08 avril 2010

Pleure l'humanité, mon frère

Que celui qui n’a pas pleuré sa patrie meurtrie se taise. Que celui-ci qui a défendu avec courage et fierté ses convictions se lève. Que celui qui a payé de sa vie ses idéaux soit honoré. Que celui qui a fui le combat soit maudit à jamais.

C’est par ces quelques mots que j’aimerais rappeler au monde ce qu’est une nation. Nous débattons comme des imbéciles autour de la question de connaître notre identité nationale, nous nous insultons parce que nous ne sommes pas « pareils ». Tous différents, de religions, de couleurs, de façon de vivre, de culture, de musique, mais tous identiques dans la même nation humaine. Nous vomissons notre haine ou, pire encore, notre indifférence à la face des autres, car nous supposons que nous n’avons pas besoin des autres pour exister. De quel droit jugeons nous les autres, sur quel critère nous pouvons nous autoriser à dire quoi que ce soit sur autrui ? Nous ne sommes même pas capables de nous regarder en face, de lever le voile sur nos propres erreurs et nos errements quotidiens. Est-ce cela, la destinée de l’humanité ?

Je l’ai déjà dit plus d’une fois, sous plusieurs formes, mais je ne cesserai de le répéter que le jour où nous vivrons tous pour un seul but : l’humanité. Je veux dire au monde entier que nous devons respecter le sacrifice, honorer la mémoire des victimes, maintenir les tombes propres, et ne jamais perdre les noms de celles et ceux tombés au champ d’honneur. Notre mémoire est si volatile que nous déshonorons ces sacrifices en ne marchant plus droit, en ne respectant même plus les idées qui furent les leurs. J’ai honte pour ceux qui ne comprennent pas l’importance de participer au quotidien, je maudis ouvertement les lâches qui se réfugient derrière des prétextes pour ne pas agir. Qui sommes nous, des humains, ou des machines aseptisées dénuées de tout sentiment ?

Chaque minute, chaque seconde qui passe est le théâtre, quelque part, d’un homicide, d’une violence ordinaire, d’un échange de coups de feu d’une guerre quelconque. A chaque minute, chaque seconde qui s’égraine, quelqu’un tombe, foudroyé trop tôt, payant de son sang le tribu fait à l’idée même de liberté. Et nous osons cracher là-dessus ? Je trouve déshonorant de n’avoir pas pris la mesure de l’essence de notre existence. Nous sommes condamnés, tôt ou tard, à devoir lutter contre quelque chose : la maladie, la guerre, la perte des personnes qui nous sont chères, mais ainsi va la Vie, et nous sommes impuissants à interrompre cette spirale. Pourtant, pourquoi faire plus de morts de nos mains, pourquoi ajouter notre barbarie à notre destin qui est de mourir ? Est-on donc que de simples prédateurs qui ne connaissent que la doctrine de la vie coûte que coûte ?

La sécurité du présent, le souvenir qui s’étiole faute de témoins direct, et ces pages qui n’ont de sens que pour ceux qui les ont vécues, est-ce là la seule leçon à tirer du passé ? Rares sont ceux qui se retournent, regardent, et pleurent les horreurs pour ne pas les reproduire. On vote encore pour les partis extrémistes, on tolère encore la famine sous nos yeux, on ne réagit pas quand la haine et la violence prennent le pas sur l’entente et la discussion. Et cela nous semble être si ordinaire que cette violence en devient normalité. Quelle normalité, celle de craindre les autres, celle de fuir le contact humain de peur de l’agression ? Qui sommes nous alors, des individualistes incapables d’aimer, de partager, de ressentir, d’aider les autres ? Ce n’est pas la société dont je rêve, et ce n’est certainement pas celle que je veux donner à mes enfants.

On fabrique des monstres : terrorisme, intégrisme, nationalisme exacerbé. On découpe le monde au scalpel, et l’on explique aux peuples outragés qu’ils doivent se soumettre à la règle des puissants. Et ensuite, on se demande pourquoi les opprimés, les déportés, les apatrides rêvent de vengeance ! La haine, c’est un mal qu’on fait naître chez celui qui est brimé. La haine, c’est la gangrène du cœur, qui progresse quand l’espoir est écrasé par l’envahisseur, ou les collaborateurs. La haine, enfin, c’est le poison qui coule sans arrêt dans les veines de l’humanité. Lutter, c’est avant tout le faire pour des idées, une amélioration de l’avenir, pas la mise en prison des penseurs, l’exécution sommaire de ceux qui ne pensent pas comme nous. Quelle tolérance offre-t-on aux originaux, aux poètes un peu anarchistes ? On les traite avec condescendance, sans se préoccuper du fond de ces pensées, celui qui met en doute notre mode de vie. Ca non plus, je ne veux pas la le laisser en héritage à ma descendance.

Je vous salue tous, victimes d’hier, celles d’aujourd’hui, et ceux qui tomberont demain. Tous, vous représentez tant le meilleur que le pire de ce que nous sommes. Le meilleur, parce que vous méritez les honneurs dus à votre sens du sacrifice. Le pire, parce que vous serez tombés pour l’espoir de lendemains meilleurs. Regardez nous dans les yeux, vous n’avez pas à rougir de ce que vous êtes. Nous sommes tous différents, avec nos passés, nos erreurs, mais aussi nos réussites, nos bienfaits pour notre entourage. Si je dois mourir demain, je veux qu’on se souvienne de moi comme quelqu’un de bien, rien de plus, rien de moins. Est-ce que mon nom sera porté par les vents et la mémoire ? Après tout, quelle importance : c’est ici, et maintenant, que je veux donner de moi pour que tous, autant que nous sommes, ayons une chance d’être ensemble, en paix, sans violence ni haine gratuite, sans jugement ou différence sociale. Que le patron serre avec fierté la main de son ouvrier, que l’enfant puisse tenir la main d’un autre enfant d’une couleur différente, et que nous puissions, un jour, regarder le soleil qui se lève sur un monde qui a oublié de se faire la guerre en vain.

Le premier mort est déjà le mort de trop.

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