09 février 2009

Débat en Italie

Quand foi, politique et médecine se mélangent rares sont les occasions d’avoir un débat concerté et raisonné. Selon chacune de ces façons de voir les choses la « vie » est différente : la foi parle de l’âme, la médecine décrit le corps et la politique raisonnera sur le quotidien. On peut évidemment espérer que les trois vues tombent d’accord, mais l’espoir s’évanouit sur un aspect pourtant essentiel : qu’est-ce que vivre ?

La religion parle de « vie éternelle », d’âme, de paradis et donc de vie terrestre. De fait, la vie est protégée à tout prix et l’homme se doit de respecter cette existence sous quelque forme que ce soit. Par opposition la médecine elle préserve la vie physique, cette vie où l’esprit est supposé fonctionner. C’est d’ailleurs un point de discorde : si le cœur bat encore et que le cerveau n’a plus d’activité le patient est-il mort ? On peut légitimement supposer qu’une fois le siège de notre intelligence hors fonction la vie sous sa forme spirituelle n’est plus. Pourtant, ce n’est pas ce qui sera retenu par l’église qui ne tiendra pas compte d’un argument détaillant un organe du corps au détriment de l’intégralité de celui-ci. Cette problématique est aujourd’hui gravement discutée en Italie suite à une décision de justice : laisser mourir Eluana Englaro, une femme de 38 ans plongée dans le coma depuis 1992. L’action envisagée est simple, c'est-à-dire qu’elle consisterait à cesser son alimentation artificielle et ainsi la laisser mourir « dignement ».

D’un côté la loi s’est interposée sur un terrain plus que sensible en acceptant la demande de la famille de les libérer elle et eux de ce calvaire insoluble. D’un point de vue purement moral et sans engagement religieux on pourrait estimer que le tribunal a agi pour le bien du plus grand nombre... mais ce serait alors oublier qu’il s’agit là directement d’un « euthanasie » qui ne dit pas son nom. Pourquoi s’acharner à maintenir en « vie » un corps ? Est-ce respecter la vie que de faire fonctionner un corps qui n’est plus qu’une coquille vide (si l’on part du postulat qu’un électroencéphalogramme plat est signe de mort cérébrale) ? En tout état de cause cela divise brutalement : l’église défend qu’il s’agit d’un meurtre, l’état lui-même est embarrassé car le premier ministre déclare qu’il est contre la décision alors que le président lui... est pour ! D’ailleurs, monsieur Berlusconi a tenté une manœuvre juridique pour invalider la décision de justice, mais en vain vu les violents débats que cela a engendré. Impossible d’obtenir l’accord de tous sur un tel sujet car ce serait s’engager sur une voie que nombre de politiques refusent de suivre.

Détaillons tout de même les différents points de vue. Le clergé défend l’opinion selon laquelle la vie est sacrée. Dans ces conditions tant l’euthanasie que l’avortement sont des interruptions de vie, actes médicaux inacceptables par une doctrine prônant la préservation de l’existence. De fait, même s’il y a probablement débat sur le fond de la question (la mort digne, l’arrêt de l’acharnement thérapeutique...) la forme reste la même : tu ne tueras point. A côté de cela les politiciens se heurtent à deux constats : le premier est que si la décision est appliquée ce sera alors l’acceptation tacite de l’euthanasie et donc la difficulté de voir se multiplier l’acte, et ce sans un fond de réflexion juridique nécessaire à un tel problème. Le second constat est encore plus sensible car l’on parle de convictions religieuses plus que de l’acte en lui-même. Le médecin est-il donc « Dieu » pour agir de la sorte ? C’est encore une fois difficilement acceptable pour ceux qui pensent qu’un docteur se doit de protéger ses patients, pas les tuer.

Maintenant songeons donc aux douleurs de ces familles où la vie devient un véritable doute en soi. On ne peut décemment oublier qu’ils sont pris dans cette tourmente et que ceux qui ne connaissent pas cette souffrance ne sont pas vraiment en position d’en parler. Je ne sais pas quoi penser de l’euthanasie car c’est avant toute chose un choix qui se devrait d’être personnel, un choix du patient et nulle autre personne. Cependant, quoi faire lorsque le dit patient n’est pas en position de répondre ? Nous sommes arrivés à un virage délicat de la médecine où nous sommes en position de substituer des machines à énormément de nos fonctions vitales : cœur, poumons, rein, bref à nous robotiser par l’extérieur. La fin de vie est donc tant philosophique que technique car aucune loi ne saurait être idéale pour tout réglementer pas plus qu’un vide juridique n’est tolérable.

Et moi, qu’est-ce que j’en pense ? Après mûre réflexion je suis encore empli par le doute. La souffrance de chacun n’est pas quantifiable et je ne me vois sincèrement pas prendre une décision aussi lourde pour un tiers, même s’il s’agit d’un de mes parents. Sans conseil et sans aide impossible d’être suffisamment raisonné pour agir avec discernement. Toutefois, en ce qui me concerne et ce que pour ma propre existence je crois que je suis de ceux qui préfèrent qu’on les déconnecte car je ne veux pas être un poids pour mes proches. Pas question d’une « vie » végétative où je ne serais qu’un corps pesant et pas un être capable de parler ou de penser. Ceci étant, je dis cela car je suis en position d’y réfléchir à tête reposée... faites que je ne connaisse jamais le cas de devoir faire un choix.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Comment prendre au sérieux l'avis d'une bande d'intégristes qui continue à diaboliser l'utilisation du préservatif alors que l'Afrique crève du SIDA ??!!!

Unknown a dit…

que dire par le problème que tu soulèves ?
il y a des vies qui sont des vies différentes de par la maladie , or la nature arrivera quand il sera temps

Unknown a dit…

le doute est là , que pensez d'une femme qui ne pense plus , mais qui a des moments de lucidité.

et que pensez d'un homme se sachant condamner par la maladie inexorablement et qui veut donner son corps à la médecine pour que les traitement du crabe soient plus éfficaces , et que ce n'est pas possible !

oui , c'est à tête reposée que l'on réflechit