09 décembre 2009

Salut à toi

Pour ceux qui, comme moi, ont découverts un rien trop tard les mouvements libertaires, j’aime à répéter qu’il existe toute une production musicale malheureusement trop peu connue pour venir déstabiliser les grosses machines de la musique qui, sous couvert de « mode » vous vendent la même soupe indigeste depuis des années. Bien que la société se soit lancée dans une vaste campagne de normalisation morale et politique, il y a encore des gens qui défendent des opinions où l’Homme et ses libertés sont traités avec respect et intelligence. Et pourtant, ça devrait sembler normal, logique et vital, pourtant les gouvernements des « vieilles démocraties » s’entêtent à démolir les libertés individuelles au profit des libertés des entreprises. C’est dans cette optique qu’on donne raison aux sociétés comme Monsanto contre les petits agriculteurs, qu’on dédouane Total de ses responsabilités concernant l’Erika, ou Total avec le scandale AZF. Dans cette mare où croupissent toutes les pires idées sur la liberté d’entreprendre (au détriment de la liberté de l’Homme), il y a, que ce soit dans la chanson ou sur le réseau, des voix qui s’élèvent et qui crient au scandale.

Mais qui sait que ces voix existent ? Et, pire encore, qui fait la démarche de se soucier de ces opinions en contradiction avec le discours officiel du « Dormez bonnes gens, tout va bien dans le meilleur du monde » ?

Adolescent, j’ai eu la chance d’être initié à des mouvements tels que la mouvance punk, ainsi qu’aux réseaux (de manière fugace et peu active malheureusement) de contestation. Ainsi, Bérurier noir dans les oreilles, « No pasaran » en bandoulière pour les expulsions des squatts, j’ai pu côtoyer des gens convaincus qu’il y avait autre chose que l’argent comme ligne de vie. Seulement, parmi les gens à crête verte et les naufragés volontaires, combien ont résisté à la normalisation sociale ? Les punks d’hier sont souvent les pères et mères de famille d’aujourd’hui, et les rares entêtés se sont laissés emmener par les chimères des stupéfiants des orgies. Que d’idées crucifiées et jetées ensuite au bûcher ! Mais le message persiste, latent, insidieux et clair : pas de démocratie sans liberté, pas de liberté sans déterminisme individuel. Le « no future » des punks signifiait autant une attitude nihiliste qu’un véritable choix de vie où chacun choisissait sciemment son destin, et non celui qu’on lui donne. A « il n’y a pas de futur », il faut donc ajouter le message « il n’y a que le chemin que l’on choisit pour soi ». Mais ce fut déformé et poliment démoli par les médias et les politiques. L’anarchiste ? Un terroriste en puissance. Le révolutionnaire ? Un criminel qui en veut à vos sous. Le démocrate ? Un type qui veut prendre à ceux qui travaillent pour donner aux fainéants. Telle fut l’insulte faite aux libertaires et aux seuls vrais démocrates.

On formate, on encadre, on pétrit le monde à coups d’affiches et de clichés brutaux. Le terroriste était un blondinet convaincu que le communisme fonctionnait, maintenant il est basané et barbu. Demain ? Il sera peut-être au teint jaune, parlant Chinois, et braillant quelque chose de l’ordre du « Vive le peuple Chinois souverain ». Quelle différence ? Aucune, car tous sont caricaturés et utilisés par la politique et les médias. Ecouter de la musique et des chansons n’est plus un acte citoyen, mais un geste de consommateur. Dire que chanter « le chant des partisans », « la Marseillaise », ou encore « L’internationale » était un véritable engagement, mais qui connaît encore les paroles ? Dans la même lignée, je suis souvent écoeuré et outré par le nivellement par le bas de la presse écrite. Engagée, oui, si l’on ose qualifier d’engagement le fait de suivre une ligne d’un parti, ou, pire encore, la ligne du gouvernement ! Quelle presse dit les choses sans pour autant se souiller elle-même en devenant juste vindicative au lieu d’être ce que la presse ne devrait jamais cesser d’être : informative et, s’il le faut, revendicative. Celui qui crie n’est pas celui qui explique. Je ne suis pas de ceux qui ouvrent leur esprit quand on m’engueule, par contre j’admets la contradiction argumentée, voire même j’espère avoir la souplesse d’esprit de pouvoir me convertir à des idées mieux bâties. Ce n’est pas avec une telle presse que je serai aidé !

Quand j’écoute Bérurier noir (les bérus pour les intimes), j’entends ce côté revendicatif et clair qu’exprimaient les punks à la société. Ils disaient sans fard et sans prétention que nous étions tous soumis au consumérisme de masse, que notre opinion n’était que ce qu’on voulait bien en faire, et que la nation ne devait pas se résumer à une couleur ou à une fiche de paie. Je suis affreusement frustré lorsque je fais la comparaison entre les paroles de ces chansons à celles qui font les meilleures ventes. Où est l’esprit contestataire ? Où est le courage d’avoir des opinions ? Plus la France avance, plus elle tend vers un « La dictature, c’est ferme ta gueule, la liberté c’est cause toujours », et cela me fait enrager. Vingt ans après les premiers actes de bravoure de bérurier noir, nombre de leurs textes prennent un aspect prémonitoire. Des preuves ?

Voici des extraits !

Pavillon 36 (1986)
Au pavillon des Oubliés
Ca sent la merde et le vomi
Un pauv' gars lobotomisé
Tape dans ses mains et dans sa pisse
Un autre juste déconnecté
Prostré sans mot reste accroupi
Ici vous êtes bien à Villejuif
Quartier des Crimes Thérapeutiques

Porcherie (1985)
Prostitution organisée
Putréfaction gerbe et nausée
Le Tiers-Monde crève les porcs s'empiffrent
La tension monte, les GI's griffent
Massacrés dans les abattoirs
Brûlés dans les laboratoires
Parqués dans les citées-dortoir
Prisonniers derrière ton parloir
Et au Chili les suspects cuisent
Dans les fours du gouvernement
En Europe les rebelles croupissent
Dans les bunkers de l'isolement

Vivre libre ou mourir (1990)
Et quel futur ?
Pour les petits durs
Et quel futur ?
Entre quatre murs
Et quelle société ?
Pour les enragés
Et quelle société ?
Pour les gueules cassées
Pour les têtes brulées
Pour les agités
Pour les Pieds Nickelés ?
Quelle société ?
Pour les Béruriers
Pour les défoncés
Pour les détraqués ??

Pour écouter les morceaux, rendez-vous sur le site officiel Bérurier noir, sinon un résumé de la trajectoire bérurière sur Wikipedia.

« Salut à toi ô mon frère
Salut à toi peuple khmer
Salut à toi l'Algérien
Salut à toi le Tunisien
Salut à toi Bangladesh
Salut à toi peuple grec
Salut à toi petit Indien
Salut à toi punk iranien... »

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