01 avril 2009

Conjoncture

C’est un terme souvent mis en avant pour décrire de manière concise ce qui se déroule sous nos yeux : économique, elle vous étrangle, politique, elle sabote les institutions, sociale, elle démembre les relations intergénérationnelles. Bref, la conjoncture est un épouvantail aisé à brandir pour que les colombes de bons augures fuient à tire d’ailes. Oh, il y a toujours un petit malin pour ajouter « favorable » derrière, mais somme toute cela s’avère être de manière assez ponctuelle et, surtout, potentiellement sous la forme d’une analyse de type boule de cristal plus que concrète.

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi l’économie c’est comme un portefeuille de petit vieux : d’une part on y colle sa retraite si chèrement acquise, d’autre part on y ponctionne l’essentiel… tout en tremblant au moment d’en tirer le superflu. Ainsi va le monde : l’essentiel des uns n’est que le superflu des autres, et, conjoncture ou pas, les priorités du tiers monde ne sont pas les nôtres. Manger ? Nous le pouvons avec aisance de part notre « pouvoir d’achat », alors que bien des nations quémandent les quignons de pain rassis de leurs voisins. Nous armer ? Ca toutes les nations ou presque savent qu’il est vital (quel paradoxe… s’armer pour tuer et vital dans la même phrase) d’être bien équipé pour répondre à ceux d’en face. Comme quoi, la conjoncture est belle et bien pratique pour inquiéter aisément, et permettre aux grands de ce monde de jouer leurs cartes sans frémir.

Assis à la grande table du poker mondial, nos autorités se targuent de chercher des solutions. Ménager la chèvre et le chou, préserver les intérêts, sauvegarder l’emploi, donc en gros faire s’entendre ceux qui se détestent, le tout sous le couvert de la « morale » et de la « concorde » mondiale. Amusant je dois dire, essayer d’asseoir un membre de l’OPEP qui tire le pétrole vers le haut avec un Américain qui, lui, ne saurait tolérer un cent de plus sur son plein de super. Conjoncture, quand tu nous tiens ! Là tu seras utile pour autre chose, car quand l’économie se refuse à fléchir, c’est la politique qui s’exprime. Tenez, restons sur le pétrole : quand l’OPEP a refusé de jouer le jeu des nations riches, c’est avec diligence que nombre de terroristes sont apparus. Financés au préalable par les états du golfe, ils servaient à déboulonner les états collaborant un peu trop avec les clients radins de l’OPEP. Quand soudainement ces mêmes terroristes se sont mis à agresser leurs hébergeurs, la propagande mondiale a braillé « C’est la conjoncture sociale hors d’âge, ainsi qu’une économie cloisonnée ne profitant qu’à un petit nombre ». Inepte : la réalité est autrement plus cynique car tant que les groupuscules terroristes étaient uniquement financés par ces états, jamais une bombe ne fut déposées sur leur territoire. Quand les USA et probablement l’Europe se mirent à leur prêter assistance, tout à coup le Pakistan, l’Irak (et bien d’autres pays) se virent menacés sur leur sol ! N’a-t-on pas ensuite utilisé l’argumentaire « Irak = terrorisme » pour attaquer le gouvernement de Saddam Hussein ? N’a-t-on pas classé nombre de ces nations en état voyou (selon la terminologie de la maison blanche) ?

Une conjoncture se bâtit et se présente selon le principe de perspective. En effet : selon l’angle de vue de la situation observée, c’est une image différente qui apparaît. Je m’explique : prenons la France comme exemple simple (et proche de chacun de nous). Si l’on observe de manière éloignée la société, on peut parler de communauté viable, où chaque nationalité arrive plus ou moins à se faire une place. Il existe bien sûr le racisme, la xénophobie, mais somme toute la plupart des actions extrémistes restent cantonnées à de petits groupuscules. Augmentons le grossissement de notre lorgnette : voilà qu’on observe la sélection à la nationalité, que l’on sent percer le communautarisme des jeunes désoeuvrés par la banlieue, et qu’au surplus l’on surmédiatise des évènements afin qu’une organisation en tire profit. Tournons un peu notre télescope et agrandissons la situation des prisons françaises : au mieux l’on peut les classer dans la case déplorable, au pire elle est la honte même d’une nation revendiquant la liberté, l’égalité et la fraternité sur ses mairies. Donc un seul pays, une seule situation mais trois points de vues très différents, et qui vont du plaisant à l’infâme.

La conjoncture, enfin, reste encore un argument de poids pour maintenir le silence sur bien des évènements peur reluisants. C’est la conjoncture mondiale qui permet à nombre de sociétés de quitter le territoire et de voir leur production devenir 30% plus rentable. C’est encore elle qui dicte la présence de forces françaises dans d’anciennes colonies, et ainsi soutenir des troubles très rentables financièrement et politiquement. Sur cet aspect une petite précision s’impose : lorsqu’on vend aux médias une intervention militaire de (je cite) pacification, c’est avant tout un choix cynique. Vendez leur des armes d’un côté, vendez leur une présence militaire d’interposition de l’autre, et finalement achetez à vil prix des ressources diverses et variées sous couvert d’un échange « ressources contre nourriture ». Pas mal non, la conjoncture, pour enrichir nombre de grands groupes ?

A vous de poser d’autres réflexions sur le mot « conjoncture, mais voici quelques axes intéressants :
  • Est-ce la conjoncture qui dicte les choix économiques dans les hôpitaux, ou bien est-ce l’envie de privatiser le service et ainsi débarrasser l’Etat d’un fardeau ?
  • Est-ce la conjoncture qui a permis d’instaurer le mutisme dans la presse pour « ne pas effrayer la population », ou est-ce les prémisses d’un retour de la censure d’état ?
  • Est-ce la conjoncture qui remet au goût du jour les débats sur l’immigration, ou est-ce des choix politiques dictés par la nécessité de rassurer des branches conservatrices des lobbies hexagonaux ?

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