29 septembre 2010

Trauma

Il arrive parfois que la créativité soit surprenante, au titre que, de temps en temps, un créateur est là, sortant des sentiers battus et ordinaires, et s’extirpent du bourbier pour nous livrer une œuvre décalée, parfois drôle, parfois triste, mais toujours originale. C’est dans cet esprit que je revendique une véritable passion pour un créateur sur le réseau, un type complètement atteint de la boite crânienne, qui crée des sagas audio, un peu dans le style des séries radiophoniques de nos grands-parents. Flopod (de son pseudo) a mis en ligne ses délires sous la forme de fichiers à télécharger, à écouter, et surtout à conserver. Merci à lui, car deux sagas me marquent tout particulièrement : Trimoria et Synapse ; L’une comme l’autre traitent de la folie humaine, du fait d’être dézingué des neurones, ceci à travers l’exploration d’un monde imaginaire et complètement anarchique dans Trimoria, et par le suivi de deux évadés d’un asile d’aliénés dans Synapse. Ecoutez les, riez, hallucinez, repérez les références qui fourmillent. Amusez vous !

Mais alors, « juste quelques mots pour faire un éloge ? », grognera l’amateur de dithyrambe et de tirades sans prise de respiration à travers des virgules perdues dans la typographie de ce site. Hé non ! Je nous crois tous capables de restituer une forme de folie de l’imagination, et de vivre, d’une certaine manière, ce délire totalement incongru prenant naissance ici (observez qu’à travers un texte, il est difficile de pointer décemment un crâne sans susciter l’intérêt puis la consternation dans la même seconde), pour finir restitués dans notre esprit. J’aime à croire que chacun saura se libérer des carcans, évacuer les clichés, sauf à s’en servir à bon escient bien entendu, pour finalement proposer une autre vision du monde, si décalée, débile, ou morbide soit-elle.

Les sagas mp3 sur flopod.fr

Et si je m’y essayais ?

Je rappelle aux non avertis qu’il s’agit là, bêtement et méchamment, d’un exercice de style !

J’avais intimement la conviction que ce monde n’était pas conçu pour moi. Entre ces affiches agressives qui tentaient lamentablement de me mettre au tabac, à l’alcool et au sexe facile par minitel interposé, je me sentais particulièrement prisonnier sans mur ni barreaux, tandis que les autres humains, eux, erraient sans raisonnement ni précaution au milieu de ces menaces permanentes. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je soupçonnais même certains de ces erres d’être prêts à me tuer pour garder leur confort et leur petite vie bien rangée de larbin au service d’intérêts aussi obscurs que dangereux. Pour moi, ce fut donc de la survie que d’assassiner ce con de vendeur de chaussures. Il n’avait pas à me dire que je n’avais pas un style acceptable en enfilant des mocassins avec un survêtement ! Imbécile ! Je ne vois qu’une explication : je me devais d’entrer dans le moule d’une société formatée où je suis le parasite, l’homme à abattre.

Quand ce collabo de juge m’a invectivé et montré du doigt durant l’audience, je me suis juré d’une part de lui faire la peau, et d’autre part de ne plus jamais être pris par les autorités. Qui savait ce qu’ils me préparaient ? Ah, ces salauds : quand un psy s’est mis à déblatérer sur mon compte, racontant tout un tas de saloperies sur mon enfance, mes angoisses, mes petites voix intérieures, je me demandais s’il n’était pas fou lui-même. De quel droit posait-il un jugement aussi abrupt sur mon existence ? Il était aveugle, ne voyant pas que son humanité misérable n’était satisfaite et gonflée d’orgueil que parce qu’il pouvait s’offrir une voiture de luxe. J’imagine bien sa tête constatant avec effroi que je lui ai laissé un message chez lui, sous la forme de son épouse et son amant enlacés à jamais avec du fil de fer sur le tapis persan du salon. A chacun ses névroses doc, et moi je vous en ai filé pour quelques années de thérapie.

On m’a donc collé en institut, estimant que je n’étais pas apte à comprendre ma sanction. Mensonges : je savais que je l’avais tué, je l’avais assumé, revendiquant mon acte en déclarant à la cour que je ne tolérais pas d’être traqué ou surveillé par des agents. Accès paranoïaques, et tendances suicidaires ? Je n’ai jamais eu envie de mettre fin à mes jours, mais interrompre ceux de toute personne voulant m’empêcher d’exister. L’hôpital psychiatrique fut une expérience enrichissante. J’étais, et de loin, un des patients les plus intelligent de cette foire au bétail humain. Il y avait là du dégénéré mangeant ses excréments, du violeur incapable de réprimer ses pulsions, un mythomane, une belle série de paumés pour la science et l’existence. De mon côté, on testa plusieurs traitements, certains me menant à des accès de rage, d’autres à des rêves aussi bizarres que glauques, puis finalement, c’est en jouant l’apathie que j’ai pu les rouler. Les idiots, moi, apathique ! Alors, un soir de relâchement, j’ai pu briser la tête à ce maton pervers et amateur de violence, lui piquer sa voiture, et partir sur les routes.

Ce fut difficile, dangereux même. Incompétent comme voleur, je fus souvent réduit à l’errance piétonne, à l’autostop, et à l’insupportable promiscuité avec des demeurés fiers de leurs machines à roues. Qu’importe : après des mois de fuite, j’ai pu me poser, trouver un petit job dans un village si ridicule qu’il n’apparaît pour ainsi dire pas sur les cartes. Mais il a fallu que le maire s’en mêle, et me menace d’appeler la gendarmerie. Pas le choix, j’ai dû le liquider et balancer son cadavre dans le canal. Tant pis, encore une vie de perdue, une autre à reconstruire. Et puis, je ne l’aimais pas, cette proprio toujours prompte à se plaindre de la télévision, de la musique, de mes cigarettes, ou encore de mes achats, car cette morue fouillait ma poubelle pour y vérifier si je n’y laissais pas de la drogue ou des seringues. Je pense qu’elle va être remise à sa place, quand elle retrouvera son salopard de Yorkshire, si tant est qu’elle comprenne qu’il est dorénavant en plusieurs morceaux. Ordure.

Maintenant, je suis là, dans cette masure. Ils attendent dehors, ils ont déployés les grands moyens : GIGN, tireurs, hélicoptères, chiens, la totale. Un vrai fugitif de cinéma. Je m’en fous, ils vont me faire la peau, c’est sûr qu’ils ne me laisseront pas parler de tout ça, m’expliquer. Personne ne tiendra compte des circonstances ni de mes motivations. Je suis un assassin pour la société, un monstre dénué de sentiments, et il faut m’éliminer. Parfait, qu’ils forcent la porte, je les attends. Du butane, un briquet, un fusil, cela fera l’affaire. Et cela fera bouffer pas mal de journaleux, ces ordures qui m’ont surnommé le sauvage, l’animal. Je ne sus pas moins un animal qu’eux, ces porcs qui se nourrissent du malheur des autres. Qu’ils viennent eux aussi, j’ai un traitement de faveur à leur offrir !

Tiens, je suis touché je crois, je ne sens plus...

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