13 janvier 2010

Xénophobie millénaire

Il y a une phrase clé que j’utilise assez régulièrement : « Je suis étonné que les gens soient étonnés », et c’est d’autant plus récurrent quand il s’agit de comportement sociaux. Les évènements xénophobes qui se sont produits en Italie (agressions d’ouvriers agricoles immigrés, propos ouvertement racistes de la part des politiques des parties d’extrême droite, ou encore l’attitude ouvertement hostile des Calabrais) semblent sidérer la foule et les médias. Quoi d’étonnant là-dedans ? Ce n’est pas parce qu’on tait l’existence du racisme et des mouvements fascisants qu’il n’existent plus, et c’est même la marque de fabrique de la plupart des mouvements les plus durs de la mouvance fasciste : le secret. Depuis la chute des gouvernements nazis en Allemagne, fascistes en Italie, les idéologies ne se sont pas effacées au profit d’idées politiques progressistes ou plus tolérantes. Au contraire même.

Qu’on le veuille ou non, le bruit des bottes fascine encore énormément de monde, et fédère aussi toute une population déçue par la démocratie et le capitalisme. Dans les faits, une évidence apparaît: avec la stigmatisation des crimes dits « racistes », et ce surtout depuis l’apparition de SOS racisme, c’est une sensation d’oubli qui touche la population locale dans les nations européennes. Concrètement, cela se manifeste par des propos du genre « Si c’est un arabe qui est tué, on crie au scandale, si c’est un Français (comprendre un « blanc ») c’est un fait divers ! ». Difficile de leur reprocher l’usage abusif de l’aspect communautaire dans le traitement de l’information, notamment quand les victimes sont des immigrés issus des anciennes colonies Françaises. Les politiques ne sont pas innocents : avec le port de la responsabilité de la décolonisation, ceux-ci ont tendance à se faire peu virulents concernant les problèmes de société liés à l’assimilation de ces populations.

Avec la crise, les vieux schémas réapparaissent. Un immigré prend la place d’un « bon Français ». Qui ne l’a pas entendu ? Est-ce une réalité ? A mon sens, avec l’effondrement de l’industrie, la précarisation des résidents sur le territoire, et l’afflux toujours aussi massif d’immigrants de moins en moins reliés aux ex colonies Françaises, ce n’est pas tant l’immigration est devenue un problème, c’est en gérer les conséquences. La France s’est relevée grâce à la main d’œuvre étrangère, et aujourd’hui, il serait inepte de reprocher à quiconque travaillant en France (de nationalité Française ou non), de ne pas faire ce qu’il faut pour que la nation fonctionne. Ce qui ne va plus, c’est que la xénophobie se nourrit de la différence, de l’apparition de communautés qui refusent l’assimilation, voire même qui incitent au déni d’autorité. Plus les communautarismes prendront de place (non usage du Français en public, tenues et comportements ostensibles, exigences religieuses inappropriées en république laïque…), plus les xénophobes et les fascistes auront un auditoire attentif.

Le débat n’est pas récent, loin de là. A chaque renouvellement électoral, la foule a l’impression que les politiques découvrent les problèmes qui perdurent dans leur société. L’immigration n’est pas un problème en soi, c’est même une solution utilisée pour faire fonctionner l’économie, mais la façon de la présenter a tôt fait d’exacerber des frustrations et des colères. Les banlieues sont des bains de culture où l’absence de moyen, d’infrastructure, et surtout de foi en l’état profitent à tous les extrémistes. Le jeune arabe qui ne peut pas trouver un emploi à cause de sa couleur de peau, tout comme le blanc qui, faute d’un système scolaire adapté, a fini par n’être qu’un chômeur de plus, cautionnent tous les deux les mêmes xénophobies et nourrissent les mêmes colères intérieures. La reconnaissance de soi, culturellement et socialement, créent donc le « parler banlieue », le « s’habiller racaille », ou encore « la musique des cités ». Alors, quoi de plus facile que d’instrumentaliser ces haines en les ramenant sur des terrains connus comme le nazisme ou encore le fondamentalisme religieux ? Le désespoir est un moteur très puissant, et un outil idéal pour les idéologues.

Les groupuscules nazifiant, contrairement à l’idée reçue, ne se cantonnent pas aux crânes rasés abreuvés de haine, de football et de bière. Ils sont généralement bien encadrés par des aînés, des guides instruits, rhétoriciens rompus aux débats d’idées, et globalement bien insérés dans la vie sociale de la cité. Ce ne sont pas des parias, ni même des anarchistes. Ce sont des nationalistes convaincus, xénophobes, prônant la haine, mais sachant aussi jongler avec les lois en vigueur. Ils communiquent, exportent leurs idées à l’international, et façonnent des milliers de jeunes pour en faire les futurs guerriers de l’ordre nouveau.

Vous êtes surpris ? Il n’y a rien de surprenant. Ce mode de fonctionnement, s’appuyant sur la fanatisation n’a rien de révolutionnaire, tant en méthodes qu’en résultat. Le parti nazi n’a, concrètement, rien inventé. Le parti nazi a industrialisé et rendu médiatique la xénophobie d’état, ce qui en fait donc l’exemple du résultat final d’une population acceptant le racisme et la ségrégation comme mode de vie. Pourtant, l’histoire démontre que l’embrigadement, la formation d’une jeunesse, ainsi qu’une politique raciale forte sont des outils ancestraux. Sparte : formation d’une élite combattante, forcément issue du peuple Spartiate, interdiction des mariages (sauf politiques…) hors de la communauté, et j’en passe. Réutiliser ces techniques revient donc à dire que les néonazis ne sont rien d’autre qu’un phénomène millénaire, un parasite de la démocratie et des états souverains. Pourtant, ils s’appuient sur des questions de société qui, quoi qu’on en dise, sont à traiter de toute urgence.

L’identité nationale fait débat, et j’ai grincé des dents à ce propos, je ne reviendrai donc pas sur la question. Mais, au demeurant, les groupes xénophobes utilisent à leur compte deux questions majeures : Quel quota pour l’immigration ? Dans quelles conditions doit-on tolérer, ou non, l’attitude des immigrants ?

Pour la première question, pour les gauchistes prêts à me sauter dessus, je formule différemment : pour un pays de 60 millions d’habitants, à partir de combien d’immigrants est-on en droit de dire qu’il faut fermer les frontières ? Dix milles par an ? Cent ? Un million ? Cinq ? Pas simple de trouver un équilibre entre tolérance et impossibilité de gérer, nourrir et salarier ces populations. C’est un vrai défi que la gauche comme la droite n’ont jamais su relever, ceci par faiblesse face aux groupes de pression comme SOS racisme pour la LICRA.

Pour la seconde, une formulation différente est aussi la bienvenue. Est-il acceptable de voir des femmes vêtues de la burqa ? Est-il acceptable qu’un immigré vivant sur le territoire depuis deux décennies ne sache toujours pas parler Français ? Ou encore, est-il acceptable d’entendre siffler la Marseillaise dans un stade ? Ca n’est pas plus simple que la première question !

Plus les vieilles démocraties européennes s’empêtreront dans des difficultés sociales et économiques, plus celles-ci verront renaître le vote fasciste, et la remontée en puissance des attitudes xénophobes. L’Allemagne, en Saxe notamment, voit réapparaître de véritables partis ouvertement racistes, tout comme en Italie où le ressentiment contre les immigrés deviennent vraiment visibles. Les médias tenaient des discours de l’ordre du « dormez bonnes gens, les nazis, c’est fini ». L’histoire tend à prouver que non, et ce n’est qu’un début. Je crains sincèrement une montée de ces partis dans les instances politiques, leur capacité à se fédérer, ceci afin de peser dans la balance, tout particulièrement dans les instances européennes. Un parti nazi européen ? Le NSDAP, Parti national-socialiste des travailleurs allemands (parti nazi), pourrait devenir le NSEAP, Parti national-socialiste des travailleurs européens. Ca vous étonne ? Moi pas. Ca vous fait peur ? A moi aussi…

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