18 décembre 2009

Sirènes et gyrophares

Dans ses élans d’égocentrisme mâtinés de la saine fatigue d’une journée de travail, le péquin moyen, vous, moi, trouve toujours le moyen de se plaindre. Un coup, ce sera le voisin qui fête le baptême de la petite dernière, un autre, ce sera la deux tons d’une ambulance dévalant l’avenue toujours trop proche. L’obscurité est supposée être la période propice au repos, mais hélas, les bruits de la ville nous ramènent à des réalités que nous voulons absolument occulter. C’est ainsi, nous ne pouvons tolérer le braillement strident des sirènes, et encore moins la lumière bleue des véhicules d’urgence. Pour nous, ils sont signe d’ennuis quand « police » est collé sur les flancs du véhicule, de « pousse toi de là ! » quand le camion est rouge, et de « Je suis plus pressé que vous » quand ce sont des engins comme ceux de GDF par exemple. Et pourquoi il ne met pas que les gyrophares ? Et pourquoi il fait gueuler ses foutues sirènes ? » Nous sommes ainsi : stupides et nombrilistes.

Pensez-vous savoir ce qu’il se passe dans ces véhicules d’urgence ? D’où ils viennent, où ils vont ? Que savons nous réellement du quotidien des services d’urgence qui nous gèrent et absorbent nos pires travers ? Le véhicule de police qui roule à tombeau ouvert pour arrêter un mari violent, le SMUR emmenant un enfant renversé par une voiture, un véhicule de pompier apportant équipement et compétence pour gérer un incendie, tout ceci, nous ne le vivons pas. Nous sommes loin de savoir de quoi est capable notre société, notamment dans les extrêmes les plus sordides. Paisiblement assis dans nos canapés, nous fixons la lucarne animée, appréciant des séries qui romancent l’existence des urgences, dressent des portraits dignes des images d’Epinal pour les policiers, et se contentent d’effleurer la réalité. Ce n’est pas tous les jours qu’un policier met un criminel sous les verrous, ce n’est pas tous les jours qu’un pompier enlace la jolie femme fuyant l’incendie de son appartement, et les urgences de l’hôpital voient défiler de tout, et pas uniquement des mannequins bien vêtus et au brushing impeccable.

Sordide ? Vous ne le croyez pas ? Quand une personne fait un malaise, on appelle les urgences, on le ramasse, et on l’emmène à l’hôpital le plus susceptible de le prendre en charge. Durant le trajet, les premiers soins sont prodigués, un premier examen est mené pour offrir une chance supplémentaire de survie au patient. Et nous, nous gueulons contre la deux tons, alors que la dite ambulance fonce pour sauver une vie ! Et que faire quand le dit patient est un SDF, sans sécurité sociale, dans un état de fatigue et d’hygiène terrible, pouilleux, souvent imbibé d’alcool ? Le laver ? Le vêtir ? Avec quoi ? Et ces gens qui arrivent avec le visage en vrac, le corps couvert d’hématomes parce que « papa a pété les plombs » ? Ou encore la gamine de 16 ans emmenée en urgence parce qu’elle s’est ouverte les veines ? Nous n’avons pas la moindre idée de tout cela. Cela ne touche que ceux qui y sont confrontés, et tôt ou tard, nous confions notre vie, ou celle d’un proche, à ces gens.

Les urgences… Nous pensons toujours être les plus « prioritaires », les plus importants. C’est tellement plus important de nous faire soigner le petit bobo, que l’écorché d’un accident de voiture qu’on ne connaît pas. L’inhumanité est révélée par notre besoin de réconfort purement personnel, et rien n’est plus impersonnel et mécanique qu’un service d’urgence. Il faut faire vite, faire aussi bien que possible, tout en restant humain ? Pourquoi vomir notre bile sur ceux qui assurent notre sécurité, au lieu de les remercier comme il se doit de se dévouer à la cause de la communauté ? Chaque année, des policiers, des pompiers meurent. Certains sont tués par des armes, d’autres dans des brasiers, mais dans tous les cas, cela ne fait que quelques lignes dans la rubrique des chiens écrasés. Tout au plus se préoccupe-t-on d’eux quand leur mort est liée à une affaire médiatisée. Un policier mort en service sera cité quand il s’agit d’un braqueur qui le tue, un pompier s’il périt brûlé dans un grand feu de forêt de l’été… Autrement, rien, personne, pas un signe de reconnaissance de la société.


Nous sommes aujourd’hui confrontés à deux problèmes majeurs. Le premier est la bêtise des gens qui pensent être clients et non patients dans les services médicaux (j’en ai déjà parlé en long et en travers), le second le dénigrement quasi systématique des médias pour la fonction d’agent de la maréchaussée. Par défaut, le policier est un con, le gendarme un abruti borné, et le militaire un autiste fou de la gâchette. Le médecin, l’infirmière, eux, sont traités comme des laquais, des larbins qui nous doivent tout. Et puis quoi encore ? Faites le dixième de ce qu’ils encaissent au quotidien, ravalez votre fierté quand vous êtes insulté par un abruti qui se croit tout permis parce que « monsieur paie des impôts pour ça ». Tout n’est pas un dû, encore moins en société qu’ailleurs, car la société fonctionne sur le principe d’échange : tu obtiens un retour sur ce que tu donnes. Vous ne leur donnez plus de respect, n’espérez pas obtenir un service aimable et de qualité en retour.

Chère violette aimée, j’admire l’abnégation dont tu fais preuve. A chaque fois que je te dis que tu bosses plus que moi, tu prétends le contraire en me disant avec tendresse que ce n’est pas le cas. Je ne te crois pas. Je te crois passionnée, amoureuse de ce métier de santé, amoureuse de ta position où tu peux donner des soins, et recevoir en paiement des sourires et des mercis. Donnez à ceux qui vous ont donnés, cela sous-entend, pour moi, donner un sourire en échange d’une douceur. C’est donner du « Monsieur » à celui qui vous en donne en vous abordant. C’est enfin apprécier que quelqu’un prenne soin de vous et soit toujours prêt à vous aider, non parce que c’est son métier, mais parce qu’il est convaincu qu’il doit le faire.


Souvenirs d’une série moins spectaculaire, mais probablement plus proche des réalités…

Médecins de nuit
Les plus jeunes d’entre vous ne connaissent probablement pas, mais tant pis, je mets le générique et un lien vers Wikipedia pour la description. Ecoutez le morceau, et fermez les yeux. Laissez vous porter, et imaginez vous, roulant la nuit, vers un patient au plus mal qui a appelé votre central pour que vous veniez l’aider...

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