14 octobre 2010

Lennon est mort. C'est pas nouveau ça.

Je trouve tout particulièrement étrange cette tradition de vouloir à tout prix fêter des anniversaires après la mort de « grands personnages ». En effet, nombre d’évènements apparaissent sous ce genre de prétexte : les trois cents ans de la naissance d’un tel, les cents ans de la mort d’un autre, ou encore l’inusable « s’il était vivant, il aurait… ». En tout état de cause, je n’ai volontairement pas réagi comme la toile à au 70 ème anniversaire de la naissance de John Lennon, tant parce que je ne voulais pas rejoindre la foule qui se souvient tout à coup d’un artiste, mais surtout et avant tout parce que le phénomène me dérange passablement. On va me dire qu’il est bon de se rappeler des magnifiques airs de Lennon (depuis les Beatles, jusqu’à l’intemporel Imagine, ou le revendicatif « Power to the people », ou encore le chargé d’espoir « Xmas »), qu’un tel rêve devrait être perpétué. J’en conviens : je suis le premier à m’émouvoir en entendant la voix à la fois fluette et intense du John, mais pour autant, est-ce qu’il fut le seul à rêver ? Pourquoi lui, et pas Gandhi ou Martin Luther King ?

Cela semble de mauvaise foi : il faut bien se souvenir à un moment donné pour que les chansons d’antan réapparaissent. Là, je dis faux. La culture, ce n’est pas quelque chose qu’on dépoussière pour en remettre une double dose sur les étals des magasins voraces en population consommatrice, la culture, c’est une chose qu’on enseigne, et qui doit se transmettre. Fut un temps, la culture était orale, et les enfants apprenaient les chansons et la vie de la bouche de leurs parents, pas d’un écran plat où défilent pêle-mêle des informations, des clips, et des jeux vidéos. Rien que dans cet esprit, voir qu’un Google ou un Youtube met fortement en avant J.Lennon pour « l’anniversaire de sa naissance » me laisse un goût amer. Cela veut donc dire que les parents ne savent plus montrer à leurs descendants qu’il y a eu des artistes engagés, des morceaux magnifiques, ceci bien avant la Poubelle Star academy, ou qu’il y a eu des films grandioses avant Matrix. Un drame.

Le second point qui me fait grincer des dents, c’est que la foule s’empare alors du souvenir de l’artiste, ceci non pour en revendiquer l’héritage culturel ou intellectuel, mais pour se donner une visibilité. Je serais curieux de voir le nombre de « musiciens » qui ont balancé leur petit « hommage » à John ces derniers jours, et combien se sont vu obtenir une gloriole éphémère. John chantait alors que je n’étais pas né, il est mort alors que je n’étais qu’un bambin, et j’ai appris de mes parents ce qu’il était. J’écoute les textes autant que la musique, mais pour autant je ne me lancerai pas dans une reprise sans talent, car lui seul est dépositaire de ses propres œuvres. Ce que j’entends par là ? Non qu’il soit mauvais de rejouer le passé, mais cela devient inepte quand le but est juste de se montrer pendant une période très brève de souvenir. John rêvait d’un monde meilleur, il l’a chanté, revendiqué, expliqué en long et en large. Il n’a certainement pas eu à l’esprit que d’autres iraient se faire de la notoriété sur ses chansons !

Si je continue dans cet esprit, je trouve encore plus nauséabond l’idée que des annonceurs puissent recycler des airs de « révolte » pour en faire des slogans. « Imagine » recyclé pour des publicités ayant pour but de dire que l’entreprise X a une conscience écolo ? A vomir. Un fabricant d’ordinateurs qui utiliserait « Power to the people » comme recette pour faire croire qu’acheter leur ordinateur, c’est se libérer ? Atroce. Un site de rencontres utilisant la sublime chanson « Love » pour faire payer un abonnement à ses services ? Des baffes ! La chanson, c’est autant un vecteur d’idées qu’un ensemble de notes pour se trémousser. Et donc, en faire tout un foin médiatique, ceci au seul avantage des héritiers et des producteurs détenant les droits, c’est alors bafouer tout l’esprit des chansons à leur origine. Si quelqu’un se lance dans la reprise de ces morceaux, qu’il le fasse avec la conscience qu’il est alors le nouveau dépositaire non d’un air et d’un refrain, mais d’un contenu, d’un slogan, bref de l’âme même de celui qui l’a composé.

Enfin, j’aime les Beatles, j’adore Lennon, mais je ne le glorifierai pas. Tous les hommes ont des parts d’ombre. On a longtemps accusé Yoko Ono d’être responsable de l’éclatement des Beatles. On a longtemps dit d’elle (et aujourd’hui encore) que c’est un vautour assoiffé d’argent. Qu’importe : John, tu as donné au monde des textes indémodables, tu as écrit des airs que tous nous avons dans la tête et le cœur, et tu as su prouver au monde qu’être engagé, ça n’est ni ringard ni mauvais pour les ventes. Vous aimez John ? Ecoutez le. Méditez sur ses refrains. Mais si vous l’aimez vraiment, ne soyez pas, comme trop de monde, le vecteur d’un esprit plus commercial que commémoratif.

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