06 octobre 2009

De nouveaux punks?

Toute société, qu’elle soit antique ou dite « moderne », a su identifier une population de parasites, des gens « pas comme il faut » qui ont su mettre en exergue les tares du système et même les exploiter. Dûment étiquetés, les fauteurs de trouble furent tous placés en avant pour que la vindicte populaire puisse s’acharner dessus, avec, bien entendu, le bienveillant soutien des autorités en place. Punks, anarchistes, voyous, blousons noirs, terroristes, indépendantistes, nombre de termes furent même construits de toute pièce afin d’obtenir une classification plus que pratique de ces mouvances temporaires… et souvent vaines. On a beau jeu de croire qu’il s’agissait de gens convaincus, d’individualités prêtes à se défendre contre le système, mais, finalement, tous ou presque rentrèrent dans le rang, ou furent simplement proscris, ou éliminés. La vérité est donc là : un mouvement, dès qu’il est identifiable, peut être annihilé

Durant les précédentes décennies, les punks furent à la pointe de slogans suicidaires tels que ‘ « no future », bramés entre deux rations de bière éventée ou suite à un fix de stupéfiant. Sont-ils encore vivants ? Croit-on encore à ces idéaux d’anarchie ? Le constat est affligeant pour eux : au mieux les anciens braillards à crête sont nos cadres d’aujourd’hui, au pire l’on fleure régulièrement des pierres tombales posées sur eux par devers leurs convictions et leurs idéaux. Vivre en paria volontaire n’amène que très rarement la réussite, et la révolution permanente n’est crédible que lorsqu’elle devient une organisation très structurée. Tenez, le communisme, si cher aux passéistes de tout poil, n’a-t-il pas engendré l’infâme comité central ou encore le politburo ? De fait, nous ne voyons plus des masses de types qui donnent dans l’exubérant port de la coiffe colorée jointe au chatoyant d’un blouson de cuir clouté. Les punks sont morts, et les slogans « punk’s not dead » a une saveur douce amère.

Mais aujourd’hui, puisqu’il n’y a plus d’ennemi avéré de l’état, puisqu’il n’y a plus cette mouvance tant politique que musicale, que reste-t-il ? A part les ennemis classiques tels que les poseurs de bombes, les cinglés convaincus par un gourou quelconque, ou mieux encore des fantoches qu’on met en avant pour des crimes plus grotesques que dangereux, la France s’est rabattue sur l’international : terrorisme mondial, interventions militaires avec une couverture médiatique digne d’un tournage à Hollywood, sans compter le jeu des « petites phrases » et autres déboires médiatiques de nos élus. On n’a plus d’ennemi, fais chier, faut trouver autre chose à dire !

Et c’est là que l’Internet devient génial. Piratage, copie illégale, contenus immoraux, le Web est le paradis du censeur tant il peut y piocher de bonnes raisons de faire trembler la ménagère de moins de cinquante balais. (Petit aparté : la ménagère… Ouais, la gourde qu’on nous fourguait dans les publicités, vous savez, celle à chignon et robe à 10.000 balles qui faisait le ménage en chantant, elle existe réellement, cette morue ?) Le discours est assez simple : le web, c’est un repaire de pédophiles, un lieu où l’on spolie la propriété intellectuelle, et où votre ordinateur est susceptible de soutenir le crime organisé sans que vous le sachiez. Dans l’absolu, tout ceci est vrai… mais n’est-ce pas le cas avec les livres fascistes, la littérature antisémite ou identitaire qui se vend sous le manteau ? N’est-ce pas aussi le cas de ces réseaux physiques qui ne se préoccupent pas d’Internet pour braquer des banques, ou organiser la revente de produits contrefaits ? Le voilà donc, l’épouvantail moderne, le « punk » sale et malsain : le hacker.

Et voilà qu’on nous en fout des tartines : et que je te dis que le web est une addiction grave, et que je te vends des solutions de sécurité pour que le petit dernier n’aie pas le malheur de voir les fesses d’une jeune mannequin moldave, et que j’en colle une surcouche en déclarant le peuple coupable de copie à outrance ! Foutaises. Le hacker, celui qu’on nous vend partout, c’est monsieur tout le monde, depuis celui qui télécharge un film via un réseau P2P, jusqu’à la mère de famille qui récupère un morceau (berk) de Céline Dion pour sa mioche. Nous sommes tous coupables, tôt ou tard, de faire usage de produits illicites grâce au web, et, ne nous leurrons pas, cela ne fait pas de nous des hackers !

D’ailleurs, parlons en du terme. Un hacker, c’est quelqu’un qui fouine et cherche à comprendre les solutions technologiques, pour les améliorer, ou en tirer parti. J’aime bien l’image d’un auteur dont j’ai hélas perdu son nom : qu’il me fasse savoir par les commentaires s’il est l’auteur de cette réflexion) « Galilée était, dans son genre, un hacker ». Donc, hacker, c’est avant tout tester le système, en éprouver la robustesse. Je ne suis pas un hacker, en tout cas pas au sens technique du terme vu que ce n’est pas de mon ressort. Nous sommes simplement des « leechers », c'est-à-dire qui des gens qui téléchargent illégalement, mais sans contrepartie ou presque pour ceux qui mettent à disposition. Là déjà, on doit donc distinguer celui qui flingue la sécurité pour l’améliorer (ou en tirer partie d’une manière ou d’une autre), et ceux qui, comme vous et moi, se comportent juste comme des sagouins pour la société de consommation.

Revenons à notre hacker. Il est spectaculaire de voir la relative faible évolution de l’image d’Epinal du personnage. Auparavant, on le voyait comme un jeune homme (la trentaine en moyenne), barbu et à lunettes (bah oui les écrans cathodiques…), et bidouillant dans son coin et se nourrissant exclusivement de soda et de pizza (bonus énorme si hébergé gratuitement chez un parent ou chez un pote pas très futé). Aujourd’hui ? Il est juste moins obèse (quoique), pas plus loquace, et assez prompt à se vanter de ses exploits. Où est la vérité là dedans ? Nulle part ! Le pirate, le hacker, le vrai, n’est pas celui qui ira jouer de sa notoriété. Il sera au mieux connu de la communauté de gens curieux à travers un pseudonyme, et surtout à travers un exploit technique expliqué avec moult précisions inabordables pour le commun des mortels. Nombre de ces experts sont, par ailleurs, des salariés fort bien payés dans des entreprises expertes en sécurité. Donc pas spécialement ceux qui viendraient vous chatouiller les pieds en passant à travers votre ordinateur !

Là où tout cela devient tragi-comique, c’est que la société moderne tente désespérément de s’accaparer les codes et le langage de cette vie « virtuelle » : séries télévisées, personnages de cinéma, littérature orientée, et même émissions supposées les attirer. Qu’en est-il ? Un bide. Ils sont tous représentatifs d’une caricature incroyable. Non, il n’est pas spécialement commun que les gens bossant dans l’informatique arborent un maillot à la gloire d’une marque informatique, pas plus qu’il soit commun qu’ils soient asociaux. C’est même le contraire : le fanatique d’informatique, le « geek », aime les réseaux sociaux, s’en abreuve, et n’hésite pas à jouer des sites spécialisés de rencontre pour se faire une communauté, ou s’ouvrir au monde extérieur. L’informatique ne rend autiste que quand les gens y sont favorables. Je pense notamment à un film : Die Hard 4. Dans le genre caricature, le jeune personnage est ahurissant : il sait tout, il est capable de tout faire, mais est une catastrophe en sport, et n’a de cultivé que le terme. Ca. Ca n’existe pas.

Notons enfin une autre approche tout aussi déprimante. La plupart de ceux qui revendiquent des actions d’éclat sur le web pour lutter contre le système, le font non seulement sans ordre, mais en plus dans des proportions ridicules. L’étendard de l’anarchie sur le web ? Vaste blague. Déjà que les grands du web (Google et Yahoo par exemple) collaborent avec les états totalitaires (Chine en tête), difficile de croire à la fronde menée par Internet interposé. Ces pseudo punks du web ne sont finalement qu’une pustule facile à traiter, et pardessus le marché inintéressante. Prenez par exemple ceux qui revendiquent des idéaux anarchistes : combien s’expriment correctement, combien savent s’attirer les faveurs d’un lectorat pourtant favorable ? Le punk doit savoir se servir du système contre lui-même, vivre à ses crochets. Les punks du web sont pour la plupart si invisibles qu’on les croirait inexistants ! Dommage, d’autant que nombre de discours libertaires, fort bien rédigés, finissent aux oubliettes parce que malheureusement notre punk n’a pas su se mettre en valeur. Alors ? Pour être punk sur le web, il faut aussi savoir jouer les mannequins aguicheurs, voire se prostituer auprès des annonceurs ? En quelque sorte. Il faut savoir rendre le contenu rédactionnel attrayant, et une simple affiche, comme du temps des 70’s, ça n’est plus possible sur Internet.

Amis révolutionnaires, vous êtes étiquetés « ados boutonneux trop occupés à se masturber pour comprendre le monde ». Faites en sorte de rappeler au monde que vous existez…

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