29 avril 2009

Désillusions

Je sais que l’on se raccroche à certains souvenirs comme des tiques sur le dos d’un chien malingre, mais après tout, à quoi bon s’en tenir à des souvenirs fantasmés quand la réalité est toute autre ? Il n’y a rien de cruel à briser les clichés mentaux, il n’y a rien de malsain à reconnaître que le passé n’a pas été idéal, bien au contraire même, il s’avère salutaire de progresser en admettant que l’on s’améliore ! En affirmant cela, je suis convaincu que nombre de nostalgiques de l’enfance sont là à m’attendre, matraque en main, prêt à me refaire le visage façon steak tartare. Désolé, mais je ne saurais revenir sur ces propos lapidaires, et je compte même en faire la preuve ci-dessous.

Quelle mouche s’est entichée de mon épiderme pour que j’aille pester et déblatérer contre nos souvenirs d’enfance ? Allez donc lire les deux liens à la fin de ce message et vous comprendrez mieux, mais pour le moment, restez en ma compagnie et discutons de la magie de l’imagination des bambins. Est-elle si réelle ? Existe-t-elle vraiment un monde imaginaire où tous les enfants viennent naviguer pour y bâtir des situations improbables ? Bien que je sois le premier à croire en la créativité des enfants, force est de constater que c’est avant toute chose l’acquis qui tisse les liens entre la réalité et nos fictions. Croyez-vous sincèrement que avons été des créateurs d’univers ? N’avez-vous pas simplement campés le rôle d’un inspecteur vu à la télé, imité la poupée prétendument princesse d’un monde féerique, ou encore simulé le voyage intersidéral d’un film vu en cassette vidéo ? Je n’ai pas la prétention d’avoir été un utilisateur assidu de la plume avant l’âge adulte, et encore, ce n’est que par pure provocation personnelle que je me suis attelé à la tâche. Quitte à écrire, autant que cela me plaise, me suis-je dit la première fois que j’ai couché des rêves sur le papier.

Qui sont les auteurs des fantaisies ? Des gosses ? Non, des adultes extrapolant des envies enfantines ramenées à l’échelle de l’adulte frustré. Voler comme un oiseau, tous nous l’avons désiré, mais de là à en faire un lieu commun dans un monde parallèle, aucun gosse n’a poussé le vice à ce point ! Les machines complexes, sont-elles l’œuvre d’esprits de dix ans d’âge, ou d’adultes fascinés par la science et férus de progrès ? Il n’y a rien de mal à admettre que le mioche reproduise ce qu’il voit, c’est même ainsi que l’on apprend tout ce qui fait de nous une population « civilisée » (civilisée par rapport aux tribus de primates, restons modestes). De ce fait, les aventures des enfants s’apparentent donc à du copier coller de l’existant, avec évidemment des déformations dues aux mélanges : prenez un peu de Star Wars, un soupçon de série télévisée, mélangez le tout en y versant deux doigts de dessin animés et voilà le nouvel environnement que vous avez supposés être novateurs !

Cruel vous dites ? Pas le moins du monde. Loin de moi l’envie de minimiser l’imagination des enfants, au contraire même, j’affirme haut et fort que c’est cette restitution de nos créations qui en font toute la magie. L’adulte ne s’émerveille que rarement, son pragmatisme le rend insensible au charme d’un oiseau, incrédule face aux trolls, fées et autres magie, et surtout cynique face aux situations manichéennes. Et quoi ? Sommes-nous donc si cruellement dépourvus de rêves pour ignorer la beauté simple des choses inhabituelles ? Certains se rassurent en se gavant de récits « cultes », et jouent les experts en connaissant par cœur les situations, personnages et autres objets... Mais dans quel intérêt ? C’est aussi intéressant de parler avec ces monomaniaques que de regarder leur collection de jouets collectors maintenus sous blister dans une vitrine blindée. Le jouet, c’est fait pour jouer, imaginer, rêver bordel ! Le gosse lui ne s’encombre pas de ce genre de broutilles : il joue, point final. J’aime à penser que les gosses perdus dans nos univers sont les futurs créateurs de mondes de demain, qu’ils sauront, une fois n’est pas coutume, trouver mieux qu’à être une pâle copier de leurs aïeux.

Enfin, il y a un monde où le môme s’exprime, et explique à qui veut prendre le temps de l’écouter ses désirs, et ses espoirs. Le dessin. C’est par le griffonnage intensif couleurs pastel qu’il va décrire son monde et en tracer les plus belles (ou les plus hideuses) facette avec un sens aigu de l’observation. « Là c’est papa, là maman, là la voiture de papa, là ma maison ». Mal dessiné, coloris improbables ? Pas du tout, juste leur vision du monde telle que nous leur servons avec le sirupeux désir de leur épargner le plus de tristesses possible. Nous leur mentons sans vergogne, camouflant nos errances sous des dehors rassurants. Baratin du divorce, mensonges du portefeuille vide, illusions sauvegardées dans l’alcoolisme… Nous bâtissons des geôles morales afin de croire notre descendance à l’abri, alors qu’au fond nous sommes monstrueux de cruauté. L’intelligence est là, latente, prévisible et même visible dès le plus jeune âge. Pourquoi croire qu’en mentant nous retarderons l’échéance ? Parce que nous sommes lâches... et la lâcheté crée la désillusion, celle où le papa n’est pas un héros, et où la maman est une femme comme les autres, avec ses joies et ses tristesses.

Le monde du rêve, c’est un peu notre cadeau à nos enfants. Dépourvus de violence, aseptisés et plein de bons sentiments, cet univers, c’est celui que l’on aimerait avoir vécus, et un peu celui que l’on voudrait qu’ils vivent à notre place. Ils ne créent pas Peter Pan, ils veulent être Peter Pan. Nous leur avons donné Peter Pan, et eux vont s’en satisfaire jusqu’à apprendre à ne plus y croire, ou plutôt à en sourire comme étant un monde qui aurait été agréable, s’il existait réellement. Ne gâchez pas le talent de rêveur, offrez leur du rêve, mais soyez honnêtes, expliquez leur la magie, parlez leur de nature, de musique, de sport, de cinéma, d’aventure, d’amour, de romantisme. Ne les croyez pas capables d’en retenir le meilleur comme le pire, et alors peut-être pourrons nous dire que « finalement, ils rêvent plus que nous, nous rêvions ».

Enfin je l’espère...

Première BD à lire
La seconde BD de Boulet à ce sujet

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