10 août 2010

La vulgarité

Il est d’usage d’associer la vulgarité à la foule, car, par défaut, nous l’estimons mal éduquée, mal dégrossie, et donc capable d’utiliser un vocabulaire des plus restreints. En guise d’expression orale, on lui prêtera donc plus volontiers des insultes que des propos construits, et ce n’est pas les médias qui se priveront de véhiculer une telle image, notamment concernant la jeunesse des banlieues. Du « Fils de pute » à la pelle, des mots tirés de diverses langues étrangères, voire même d’un argot local incompréhensible pour le béotien que je suis, la vulgarité semble être la chasse gardée des couches sociales les moins aisées. Et pourtant, si vous observez plus attentivement, il n’en est rien ! Le vulgaire, le mauvais goût est partout, et ni les riches, ni les nantis, et encore moins les prétentieux à la langue de bois ne sont épargnés par la vulgarité.

Vous ne me croyez pas ? Et dire que cela semble évident ! La vulgarité n’est pas seulement d’ordre linguistique, elle peut être éthique, morale, physique ou visuelle. Qu’on n’aille pas me dire qu’un politicien qui parle, sans frémir, d’immigration contrôlée, de politique sécuritaire, ou encore de « moralité » (alors qu’il patauge probablement soit dans l’adultère, soit dans une magouille financière… ou les deux tant qu’à faire !) n’a rien de vulgaire ! A les écouter, ces femmes et ces hommes aux costumes impeccablement taillés sont les garants de la morale et de la bonne tenue des choses. Comme disent les vrais charretiers « Mon cul ! ». Nous prendraient-ils pour des demeurés prêts à tout avaler sous prétexte que cela sort de leurs bouches ? Grossières erreurs, chers élus : nous ne gobons pas vos mensonges, vos vulgaires transformations de la vérité, nous les acceptons, à défaut d’avoir mieux à se mettre sous la dent. Malheureusement, c’est ce fossé creusé entre celui qui pense tout savoir, et celui qui sait que l’autre ne sait finalement rien qui fait, qu’à défaut d’une expression honnête et salutaire, nous mâchons de la vulgarité morale et politique à longueurs de journées. Affligeant.

La mode, ça aussi c’est du vulgaire en barres ! Entre la gosse tirant vers la morue qui n’a pas compris qu’un string dépassant d’un pantalon, ça n’a rien de sexy, et la vieille rombière qui, sous des litres de peinture pour façades craquelées, espère obtenir un visage plus présentable qu’un lendemain de bombardement à Berlin, il y a de quoi faire. Quoi penser de cet acharnement à créer des motifs absurdes, à choisir les couleurs les plus criardes, et surtout à les agencer de sorte à créer la nausée ? Nous sommes tous victimes de cette vulgarité, et cela ne manque pas d’être présent partout : la télévision, avec le défilé ses squelettes, pardon mannequins vêtus comme des berlingots ou des papillotes premier prix, les gens, qui, sous couvert de suivre la mode, se rendent ridicules, ou encore les magazines qui colportent ces horreurs. Quoi ? Vous n’êtes pas d’accord ? Et croiser un ado androgyne qui semble tout droit sorti d’un camp de concentration tant sa maigreur fait peine à voir, ça n’a rien de vulgaire ? Et ces quadras qui s’entêtent à se fringuer comme leurs gosses, ils ne sont pas ridicules peut-être ? Et puis, celle qui porte son tailleur Chanel rose bonbon… je ne la remercie pas non plus tiens !

Le parler crade, le vulgaire oral n’est qu’une petite chose parmi tant d’autres : on exhibe sans manière ni respect le corps des hommes et des femmes (alors qu’un nu, cela peut être très beau !), on fait de la femme un objet, avec le vocabulaire dégradant qui va avec. « Pute », « chienne » et j’en passe. Et ça, étrangement, on ne parle pas de vulgaire, mais d’effet de mode. Mais comme la mode est vulgaire, comme je l’ai précisé précédemment… Sans rire, dire des insanités n’a jamais été quelque chose d’anormal dans la langue. D’ailleurs, toutes les langues disposent d’atrocités auditives pour invectiver son voisin, pour lui rappeler que sa naissance est le résultat d’amours adultères, ou encore que son épouse n’est pas la dernière à le tromper. Bref, tout le monde peut devenir verbalement infâme, mais pour autant, est-ce que cela fait de chacun de nous des gens vulgaires ? Pas du tout ! Il est d’autant plus drôle de dire des atrocités qu’il peut s’avérer malsain de prétendre à ne jamais dire de vulgarités. Qui n’a pas gueulé, après s’être refait le petit doigt de pied contre un coin de meuble « Putain de merde ! » ? Qui n’a pas dit à sa voiture, dans un moment de colère noire « Saloperie de bagnole ! » ? Qui n’a pas lancé, à haute voix, un « Connard ! » à un autre conducteur ? Tout le monde le fait !

Alors, assez d’hypocrisie : préférez vous le « Veuillez agréer de ma sodomie la plus vigoureuse », ou bien un bien franchouillard, graveleux et vulgaire « Va te faire enculer » ? Je ris d’avance de la réponse !

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