13 février 2009

Héritage moral

Tiens un petit aparté... 513 messages... vendredi 13... tout ça...

Toutes les nations du monde revendiquent un héritage culturel et politique. Toutes se représentent par de grands noms jalonnant leur histoire : Lincoln aux USA, De Gaulle en France... bref tous nous avons sur les épaules l’image d’un personnage essentiel à notre histoire, qu’il soit bon ou mauvais. De là, il me semble nécessaire de poser une question existentielle et pourtant fondamentale : cet héritage, sommes-nous obligatoirement tenus de le respecter et pire encore de le supporter ?

L’Histoire au sens large du terme comprend énormément de désastres humains, de massacres et de despotes que la mémoire collective n’arrive pas à effacer. On parle encore de « fascistes » pour décrire la censure et la contrainte policière, on taxe facilement, trop probablement, de nazillons toute personne osant critiquer ou commenter la situation en Palestine, et se dire communiste vous ramène systématiquement à l’image de Staline et non celle de pères fondateurs bien antérieurs (je songe à Bakounine par exemple, pas ces scribes sans intérêt à la moralité douteuse et à la faconde incompétente). Effectivement, il est difficile de dissocier histoire et identité unique d’un dictateur, tout comme il serait malsain de séparer certaines conséquences très actuelles de causes déjà anciennes, du moins à l’échelle humaine. Par conséquent on ne pourrait pas vraiment se démarquer du passé d’un état, d’une nation ou d’une idéologie, alors que le progrès c’est justement faire preuve d’innovation et choisir une voie différente, parfois même paradoxale en regard du passé.

Prenons un exemple très concret du poids de l’héritage, un cas qui sera suffisamment flagrant pour être clair. Un jeune adulte allemand, qu’a-t-il comme héritage à revendiquer ? Sa nation peut être observée à l’époque de l’empire avant 1914, analysé pendant la république de Weimar en 1925 ou bien disséqué pendant les atrocités du conflit mondial 39-45. Toutes ces ères très différentes sont son passé, on peut même décréter sans trop se tromper que des membres de sa famille furent de près ou de loin mêlés à ces différentes époques... en bien ou en mal. Pour autant, doit-il renier cette part de lui qu’il n’a pas vécu ? La question est douloureuse car renier le passé ce serait renier un grand père mort sur le front, ou bien cracher sur la tombe d’une grand-mère exécutée pour avoir résistée à la dictature ! Alors que faire ? Se taire, avancer sans oser se retourner ? Refuser de voir le passé c’est perdre sa mémoire, refuser d’admettre hier c’est se tromper demain. Le cas de conscience et la pesanteur de ce bagage non voulu peuvent même amener à une nostalgie illégitime pour des régimes totalitaire, c’est dire à quel point l’ambiguïté pèse sur ses épaules.

Maintenant prenons un cas tout aussi délicat mais politique cette fois-ci. Le communisme. Ce mot a été assaisonné à toutes les sauces, dépouillé de son essence et rhabillé avec la tenue de bourreau. Pour autant ses fondamentaux sont-ils mauvais ? Actuellement nous revenons à certaines idées techniques et économiques suggérées par les communistes comme le contrôle des marchés financiers, le plafonnement des revenus du patronat ou la taxation des revenus boursiers. Aussi absurde que cela puisse donc paraître l’idéal communiste n’est pas mort, loin de là, il est simplement délité et mêlé au pragmatisme de l’économie de marché. En conséquence, on a donc l’ambivalence du communiste qui se revendique comme tel et à qui l’on jettera au visage la dictature soviétique, la menace nucléaire et le pacte de Varsovie... tout en appliquant nombre des méthodes appliquées par ces mêmes régimes ! La mémoire est à géométrie variable : le socialiste d’aujourd’hui pense-t-il que son parti a une responsabilité énorme dans la guerre d’Algérie ? C’était un gouvernement socialiste qui a décidé l’intervention à Alger, ce qui en ferait donc un parti criminel (du moins dans l’esprit actuel des choses). Prudence et circonspection sont donc de mise quant à la nécessité d’assumer le passé et d’en payer le prix.

Le dernier point que je désire aborder sur ce thème c’est que l’on doit savoir être honnête. Pas question d’oublier le passé et encore moins de le modérer. La réalité des faits est suffisamment atroce pour qu’elle mérite de rester intacte, loin des débats et querelles de chapelles. Toutefois, ce n’est pas pour autant que les nouvelles générations doivent ressentir l’obligation d’être coresponsables de ce passé souvent difficile. Suis-je coupable d’avoir voté national socialisme ? Ai-je été tortionnaire sur un navire de négrier ? C’est de ma faute l’exil et la déportation de populations entières ? La nation au sens large du terme se doit de ne pas perdre cette mémoire, mais c’est donc à l’état d’assumer son histoire, pas au peuple d’être systématiquement pris à parti. Ces dernières années la victimisation est devenue un art de vivre et une cause politique. A chaque fois que l’on reproche à Israël sa politique le terrain glisse brutalement vers la nécessité d’avoir une terre après les crimes nazis. Soit. Je comprends l’idée et la méthode, mais je ne saurais cautionner ce discours d’autant qu’il est tenu par des gens n’ayant jamais franchi la porte d’un camp ou porté l’étoile jaune ! Je suis passablement épuisé par cette outrageuse prétention à vouloir faire culpabiliser le monde entier, et la Palestine n’est pas le seul siège de cette façon de voir les choses : de quel droit l’adolescent français (sic) d’origine algérienne vient me reprocher la guerre sans son pays ? Je ne suis pas né français, je n’ai jamais eu à hériter de la décolonisation, pas plus que lui peut prétendre à avoir connu l’exil et la fuite après le départ des troupes françaises. C’est un peu trop facile de décréter sa situation comme pourrie parce que l’histoire l’a faite comme tel, non ?

Nous héritons de l’histoire, charge à nous de la gérer avec discernement et respect. Un mort se fout de savoir la cause, seule la conséquence compte, et vouloir se poser en victime au même titre que celui qui a péri sous les balles a quelque chose d’indécent. N’agissons plus avec cette passion pour l’échine courbée, marchons droit et enseignons à nos enfants la vérité historique, l’exact reflet des désastres d’hier pour qu’ils ne soient pas des électeurs stupides ou des spadassins fanatiques.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Petit conseil de lecture: "Le Christ philosophe" de Frédéric Lenoir. Devrait aussi te servir pour la rédaction de ton livre.