27 janvier 2010

Attention à l’escalier

La chute est toujours plus dure lorsqu’on dégringole la tête la première, quand on se heurte à chaque marche, et qu’au final, l’on finit sur la palier, perclus de douleurs, le visage abîmé par les arêtes. C’est ainsi que se passe la vie politique française : il faut savoir donner une bonne tape dans le dos à ses « amis », de sorte à ce qu’ils inaugurent, pour vous, les escaliers menant aux enfers médiatiques.

Ainsi, les représentants PS se sont régalés en se poussant mutuellement à chaque étage ; et que je te balance parce que tu as dit une belle connerie, et que je te fasse un croche pied parce que tu as critiqué les instances du parti, et que je t’en colle une derrière l’oreille pour avoir osé critiquer le système en place ! Ah, les joies des ambitions mal assumées, des choix revendiqués, puis reniés, et, au rez-de-chaussée (pour ne pas dire aux 36 ème dessous), une fois bien tombé de son piédestal, le constat douloureux d’avoir totalement échouté ! Jospin est l’exemple type de l’élu qui a oublié de prendre compte de ce foutu escalier : je me présente, je fais le malin avant le vote, et que je me prenne une immense gamelle quand les électeurs me mettent brutalement face aux réalités des urnes ! Pauvre homme, tenu par sa propre conscience de disparaître de la scène, puis finalement de servir de références involontaire pour « justifier » de la déconfiture totale de son parti. Que je n’aimerais pas à être à sa place !

Ceci dit, je parle, je me moque et fustige la gauche, mais les autres partis ne valent guère mieux. Se tirer dans les pattes est un jeu national, et l’UMP n’est pas en reste. On se souviendra longtemps des trahisons pour le poste de président, le débauchage à gauche pour provoquer l’opposition, ou encore le fait de lâcher politiquement un élu pour se couvrir. R.Dati a été « remerciée », puis poussée vers la sortie. Pourquoi ? Allez savoir, je ne suis pas dans le secret, mais, quelque part, je suis ravi qu’elle soit sortie avec, sous le coude, ses projets liberticides. Il fallait bien carboniser quelqu’un à tout jamais pour cette faute politique, alors, elle ou un autre. Oh, j’allais oublier l’exécution assez sommaire (bien que torturée) de monsieur De Villepin ! Pas mal dans le genre : « Mais oui, t’es mon pote… allez, marche tout droit, et attention à la marche ! »

Tiens, y en a encore un qui va devoir faire un tour chez le dentiste ! Ah ! C’est vous monsieur Besancenot ! Désolé mon grand, mais je n’ai guère de pitié pour les altermondialistes, les anars « modérés » (oui, ça n’a pas de sens, en même temps, est-ce que le NPA en a un ?), et je suis épaté qu’il y ait encore un électorat pour un populisme fleurant bon le passéisme, l’isolationnisme primaire, et le refus du constat élémentaire que le communisme n’existe guère ailleurs que sur le papier. Là pour le coup, nul reproche à faire au parti, ce sont ceux supposés représenter la base qui cognent. Quand on se fait jeter d’un piquet de grève avec le reproche cinglant du « qui vous donne le droit de récupérer notre douleur pour vos ambitions politiques ? », il faut alors savoir encaisser, se taire, et faire en sorte d’aller voir ailleurs si on y est. Alors, l’ami ex LCR, ils sont bon, ces nez de marche ?

L’escalier qui mène au firmament du pouvoir est aussi dangereux que l’ascension de l’Everest : glissant (quand on vous réserve des pots de banane), abrupte (merci les potes de me laisser en bas), souvent associé à la chute irrémédiable tant dans le cœur des Français que dans l’organisation politique (comment va, monsieur Rocard ?). C’est chouette, l’amitié : monsieur Seguin, symbole d’une époque et d’un ton politique très particulier, a énormément souffert de ce fonctionnement. Trop honnête dans son genre ? Il était entier, dur, franc (voire trop pour un politicien), emporté, sentimental, bref, un homme de convictions. Qu’on apprécie ou non ses idées et ses amitiés, il a su perpétuer une certaine idée de la fonction d’homme politique. Pour ma part, bien qu’étant assez lointain avec l’idéologie de droite, je suis peiné qu’il n’y ait pas plus d’hommes (ou de femmes !) de ce type. Ce serait certes plus houleux en assemblée, plus douloureux dans les propos, mais au moins, chacun saurait où se mettre. On l’a poussé dans les escaliers plus d’une fois, il s’est toujours relevé avec douleur, franchise, et dignité. Qui peut prétendre en faire autant ?

Je me suis retenu de parler de cet homme, et attendu qu’on ne parle plus de son décès. Pourquoi ? Parce que je pense devoir le silence à la famille pendant la période de deuil. Monsieur Seguin, loin d’être chèvre, vous avez été un authentique monolithe de la politique Française. Pour la peine, j’aimerais bien qu’on marque une des marches de l’escalier maudit de votre nom. Cela serait un juste retour des choses si l’un de vos successeurs y fasse une chute… et s’imprime sur la poire votre patronyme ! Subtile vengeance ? Non, pas votre genre ça ! Simplement un beau rappel à l’ordre depuis l’au-delà !

Bon voyage Monsieur !

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