24 juin 2009

Métier à la con

J’avais envisagé une introduction choc avec des propos provocateurs sur le massacre annoncé de la contestation en Iran, puis je me suis dit que d’une part cela n’aurait fait rire que moi, et que d’autre part cela aurait été trop hors sujet pour rester potentiellement utile ici. D’ailleurs, quitte à rire de tout, j’arrive tout de même à me gausser de mon emploi, de ma situation sociale, et pardessus le marché de moi-même. Admettez que c’est une chance que de pouvoir savourer l’autodérision que de se moquer de soi en sachant pertinemment qu’il s’agit là de cynisme et non de constat justifié par le quotidien. Moi qui vous parle, j’ai tout de même un emploi des plus classique, et sans conteste autrement moins rébarbatif que le travail à la chaîne d’un quelconque esclavagiste capitaliste… Ca y est, je repars dans du communisme de bas étage, passons de suite au chapitre suivant avant que cela ne dégénère.

Nicotine dans les poumons, prise d’air pollué pour étouffer la tumeur qui se prépare, me voilà rasséréné. Je disais donc avant de m’emporter bêtement, qu’il y a plus à plaindre que moi : le travailleur au marteau-piqueur, l’assainisseur d’égout, la femme de ménage en gériatrie, l’ouvrier agricole pataugeant dans la porcherie, ou encore l’infirmière des urgences, tous ont de quoi se plaindre concernant la difficulté de leur emploi et de leurs conditions de travail. D’autres par contre sont voués à des emplois à la con, le genre de métier que l’on ne revendique pas des masses, que ce soit à cause des quolibets qu’ils peuvent déclencher, ou pire encore parce qu’ils semblent être voués à la vindicte populaire. Allez savoir pourquoi, mais il semble en effet moins digne d’être un bourreau qu’électricien (alors que les deux vous envoient du jus dans la peau, mais un seul des deux intentionnellement). De ce fait, on peut dire qu’il y a nécessairement des jobs que l’on qualifiera de « à la con ».

Franchement, bosser dans une hotline, si ça ce n’est pas du job à la con ? Je vous plains, mesdames, mesdemoiselles (c’est quoi vot’ numéro perso ?), messieurs, car devoir supporter et gérer les hurlantes des incompétents notoires qui vous servent de clients, chapeau bas ! Chaque jour, décrocher le téléphone, rester aimable en toute circonstance, parfaire ses questions au point d’en faire des automatismes, réitérer les mêmes conseils… il y a de quoi y laisser sa santé mentale. C’est pourtant si courant : le client ne comprend pas ce qu’il a acheté, encore moins ce qu’il va faire, mais tant pis, il agira PUIS demandera conseil et assistance. Classique. Personnellement, je n’irais pas effectuer une ablation de l’appendice sans savoir le faire, mais là, non, le client, ce crétin, lui tentera l’ouverture au cutter, puis ira faire sa suture au fil à roast-beef . Ca c’est du boulot à la con, chapeau…

Dans le genre « à la con », on trouve aussi les boulots insolites dont personne ne veut : ça viendra à l’idée de qui que ce soit d’être testeur de mine antipersonnel ? Démineur (non pas le jeu sur votre ordinateur !) ? Ou bien encore sexeur de poussin (si, je vous jure, ça existe) ? Bien entendu, le démineur est une personne de vocation, qui croit en sa mission, mais les deux autres… sans rire, vous croyez, vous, à la vocation de tripoter toute la journée des poussins pour savoir si ce sont des mâles ou des femelles ? Je doute fort que l’on soit amené à prodiguer un tel service par vocation, ou alors les personnes concernées sont du genre déviantes à surveiller de très près. Enfin bon, il faut de tout, des salariés qualifiés, des « larbins » (car cela se résume bien souvent à ça), des chefs, et puis des gens condamnés à faire un métier à la con.

Je vois bien le laveur de carreau embauché par petite annonce : « laveur de carreau. Job sympa, en plein air. Activité vivifiante. Esprit d’équipe indispensable ». Jusque là, allez, pour dépanner, ça ne me paraît pas trop débile comme boulot, mais songez à la surprise de vous retrouver perché sur un plateau pendulant à hauteur du 35 ème étage, hurlant à pleins poumons votre frayeur à cause d’un embryon de tempête. Là déjà on se marre beaucoup moins, hein ! Un métier à la con, c’est finalement le métier qui semble classique, mais qui révèle ses vices qu’au dernier moment. Homme d’entretien ? Mouais, surtout dans une boîte de nuit où il y a eu une véritable orgie. Balayeur ? Faites donc les grandes avenues après un match de football ou bien au lendemain du nouvel an. Rédacteur de blog ? Faites vous bien à l’idée de vous faire insulter, provoquer par des idiots en mal de reconnaissance…

Non pour le dernier, le rédacteur de blog est LE job de dilettante par excellence : publiez quand ça vous chante, expurgez les critiques, et surtout prétendez être débordé lorsque vous loupez une journée ! Excellent, non ? Ah le con, je viens de me dénoncer…

C’est pas tout ça, mais faut que je file, j’ai du boulot !

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