26 mai 2009

Les gosses ont raison

Hé oui ! Les mômes sont des oracles, ils ont cette capacité de voyance totale, cette pureté du bon sens que l’adulte lui a laissé choir soit dans le caniveau un soir de cuite carabinée, soit sur la dernière étagère de son salon par souci de disparition visuelle. Foutu moutard : ses yeux sont des Hubble, ses oreilles de véritables Echelon, et sa voix un acte fort de propagande. Dieu qu’ils me gonflent, à avoir systématiquement raison !

Comment ça, vous n’êtes pas d’accord ? Bien sûr, vous supposez que, en tant qu’adulte raisonné et responsable, qu’il est de votre ressort d’édicter lois et Vérités à votre entourage, et tout particulièrement à votre progéniture braillarde. En voilà une belle ineptie mes chers lecteurs : la Vérité ne peut être qu’enfantine ou bien mortuaire, l’enfant voyant clairement notre jeu de dupes, le cadavre s’en moquant totalement. Dans ces conditions, il serait temps que l’on cesse d’être des moralisateurs, ou alors de l’être en totale union intellectuelle avec notre chère descendance. Le gamin sait, il voit, il entend, et surtout... il répète. C’est bien là notre plus grand cauchemar : que ce soit bon ou mauvais, le cerveau primitif d’un marmot a pour fonctionnement principal l’imitation, et celle vocale semble tout particulièrement au point. Un juron ? Soyez assurés que l’enfant saura le répéter à tort (ou à raison, c’est selon), et ce avec une répétitivité digne des plus obstinés magnétophones de mise en attente des commissariats de quartier.

Concernant la Vérité, vous prétendez la détenir... mais le gosse lui, il ne le prétend pas, il se fout totalement de prétendre, il la détient, tout simplement. Ecoutez donc cette honnête remarque concernant un homme aussi laid que mal fagoté : « l’est moche le monsieur m’man ». En effet, notre sujet a cette apparence hésitant entre Sammy (de Scoubidou), et les errements d’un designer italien en manque de cocaïne, mais pourquoi le dire ? Parce que l’enfant, dans sa soif de Vérité, l’affirmera, sans méchanceté, sans doute, juste parce qu’il faut affirmer les Vérités. D’ailleurs, remarquez que nous sommes incapables d’agir de la sorte au quotidien : votre patron est un imbécile ? difficile de lui vomir votre haine de son incompétence... Votre voisine de palier est une bêcheuse doublée d’une malpolie ? Impossible de la remettre à sa place sans passer pour un goujat. Dommage que nous ne pouvons pas rester au stade infantile sur cet aspect, nous serions alors dans des relations tant plus franches que claires !

Et puis merde quoi, la malhonnêteté de l’adulte est flagrante, voire même tacite dans son relationnel. Ecouter un politicien, c’est écouter un poème à la gloire du baratin, alors qu’écouter un mioche, c’est se farcir une ode à l’inepte, au non sens humain, bref à nous-mêmes, pauvres cons d’adultes engoncés dans nos certitudes. Il faut être diplomate, accommodant, savoir louvoyer pour ne pas fâcher.... Et puis quoi encore ? Le moutard, lui, ne s’encombre pas de négociations car, s’il te trouve con, il te le dira sans autre forme de procès. Se prendre une mandale dans la tronche de la part d’une brute, ou bien se prendre une baffe intellectuelle d’un enfant, qui choisit quoi ? A tout choisir, je pourrai retourner le coup à l’adulte, mais quoi faire contre le rase moquette ?

La parole des gosses est d’or et contient la Vérité car, au fond, ils sont le miroir de notre incurie : vocabulaire de charretier, impolitesse crasse, tout est héritage tant éducatif que social. A chacun de se mettre en situation pour ne pas avoir chez soi un modèle réduit de chroniqueur cynique. Car oui, au fond, le gosse est cynique par essence : il vous taillade l’âme de sa sincérité exacerbée, oui il saura vous faire mal sans une once de pitié ou de charité (concept faux derche que l’on apprend vers l’adolescence), et enfin oui il se fera encore plus cynique en se jouant de vos sentiments à coup de tendresses. Pourquoi cynique ? Parce que l’être cynique ne calcule plus, il laisse la Vérité calculer pour lui. Si un enfant vous dit « je ne t’aime pas toi », croyez le sur parole, alors qu’un adulte vous disant avec emphase « je vous aime bien », méfiez vous...

1 commentaire:

Thoraval a dit…

Il y a une étude qui est sortie, il y a peu, sur les perceptions de l'enfant par rapport au monde; et la disparition de cette perception réelle lors de sa socialisation. Evidemment, les enfants occidentaux ne donnent pas d'éléments probants pour ceux qui sont citadins et intoxiqués par le fer rouge des marques, imposés par le besoin de reconnaissance des parents, dès leur plus jeune âge.