que le nombre de lecteurs du canard n’augmente pas plus que cela, ce serait une bonne façon de les pousser à, d’une part, augmenter le nombre d’articles (ou leur tailles), et d’autre part à fournir des analyses plus poussées. Tout le monde n’a pas la spécialité des finances et donc par exemple chroniquer efficacement la bêtise des banquiers nécessite dans la majorité des cas une explication, voire un véritable cours de remise à niveau.

Nombre d’imbéciles prétendent que le réseau autorise justement la publication plus libre et offre donc une force critique plus grande à l’opinion publique. Penser cela c’est être non seulement stupide mais pardessus le marché aveugle. Dans la masse gigantesque d’informations circulant sur le Net, combien sont potentiellement intéressantes et bien expliquées ? Dans le cas de l’actualité il est indispensable de piocher ça et là pour récupérer suffisamment d’éléments et se faire une idée sur le sujet. J’ai en mémoire la situation en Géorgie : les gens ont été mis au courant par les médias, mais parmi tous ces lecteurs (auditeurs, peu importe le média après tout), combien peuvent dire où se trouve cet état et au surplus... qui le dirige. L’abondance ne fait pas la qualité, et le souci est qu’à force d’accumuler des informations tant fausses qu’incomplètes il s’avère terriblement difficile d’être vraiment bien au courant de la santé du monde. Notons que la foule se moque bien des détails, c’est avant toute chose assimiler le plus possible en un temps très court qui entre dans la valse. Je n’ai guère confiance dans le Web parce qu’il fournit trop de mensonges pratiques à digérer et je regrette une presse qui se serait faite analyste pertinente et non chantre de la passivité morale et intellectuelle. J’ajouterais enfin qu’à force d’être lénifiants ou trop critiques sans argumentaire les journaux sont devenus comme nos partis politiques en ce moment même : sans stabilité (Vive le Ps), ou bien menés comme des dictatures qui ne disent pas leur nom (merci l’UMP). J’ai comme un doute sur l’avenir de la presse tout à coup !

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