21 juin 2010

Deux propos distincts pour une seule journée

Alors, pour une fois, je ne me contenterai pas d’un seul thème pour ma diatribe quotidienne. Je vais plutôt aborder deux points très différents sur les faits, et qui convergent sur l’aspect médiatique. En effet, j’ai tout récemment poussé un cri de colère concernant la situation médiatique du Var, et celle surmédiatisée des footballeurs de l’équipe de France. D’une certaine manière, ma fureur s’orientait autant contre les organes de presse que contre la foule, et j’insistais sur l’absence de dignité et de respect pour des victimes autrement plus à plaindre que des millionnaires en crampons.

Et aussi bizarre que cela puisse paraître, TF1 semble m’avoir été, ou tout du moins avoir quelqu’un à la rédaction ayant le même genre de point de vue. Etant le premier à vilipender la chaîne pour ses émissions aussi honteuses que débilitantes, je me dois aussi de remarquer les bons points. Tant par éthique que par respect pour une certaine presse, je me dois donc d’appuyer sur ce point : bravo à TF1 pour le reportage sur le Var dans l’émission « 7 à 8 » du 20 juin 2010. Pour une fois, la caméra et les interviews se sont révélées respectueuses, discrètes, et qui plus est humaines. C’est assez rare pour être noté, car, bien trop souvent, lorsqu’une catastrophe survient, on diffuse avant tout les images choc, comme une maison s’effondrant sous la pression des flots en furie, ou bien d’un pan de forêt qui disparaît dans un glissement de terrain. Les journalistes de TF1 ont bien entendu agrémenté le reportage de quelques images, mais des discrètes, sobres, juste pour appuyer les dires des anonymes réagissant et racontant leur enfer du 15 juin 2010.

L’œil d’une caméra peut être lubrique, tout comme il peut s’élever pour devenir témoin, conteur d’une réalité aussi terrible qu’elle est humaine. J’ai été surpris, ému et rassuré quand la chaîne n’a pas passée aux cribles les malheurs des victimes. Un homme ayant perdu ses deux parents s’émeut, il retient ses larmes ; la caméra se coupe, respect pour le deuil et la douleur. Retour sur lui, oreille attentive, sans commentaire inutile et incongru, juste une oreille qui retient la simplicité d’un homme blessé par la vie, et qui évoque avec émotion la mémoire d’un père et d’une mère retraités, emportés par les flots. Le seul mot qui me soit alors venu à l’esprit est « dignité ». Pour une fois qu’une telle émission se révèle digne, je ne peux qu’insister sur mon merci le plus grand qui soit. J’avais craint, en tombant sur l’annonce de ce reportage, d’assister à un saccage visuel et moral de la mémoire des victimes. Là, pas de débordements, juste une équipe qui relate, avec honnêteté, de la dureté de la catastrophe. Ca, c’est du journalisme.

Et puis, enfin, les scènes magnifiques, celles des héros ordinaires, de ce jeune homme qui est allé sauver une dame inconnue, au péril de sa vie. Dans son regard aucune fierté, juste le sourire presque candide d’un homme qui a su avoir de vraies valeurs humaines. Comment retranscrire l’émotion de cette femme sauvée des eaux, si ce n’est par ses yeux embués et son trémolo dans la voix ? Là encore, la dignité, le respect pour la vie ont primés. Merci à TF1 pour cet acte télévisuel qui fait date pour moi. D’autres l’ont vu sans même s’en préoccuper. Moi, il m’a rappelé qu’il existe encore des êtres humains solidaires, et qu’il existe encore un potentiel de journalistes agissant avec une certaine idée de leur profession. Merci à eux.

Le second point convergeant est que cette même émission n’a pas repris le naufrage en bleu pour en faire ses choux gras. C’est un acte qui leur vaut un nouveau merci de ma part : il y a bien eu assez de commentaires de divers experts sur le sujet, et j’aurais trouvé superfétatoire que l’émission se penche sur cette honteuse dérive du sport. D’ailleurs, je dis sport, je devrais dire une dérive juste « people », pitoyable, inacceptable dans une sélection nationale. Je ne me poserai pas en spécialiste sportif, d’autant plus que je serais foutu de faire des contresens ou des erreurs d’analyse. Non, là je me pose en citoyen, en simple citoyen outré par ce carnage. Et je pense qu’il y a de quoi bondir de colère : pour qui se prennent-ils ? Qui représentent-ils ? La France ! Nous autres, citoyens !

Domenech, l’équipe, Anelka, et je ne sais qui d’autre sont mis en avant. On parle des mots d’un Anelka insultant son sélectionneur. On nous annonce que le dit joueur est alors exclu pour ses propos. On nous présente alors un sélectionneur péteux lisant les déclarations d’une équipe faisant acte de refuser de s’entraîner. Enfin, on nous montre un désastre interne où chacun cherche à savoir « qui est la taupe ». Alors messieurs de l’équipe de France, tous autant que vous êtes, je vais vous rappeler, puisqu’il semble indispensable de le faire, quelques fondamentaux.

Tout d’abord : vous jouez pour une sélection nationale, par pour vous-mêmes. Vous n’êtes pas de simples salariés, vous êtes les représentants d’une nation, d’un peuple qui vous observe, parce qu’il compte sur vous pour défendre un drapeau et une qualité sportive. Vous n’avez respecté ni le peuple ni le drapeau en vous comportant de la sorte. Honte à vous, honte à tous ceux qui se croient supérieurs aux intérêts d’un pays. Honte à ces types qui se pensent plus importants que leur drapeau. Juridiquement, un tel acte porte un nom : de la haute trahison ! En France, ce fut, pendant des décennies, puni par la mort.

Ensuite : Refuser de vous entraîner, prendre le pays en otage en déclarant que vous faites ce que vous voulez, c’est mépriser tous les efforts faits par des milliers de sportifs qui rêvent d’arriver un jour à votre place. C’est également cracher sur ceux qui se crèvent derrière vous pour vous offrir une chance d’arriver en phase finale. Et c’est surtout estimer que votre encadrement n’est fait que de cons, et que les Français le sont aussi, car ils sont le douzième homme sur le terrain. D’un point de vue militaire, une telle action collective porte un nom : une mutinerie. En France, ce fut, pendant des décennies, puni par la mort.

Enfin : insulter un supérieur hiérarchique de la sorte, le traiter de tous les noms, c’est une marque claire et précise d’une bêtise sans nom, et d’un manque flagrant d’éducation. Qu’un supérieur puisse être le pire des incompétents se comprend. Qu’il ne convienne pas ou plus à l’équipe, je le conçois. Et qu’il soit difficile voire impossible de communiquer avec, je l’ai pratiqué. Par contre, proférer des insultes comme un imbécile, aller jusqu’à l’insulte qui n’est qu’une preuve flagrante d’un manque total de répartie, c’est le signe même d’une éducation à refaire. Il ne s’agit pas là d’un coup de sang, d’une saine colère, du hurlement primaire. Non, j’y vois juste un adolescent attardé qui, en guise d’expression orale, ne sait user que de l’injure. D’un point de vue militaire et professionnel, cela porte un nom : l’insubordination. Dans l’armée, cela équivaut à aller passer quelques temps en prison. Dans la vie professionnelle, cela mène au licenciement immédiat pour faute grave. Quoi que puisse dire ses équipiers, c’est inacceptable et indéfendable.

Je suis furieux : non parce que la France perd, et non parce qu’elle a des joueurs qui s’insultent. Je suis furieux parce que nous avons à présent non plus des sportifs dignes de porter le maillot de l’équipe de France, mais des égocentriques qui ont oublié en chemin ce que représente une place en équipe nationale. Ils souillent les espoirs de milliers de gens espérant atteindre le firmament du football, ils souillent également les espoirs de millions de supporters qui, aujourd’hui, par écoeurement, ne suivront certainement plus autant les aventures de l’équipe. Vous avez gagné le droit de rentrer à la maison, la tête basse, et d’être tous autant que vous êtes, virés sur le champ. Par respect pour l’Afrique du sud, je ne peux hélas pas prôner votre retour immédiat en métropole. L’Afrique du Sud mérite votre respect, et vous ne lui avez pas accordé en vous comportant de la sorte. Jouez ce dernier match avec le reste de dignité qui pend à vos souliers à crampons. Perdez ou gagnez, peu me chaut, mais jouez ce match avec à l’esprit que les Africains du sud, eux, se battront jusqu’à la dernière minute. Non parce qu’ils sont payés pour le faire, mais parce qu’ils seront fiers de défendre leur patrie et leurs supporters jusqu’au coup de sifflet final. Vous avez oublié ce qu’est le football : pas qu’un business, pas qu’un sponsor de plus à accrocher à votre maillot. Le football, c’est avant tout un sport populaire, un sport qui peut être joué par un gosse désoeuvré sur les plages de Rio, ou dans un stade de 120.000 places. Charge à vous de retrouver un peu de décence et de fierté pour ce match qui aura toutes les chances d’être votre dernier.

Et faites que cela soit le dernier tout court : tant pour la coupe du monde, que pour l’équipe sous sa forme actuelle.

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