04 septembre 2009

Ne pas les oublier

Le premier propos des politiques concernant les populations s’adressent généralement aux « victimes ». Les déplacés, les réfugiés et les morts sont souvent instrumentalisés, ceci afin que les fonds débloqués (soi-disant) pour eux soient moins douloureux à dégager. Pourtant, parmi tous ces symboles que sont l’enfant d’une maigreur terrifiante en Ethiopie, ou encore la mère portant un bébé fuyant des combats, il y a encore toute une portion du monde que j’appelle les oubliés. Ces gens dont on ne parle pas, dont on ne veut surtout pas parler et qui, malgré tout, existent et demandent juste un peu de reconnaissance.

Observez donc de quoi l’on parle quand les images de guerre sont projetées. De qui ne parle-t-on jamais ? Des locaux, de ceux qui vivent au quotidien le conflit et qui en subissent le plus les conséquences. Afghanistan, c’est un chef de clan qui s’exprime. Irak ? C’est le policier fraîchement formé par les USA qui pleure les victimes civiles. On peut montrer les passants tués par un kamikaze, mais filmer les horreurs quotidiennes de devoir vivre terré comme des rats, de devoir se cacher pour prendre de l’eau, ou encore de devoir courir entre les balles pour se ravitailler, ça les médias ne semblent pas s’en préoccuper outre mesure. Pourquoi ? Ce n’est peut-être pas vendeur d’écouter un père de famille lassé par les combats et la guérilla urbaine. Les civils ne sont médiatiques que lorsqu’ils sont en colonnes déshumanisées, les habitants ne sont représentatifs que lorsqu’ils sont mutilés par les bombardements…

Et ce ne sont pas les seuls que l’on oublie un peu trop facilement. A chaque fin de conflit, il y a les vainqueurs et les vaincus. Les soldats, ces hommes pris dans le vivier humain des nations, sont alors renvoyés à la vie civile sans préparation ni même respect de leurs douleurs. On les oublie, on les enterre, et certains deviennent fous par manque de reconnaissance ou d’aide. Comment retrouver un emploi après quatre ans de mobilisation ? Comment reprendre une vie « normale » avec des gens qui ne vous comprennent plus ? Le regard de l’homme change dès qu’il doit se défendre. Tuer. C’est alors qu’une fois les canons remisés et les accords hypocrites signés, que souffrent le plus les soldats. Anonymes, coûteux pour les nations, ces anciens combattants deviennent des parias. Tous, sans exception, reçoivent alors une obole de leur pays « pour service rendu ». De quoi hurler tant les montants sont pathétiques. Imaginez à présent le poids de tels paiements pour des états ayant connus la guerre civile. Pas assez de fonds, trop de soldats… et trop de vies brisées. On les oublie alors, jouant avec le temps en espérant qu’ils laissent tomber leurs droits. Honteux.

Et ces oubliés de la politique ? Qui sont ces familles que l’on traite encore avec irrespect et distance ? Ces harkis, pourquoi les humilier alors qu’ils furent des soutiens inconditionnels de la France ? Ces abandonnés de tous, méritent-ils que l’on efface des livres d’histoire ce qu’ils ont été et ce qu’ils sont toujours ? Des laissés pour compte ? Et que dire des soldats des anciennes colonies à qui la France ne verse toujours pas de retraite sous prétexte qu’ils « ne sont plus Français » ? A-t-on le droit de les oublier ? Ils paient au quotidien les obligations et choix douloureux faits à l’époque… pour notre nation. Cela me semble intolérable.

Et puis enfin, que dire de tous ces gens, ces ordinaires qui vivotent, survivent et combattent sans relâche pour rester dignes ? Les sans logis sont visibles en hiver, mais il n’y a pas de miracle en été. Sans domicile un jour… sans domicile pour longtemps. Les chaleurs estivales ne sont pas signe de la fin des drames sociaux, la faim étreint toujours les estomacs repliés, et la précarité n’est pas devenue tolérable par magie. La responsabilité collective et individuelle devrait être intense, elle n’est que ponctuelle et de bonne conscience. Lâches que nous sommes, nous fermons les yeux et décrétons que, si cela ne se voit pas… cela n’existe pas.

Finalement, nous avons la mémoire courte, nous oublions les gens de courage, les gens de bonne volonté, et ceux ayant subi d’atroces obligations. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas admettre qu’il est de notre devoir d’être droits, de les regarder en face, et d’assumer, ensemble, qu’ils existent. Personne ne veut des réfugiés. On les laisse dans des camps en espérant que cela changera sans agir. Foutaises. Les choses ne changent jamais quand c’est l’attentisme qui dirige une nation. N’ayons plus peur d’être honnêtes. Le devoir de mémoire, le devoir de respect des vivants ne doivent pas être sélectifs. Il nous incombe, à chacun, de marcher droit sans avoir honte de ce que nous sommes. Il y a des erreurs ? faisons ensemble qu’elles soient un souvenir… et non le présent.

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