19 mai 2010

Encore des coups médiatiques

Que j’aimerais ne pas être aussi cynique, que ne donnerais-je pas pour retrouver un rien de candeur infantile, telle que celle qui inonde souvent les cœurs des électeurs… Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas moins difficile de vivre de manière totalement imbécile que de vivre de manière par trop éclairée. Ne dit-on pas « heureux les imbéciles » ? A mon sens, ce dicton n’aura que rarement été aussi vrai qu’actuellement, d’autant qu’avoir une opinion s’avère maintenant être un véritable danger. Ah ça, pour vous donner du « fasciste ! » quand vous avez une opinion qui n’est pas de gauche, ou encore vous fustiger quand vous n’acceptez pas les raisonnements trop faciles et simplistes, il y a du monde, mais par contre, pour vous défendre quand vous avez des opinions, pour vous aider quand il s’agit d’aller au charbon pendant les discussions animées, il n’y a plus grand monde.

Dans mon immense cynisme, j’avais déjà imaginé les problèmes potentiels engendrés par la gestion de la burqa : interdisez le port de ce « truc », vous êtes un intolérant, autorisez le, et c’est tacitement cautionner l’attitude rétrograde et ostentatoire d’un petit nombre. N’étant pas de nature à croire à la bonté, et encore moins à rêver d’une franche intelligence de la foule, je ne m’attendais pas à une paix sociale achetée à coup de temporisation. Et ça n’a pas raté : paf, une bagarre à Montreuil, et vlan une autre entre une femme voilée et une « bonne » Française. J’aurais préféré me passer de constater que les gens sont des idiots finis, surtout au point de se mettre sur la tronche plutôt que discuter avec bon sens… Mais c’était oublier à quel point les gens sont juste cons. Maintenant, après avoir mis le feu aux poudres, l’état suggère une politique progressive, avec six mois pour informer avant de sanctionner, donc, en gros, six mois pour faire admettre à des fondamentalistes qu’ils doivent s’aligner sur une loi que, de base, ils jugent intolérante et inacceptable. Bonne chance pour leur faire changer d’opinion !

Triste ? Pas vraiment, car dans l’absolu tout ceci n’est qu’une vaste valse médiatique : d’un côté, on stigmatise des femmes qui ne demandent qu’à avoir la paix (déjà que chez elle, ça ne doit pas être spécialement la joie…), de l’autre, des journalistes toujours avides de sensationnalisme. Cela arrange tout le monde, tant ceux qui critiquent la dite loi que ceux qui la cautionnent. Vous trouvez ce propos absurde ? Réfléchissez un instant ! Si le débat vire à l’émeute, cela sous-entend qu’il n’y a pas unanimité, et quand le peuple n’est pas unanime, c’est que potentiellement la dite loi est au mieux inapplicable, au pire inepte. Dans ces conditions, cela fait le jeu des anti-loi. D’un autre point de vue, le fait que des « fondamentalistes » (c’est ainsi qu’ils sont déjà présentés dans les médias virant à droite) se braquent sur le sujet prouvent, pour les soutiens à la loi, qu’il y a urgence à légiférer et réprimer des attitudes attentant à la dignité des femmes. Qui a raison ? J’ai déjà posé l’équation, et le démocrate qui sommeillait en moi est sorti de sa torpeur pour me hurler « Tu crois sincèrement qu’une telle loi sera applicable ? Comment mettre le mari en accusation ? Qui te dit que l’autre mégère cachée sous son attirail n’a pas acceptée cet état de fait comme un symbole culturel ? ». Ereintant, mais c’est un débat qui reste nécessaire. A côté de lui s’est alors redressé mon insupportable côté laïc légaliste qui s’est mit à vociférer « Pauvre con : sans loi, tout est permis. Colle lui une prune, tant pis si ce n’est pas toujours juste, ça foutra la trouille à celles et ceux qui pensent que l’impunité est la règle ».

Sur le devant de la scène médiatique, tout est blanc, tout est noir. Dans les impasses et les ruelles grises du quotidien, tout est mitigé, mal équilibré, sensible. Dans notre grande passion pour la « loi », trop de personnes pensent, à tort, qu’une loi résout tout. Or, il est évident que ce n’est pas légiférer qui fait changer les choses, c’est mettre en application. Qu’on s’attaque en premier lieu aux groupes qui colportent des idéologies extrémistes, que l’on coffre ceux qui pensent que la négociation doit se faire avec des bombes, et ensuite nous pourrons alors débattre de l’opportunité de parler de la burqa. Nos politiques ne se préoccupent pas tant de connaître les problèmes cachés par ces voiles, que de savoir si cette loi pourra, ou non, plaire à l’électorat. J’estime donc qu’il est indispensable : soit de supprimer la loi, soit de l’appliquer dans toute sa rigueur. Ne créons pas des lois pour juste les écrire, créons les pour qu’elles soient utiles à la société. Je suis le premier à dire qu’il n’est pas acceptable qu’une femme soit réduite à une prison de tissu, tout comme je répète encore et encore que la liberté de culte doit être respectée. Le domaine privé de la foi ne doit en aucun cas venir empiéter sur le domaine public.

C’est donc le légaliste qui a autorité, me concernant. Pas question de tolérer que l’obscurantisme soit maître à bord… Mais attendez vous à nombre de manifestations, d’incidents divers et variés, et surtout à la mise en exergue des dérives des agents de contrôle. Ca ne risque pas d’être discret, notamment lorsque les premiers PV seront dressés, et que les verbalisés iront au tribunal pour défendre leur doit, en vertu de la constitution et de la déclaration universelle des droits de l’homme. Comique : un type qui emprisonne sa femme avec un vêtement qui vient alors défendre ses libertés de culte.

Le débat de Montreuil qui dégénère, sur leparisien.fr
Les tergiversations de l'état face à la mise en place de la loi (News Reuters sur Yahoo.fr)
bagarre entre deux femmes à propos de la burqa (niqab), sur lepost.Fr

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