11 décembre 2009

Colère médicale

Qu’on apprécie ou non le corps médical, force est de reconnaître que nous sommes tributaires de la compétence humaine pour nous soigner. N’étant moi-même pas un amateur des solutions chimiques ou du bistouri, j’ai la fâcheuse tendance à me refuser aux traitements, même s’ils s’avèrent souvent salvateurs. Ainsi, têtu, bourru, ce n’est que contraint et forcé que j’en viens à ingurgiter des pilules et à appliquer pommades et cataplasmes pour soigner ma carcasse de vil râleur. Pourtant, je suis tenu d’admettre les compétences et même les prouesses de certains. Là où je suis en colère, comme sûrement nombre de médecins aujourd’hui, c’est qu’on met dans le même sac celui qui fait un travail exemplaire, et ce malgré les risques inhérents à la médecine (qui est, malheureusement, imparfaite), et les charlatans/bouchers qui sont encore le droit d’exercer.

Nombre de débats existent sur la médecine, et ils sont souvent liés à la difficulté de trouver un équilibre acceptable entre éthique et économie. Toute officine se doit de ne pas dépenser plus qu’elle ne reçoit, et, dans cette optique, c’est une logique comptable qui vient souvent rendre la qualité des soins moins bonne qu’elle ne le serait avec des sommes « normales ». Dans ces conditions, rendre tolérable les lacunes financières s’avère être un exercice d’équilibriste. Plus d’opérations pour encaisser plus d’argent, ceci sans réduire la qualité réelle de chacune des opérations ? Ce n’est pas anodin, car ce n’est pas une logique d’usine, mais de gestion de la vie, au sens le plus pur du terme !

De fait, quand des équipes entières se voient mises dans le même panier que des charcutiers qui exercent encore, et ce malgré des avertissements de l’ordre des médecins, des mises en examens pour escroquerie (sic !), il y a de quoi se poser des question sur la capacité des dits « médecins » à être crédibles et surtout… efficaces. Ce qui m’amène à grogner, c’est la situation du chanteur Johnny Hallyday. Bien sûr, nous n’avons pas en main toutes les données du problème, car nombre de choses se cumulent : une analyse américaine qui estime le travail chirurgical originel « scandaleux », et également un homme qui « aurait » quitté le service de l’hôpital bien avant un délai minimal de sécurité pour lui-même. Ne me demandez pas d’estimer qui est en tort, n’étant ni médecin ni en possession du dossier complet, je serais bien en peine de définir un coupable (ou plusieurs, s’il y a cumul des anomalies graves). Non, là le fond du sujet, c’est qu’on constate que le chirurgien en question est celui « des stars », et qu’il a visiblement une ardoise des plus malsaines. Charge à la justice d’affirmer ou infirmer les accusations portées à l’homme, mais pour ma part, confier ma carcasse à un type avec de telles casseroles, cela relève de l’inconscience… ou d’une confiance aveugle à un cercle de personnes peu voire pas informées des réalités.

Et dire que si le chirurgien s’avère réellement être le coupable, ce sera toute la profession qui va en pâtir, c’est ce qu’on appelle un euphémisme ! Jeter l’opprobre sur des professionnels compétents et déterminés à cause d’un mouton noir, c’est aussi et surtout légitimer des situations ubuesques comme celles de médecins refusant de pratiquer des actes chirurgicaux, ceci pour la simple et excellente raison que leur prime d’assurance ayant explosée, il leur est devenu impossible de la payer, et donc de protéger tant leurs intérêts que celui des patients ! Absurde, mais bien réel ! A cause de quelques charlatans, la médecine est devenue un produit de consommation comme un autre, une pratique où le client se croit roi, alors qu’il oublie qu’une bonne part des raisons qui le font atterrir à l’hôpital sont de son fait. Le cancer des poumons, la fracture après s’être pris une gamelle à vélo, difficile de les coller sur le dos du toubib, non ? Pourtant, ça braille, ça gueule, ça s’estime plus pressé que le voisin…

L’arrogance fut une des marques de fabrique de la médecine d’antan : le médecin était un notable au même titre que le curé ou le maire, mais aujourd’hui c’est une logique caduque du fait même que les gens sont plus instruits, que les soins sont bien plus accessibles, et qu’il y a eu de véritables progrès techniques. Un médecin se doit d’être respecté comme tout autre professionnel qui pratique un métier au service des autres, et cela ne le dédouanera pas de ses responsabilités. Ce qu’il faut, c’est qu’en toute honnêteté, tout praticien incompétent, dangereux, ou sans scrupule, se voit retiré son droit d’exercer, et encenser le courage des urgentistes, du corps médical au sens large qui se dévoue à des patients pénibles, râleurs et si exigeants qu’un hôtel serait plus approprié à leurs désirs.

Qu’on m’explique clairement une chose : la compétence moyenne des médecins et infirmiers semble en baisse (mais cela ne se dit que sous couvert de la conversation privée bien entendu… ne pas affoler les patients, le H1N1 se suffisant largement à lui-même pour créer de la psychose), mais pour autant rien ne semble être décidé côté pouvoirs publics. Pourquoi ? On recrute à l’étranger pour trouver de la compétence à bas prix, ce qui est inacceptable : deux personnes à même compétence doivent toucher la même rémunération, et l’on se demande alors pourquoi certaines orientations vers le médical (les infirmières notamment) sont en pénurie ! J’ai l’impression qu’on oublie que notre population vieillit, et qu’à terme ce seront ces personnes âgées qui feront le gros de l’activité médicale en France. Pourtant, nul ne s’inquiète de l’avenir des professions de santé qui devront gérer des pathologies spécifiques à l’âge (Alzheimer, incontinence, mobilité réduite…).

Johnny Hallyday a subi une intervention. On dit que c’est un massacre. Il a été réopéré, et la situation semble quand même délicate. On accuse le chirurgien d’avoir bossé comme un sagouin, mais l’on charge aussi le chanteur concernant son attitude supposée désinvolte concernant sa sortie de l’hôpital. Très bien. Laissons la situation se clarifier pour identifier les responsabilités de chacun, mais quoi qu’il en soit, ne mettons surtout pas au même niveau tous les intervenants dans la médecine. Je maudis autant les médecins qui ont eu mon grand frère entre leurs mains et qui ne surent jamais expliquer son décès à l’âge de 18 mois (ou juste simplement admettre qu’il y ait pu avoir erreur médicale), autant que j’admire celui qui a sauvé le doigt de mon père, ou encore celui qui a su soigner mon oncle et prendre les bonnes décisions au bon moment pendant son hospitalisation.

Si le charlatan supposé est coupable : crucifiez le ! S’il est innocent : foutez lui la paix, mais ne mêlez pas tous les médecins à cette mascarade médiatique. Hé oui, j’appelle cela une mascarade, une honte, car, après tout, si monsieur Hallyday s’était appelé Bernard Lambert, 66 ans, retraité des télécoms, personne n’en aurait parlé. Deux poids deux mesures, en espérant que la notoriété de monsieur Hallyday puisse éventuellement permettre un ménage salutaire dans le monde si particulier des chirurgiens.

Deux liens vers ce dossier, histoire que vous puissiez suivre un peu et comprendre ma colère :

Attention, le site porte bien son nom, avec toutes les réticences légitimes qu'on puisse avoir sur l'impartialité et le travail journalistique du site : Info sur Purepeople.com

Même combat, peu d'informations complémentaires sur la presse plus classique, donc je me contente de relayer celui de 20 minutes : Brève sur 20minutes.fr

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