29 janvier 2009

Révélateur

Il me paraît délicat de croire que l’on puisse avoir un scope suffisamment précis de l’état du monde sans pour autant en occulter d’autres. En effet, rares sont les analyses suffisamment pertinentes sur les interconnexions entre les états et les politiques choisies, et de plus la plupart se contentent d’imprimer une étiquette de « c’est un fait indiscutable » sur des causes pour en déduire des conséquences. Par exemple, on déclare comme une évidence le « terrorisme international » et donc l’on s’en sert comme prétexte pour la guerre, la répression ou plus simplement l’expulsion de populations immigrées.

Alors, qu’est-ce qu’il faut prendre comme révélateur d’une société ? Excluons immédiatement le quidam, ce piéton croisé dans la rue qui a la fâcheuse tendance (en France du moins) à toujours se plaindre et à chercher des boucs émissaires. Les politiques alors ? Pas du tout, ils sont les témoins de notre temps mais restent aussi des partis pris forcément pour ou contre quelque chose. On ne verra que très difficilement un élu aller dénigrer son propre parti en place, et encore moins identifier avec courage ce qu’il faut changer dans la société qu’il a en charge. C’est ainsi : tant les électeurs que les élus ne sont pas le reflet de la société où nous vivons. Alors qui, ou quoi ?

Le matérialisme forcené de notre société de consommation aurait pu à lui seul être une marque intéressante à suivre, mais cela se heurte à deux phénomènes volatiles : l’économie qui, par essence fluctue et influe sur les produits manufacturés, et surtout la mode qui crée et défait les réputations encore plus vite que les faillites. Dans ces conditions, ce n’est pas le bien matériel qui définit notre société, c’est notre société qui définit par sa propre existence le besoin de matériel. Résultat des courses ? Le consumériste électeur, le produit qu’il achète, celui qui les vend tout comme celui qui a été élu par ces deux populations ne sont pas des stigmates de notre monde, tout au plus sont-ils symboliquement présents de temps en temps, comme des marques d’une époque donnée que l’on voudrait soit pérenne soit révolue. Prenons un exemple : Steve Jobs (PDG de Apple) est une sorte de messie technologique derrière lequel bien des gens se rangent pour ses idées supposées prophétiques (du moins du côté des nouvelles technologies). Symbole d’une société, maître à penser avec un slogan « Pensez différemment », Jobs représente donc non pas un profil de notre société, mais juste une de ses icônes.

De ce fait, nous avons exclus les électeurs, les élus, les grands patrons, les rayonnages des magasins... que reste-t-il ? Je crois que paradoxalement ce sont les enfants qui sont le reflet le plus proche de l’instantané, de la révélation du moment présent. L’enfant est à la fois la projection des désirs des parents (éducation), le souhait d’un monde meilleur pour lui (consommation frénétique pour le bambin), ainsi que le symbole fort des mutations sociales (famille monoparentale, adoption, métissage, parents homosexuels...). De fait, si l’on prend un enfant au hasard dans une classe de primaire, on pourra globalement constater que :
  • Il sera vêtu selon des codes convenus,
  • Il portera des marques à la mode du moment,
  • Il aura le vocabulaire en vigueur dans son entourage,
  • Il utilisera les dernières technologies en vigueur sans la moindre hésitation,
  • Il sera un connaisseur avisé de la programmation télévisuelle,
  • Il pourra identifier sans difficulté les dernières voitures,
  • Il retiendra peut-être même (si ses parents sont intéressés par la politique) quelques noms d’élus en exercice,
  • Il aura un teint métissé (potentiellement en tout cas),
  • Il ne se formalisera pas pour le métissage de ses camarades, ni même pour les autres religions (si tant est qu’il en ait une),

En bref, l’enfant est donc la véritable image de notre quotidien : son visage est le présent, ce qu’il sera est son avenir, et nous ne sommes plus que son passé quelque part. A lui ensuite de perpétuer le cycle en devenant lui-même parent, et donc à son tour de restituer ses envies inassouvies, d’infléchir la trajectoire sociale qu’il vit en offrant d’autres chances à sa descendance. Prenons un cas concret complémentaire pour expliciter le propos : on constate une plus forte proportion d’enfants arrivant à suivre des études relativement hautes. Pourquoi ? Par choix ? Non, parce que tout simplement les parents qui n’avaient pas eu la chance d’y parvenir (finance, immigration...) se chargent de leur ouvrir cette porte de sortie. En conséquence, l’enfant est bien le reflet tant de notre monde que de ce qu’on aurait voulu qu’il soit pour nous.

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