29 juillet 2009

Petit malaise médiatique

« Qu’on me pende si je dis une bêtise ! », tel est le cri de l’âme désespérée par son environnement. Comme toute personne tentant, à tort, de faire réagir ses contemporains, cet oracle périra par lapidation, ou mieux encore, se devra de s’exiler pour exprimer son mécontentement auprès d’intellectuels tout aussi impuissants que lui à lever les foules. Hé oui, il est certain qu’observer le quotidien s’avère au moins aussi dangereux que de manipuler de l’uranium à mains nues.

C’est le cœur serré que j’ai écouté les commentaires concernant le malaise du président. Sitôt l’évènement connu, c’est une véritable nuée de sauterelles à appareil photo qui s’est ruée sur le Val de Grâce, tous empressés qu’ils étaient de détenir LE cliché du président malade. C’est quand même dingue, ce besoin de préparer la pierre tombale avant même que l’autopsie soit pratiquée, d’autant qu’il s’est avéré que le dit malaise n’était qu’un signe du surmenage du bonhomme. Qu’on en s’y trompe pas : la France est terrifiée à l’idée de perdre à nouveau un président en cours de mandat. Pourtant, l’expérience n’est pas récente, elle date de 1974 avec Pompidou ! Bon, il est vrai que de devoir réorganiser des élections, c’est chiant, mais de là à faire retenir son souffle l’opinion publique… Quelque part, je suis certain que ce sont avant tout les « vieux » des rédactions, ainsi que les reliquats de cet ère politique qui se sont montés la tête, et non pas le péquin moyen pour qui un malaise temporaire n’est rien de plus qu’un malaise, et sûrement pas une affaire d’état.

Ah, les vautours de la télévision, à l’affût d’un officiel entrant dans l’hôpital ! J’ai trouvé la situation médiatique hallucinante : minute par minute, les chaînes de désinformation lançaient une « minute spéciale » pour faire des bilans sans rien dedans. J’ai tout particulièrement adoré cette course à l’information, la présentation de l’annonce officielle de l’Elysée (mal censurée par ailleurs, les caches laissant apparaître des numéros de notification), l’interview de médecins qui n’avaient PAS auscultés le président, ni même eu accès à son dossier, puis enfin des explications du « malaise vagal » avec, à l’appui, moult animations 3D et j’en passe. Bon, le bonhomme s’est senti mal, par précaution on le fout à l’hosto, mais merde ce n’est pas non plus l’information du siècle ! Et puis, foutons lui la paix : c’est le peuple Français qui fut friand, des mois durant, de ses interventions tout comme de ses actions. A trop pressurer un homme, on ne peut que l’user, non ?

Je dois admettre aussi que la France a un don pour coller des présidents à la santé douteuse au pouvoir : Mitterrand camouflant son cancer à la face du monde (puis finalement qu’à lui-même, tout le monde ayant remarqué qu’il était amoindri par la maladie), Chirac avec des bilans de santé des plus obscurs, sans compter un président passant l’arme à gauche en cours de mandat. C’est dingue tout de même, cet acharnement à briguer des postes alors que la santé ne suit plus, à croire qu’ils se supposent tous suffisamment supérieurs au point de se supposer indispensables. Nul n’est indispensable, les cimetières regorgent de gens irremplaçables, et qui plus est la Mort, elle, ne croit pas à la pérennité de la personne. Nous sommes tous astreints à cette discipline mortuaire qui consiste à naître, grandir, puis claquer d’une manière ou d’une autre. Alors pourquoi diable ces décideurs s’entêtent-ils à défier la Mort en se prétendant « en bonne santé » ?

Que le président Sarkozy ait eu, ou non, quelque chose de grave, là n’est plus vraiment la question. La question est, à mon sens, de se demander si, avec une pathologie quelconque (sous entendu grave), il abandonnerait son poste à quelqu’un de valide. Aucun précédent est à noter dans la gouvernance de la France… Mais modulons : le président est du genre actif (trop bien souvent, mais passons le débat d’opinion), et puis, au fond, les Français se sont retrouvés l’espace de quelques heures, plus proches du président que jamais il ne le seront plus. Inquiétude, curiosité, tous les médias et réseaux se sont agités à ce sujet. N’est-ce pas là le contrecoup de notre passion pour l’information, même si elle se révèle inutile ? Je trouve que nous avons fait d’un malaise une montagne, et qu’au final tous ces journalistes capitalisent sur le voyeurisme des gens. Espérons que cela sera plus serein avec l’annonce faite par l’Elysée qui consiste à un engagement de fourniture d’un bilan de santé régulier. Et voilà : on fout donc Nicolas Sarkozy sous surveillance permanente ! Grandiose, en démocratie, non ?

Aucun commentaire: