30 août 2010

Une mine

Les plus attentifs d’entres vous auront immédiatement envisagé que je parlerais de cet accessoire sympathique qu’est la mine antipersonnel. Erreur ! Pour une fois, je ne vais pas faire l’apologie cynique d’un tel équipement, mais plutôt songer au sort des 33 mineurs bloqués au Chili. En effet, en plus de l’évènement humain, je trouve qu’il y a énormément de choses à voir derrière ce « miracle » de leur survie. Entre la médiatisation mondiale de l’incident, et l’expérience humaine totalement unique, je pense que nous avons de quoi réfléchir sur notre condition.

Tout d’abord, pour ceux qui vivraient en ermite et que se contenteraient de me lire pour avoir des nouvelles du monde extérieur, il y a, à l’heure où j’écris ces lignes, 33 mineurs qui sont bloqués à plus de 700 mètres de profondeur. Oui, 700 mètres ! Miraculés, ils sont à présent assistés, depuis la surface, à travers un mince boyau par lequel on leur fait parvenir eau, soins, nourriture et distractions. Bien entendu, cela va prendre des mois pour les faire sortir, et, d’ici là, ils seront surveillés par des psychologues, et en liaison permanente avec la surface. Rien que cela apparaît comme une aventure humaine sans précédent : plusieurs mois, totalement isolés, sans aucune possibilité d’écourter le séjour ! Même les types qui allaient sur MIR pouvaient envisager un retour anticipé. Pas là ! alors, songez donc à la vie sous terre, dans des conditions aussi difficiles que vivre dans une mine : hygiène, santé, salubrité, sans compter la promiscuité, il y a de quoi devenir fou en quelques heures seulement ! Quand je songe à ces gens qui paniquent dès qu’un ascenseur met un peu de temps à circuler…

Là où le tout devient vraiment intéressant, c’est avant tout sur la capacité des hommes à s’organiser. Les informations dont je dispose (via la lecture de divers sites), est que ces mineurs sont organisés de manière exemplaire. Dans un premier temps, avant qu’on les contacte, ils ont rationnés l’eau, la nourriture, pris le temps de gérer une surveillance par roulement, de sorte à ce que chacun ait une part, et puisse se reposer de manière suffisante Cela prouve qu’il faut vivre des situations extrêmes pour trouver, d’une part, un ou plusieurs meneurs rigoureux, et, d’autre part, accepter les contraintes d’une telle crise. Combien auraient réussi à tenir sans craquer ? Je suis le premier à reconnaître que j’ignore si je n’aurais pas cédé à la panique, ou, pire encore, à des envies morbides. Ils sont donc, pour moi, très impressionnants.

Le second aspect qui m’interpelle est l’expérience unique d’isolement. Si l’on fait un parallèle, ils vivent dans les conditions de promiscuité et d’isolement que pourraient connaître des astronautes faisant un voyage… vers Mars par exemple ! La Nasa, par la bouche du président Obama, a réitéré son fantasme de faire marcher un Américain sur la lointaine planète. Or, l’inquiétude majeure est la santé mentale des dits voyageurs de l’espace. Supporte-t-on de rester enfermé aussi longtemps ? Peut-on éviter de s’entretuer, à force de devoir supporter son prochain ? Je suis convaincu que cet évènement va devenir une véritable référence scientifique pour nombre de laboratoires gérant le biorythme, ainsi que pour les prochains traités sur la psychologie de l’isolement. Et, pardessus le marché, il faut ne pas oublier qu’en bas, sous terre, jour et nuit n’ont plus de sens, faute de vision du soleil. En conséquence, il y a là une matière unique à étude.

Le dernier point qui semble intéressant, c’est cette « solidarité » qui apparaît en tâche de fond. Jusqu’à présent, le sort de mineur ensevelis se réduisait à « On a cherché, pas de survivant ». Maintenant qu’ils ont trouvés ces 33 mineurs, comment leur refuser l’espoir de revenir à la surface ? Est-ce de la solidarité, ou de la conscience mise en accusation ? Le chantier est faramineux, tant techniquement qu’humainement, et le coût n’est pas en reste. Mais comme mauvaise publicité, difficile de faire pire qu’un « On ne peut pas les sortir, on a pas le fric ». De là, je crois que nombre d’acteurs de cette situation unique sont simplement honnêtes : ils veulent sauver des collègues, car il y a une grande fraternité dans ce métier si dangereux qu’est d’être mineur. Je ne crois pas qu’on puisse, nous autres citadins, comprendre à quel point il existe un lien du « sang » quand on risque sa vie au quotidien avec des amis.

Je leur souhaite de survivre, de revenir à la surface, et de pouvoir raconter au monde, ce que c’est de vivre ainsi. Ils sont, à mes yeux, la représentation vivante de la volonté et du courage, l’envie de vivre à tout prix. Bonne chance, les gars !

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