16 novembre 2010

Interrogations sécuritaires

J’aimerais pouvoir faire confiance à la foule. Mon pseudo Internet qui fait partie intégrante de l’image de ce blog identifie formellement que mes propos ont tendance à agacer la foule, voire à l’effrayer. Pourquoi ? Parce que je n’aime pas le conformisme latent, celui qui permet de s’enfoncer confortablement dans le sofa, en regardant les crimes ketchup qui défilent sans arrêt à la télévision. Cette même foule, celle qu’exécrèrent tous les grands penseurs du monde, m’effraie souvent au plus haut point. Loin d’être consciente des risques qu’elle court en tolérant tout, elle s’enfonce même avec une ardeur incompréhensible dans les bourbiers tels que la politique sécuritaire, l’attitude propre à inciter à la délation, ou encore à faire l’impasse sur les problèmes de fonds que sont le traitement réservé aux indigents, l’appauvrissement graduel de la classe ouvrière, ou, pire que tout, l’intolérable désistement des parents pour l’éducation de leurs enfants. Qu’on ne me vienne pas dire que mes propos sont réactionnaires, c’est un fait assez flagrant : plus on nous afflige les neurones avec des choses effrayantes telles que l’insécurité ou le chômage, plus la foule acceptera facilement des politiques liberticides et dangereuses, à terme, pour chacun de nous.

Je suis dubitatif à plus d’un titre concernant les Français. D’un côté, ce sont les premiers à hurler leurs grands dieux qu’ils veulent la tranquillité, qui affirment sans nuance que les policiers sont tous des cons, et qu’au surplus un militaire se doit d’être un abruti pour tenir un fusil et pour obéir aux ordres. Dans une telle attitude pourtant ouvertement opposée aux symboles de l’autorité de l’état, cela n’empêche pas les urnes de basculer vers les flancs durs tant de gauche que de droite. La modération électorale me semble de moins en moins d’actualité, d’autant plus que c’est majoritairement sur le populisme outrancier que se sont appuyées les dernières présidentielles : petites phrases, assassines, discours orientés, affirmations allant jusqu'au douteux, difficile de saisir pourquoi une foule profondément anti policière vote pourtant pour un état à tendance policier. C’est en soi non pas un mystère, mais plus une absurdité... Ou alors le Français moyen aime le dicton qui dit « faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

Le débat, apparemment simple, qui devrait opposer les tiers-mondistes aux nationalistes, est finalement autrement plus épineux qu’il n’y paraît. Depuis l’inepte concept d’enlever la nationalité, jusqu’au traitement de l’immigration par la médiatisation des Roms, je pense que ces différentes opérations de propagande sont efficaces pour rassurer les petits bourgeois terrifiés par la différence, et suffisamment « souples » pour ne pas trop inquiéter les biens pensants, satisfaits d’apparaître comme réac, ceci le temps d’un dîner bien arrosé. Je parle de tiers-mondistes, ceci sans me cacher derrière le rassurant discours des gauchistes heureux de croire en la souplesse. Le problème est malheureusement multiple, dangereux, et trouver un équilibre n’est finalement pas possible. On montrait bien les Anglais comme exemples, et eux aussi se confrontent à présent aux mêmes problèmes qu’en France. L’Allemagne, de la même manière, a reconnu par la voix de sa chancelière, que l’intégration des immigrés est un échec cuisant. Est-ce fasciste de le reconnaître, de vouloir le comprendre, et donc, potentiellement, le gérer ? Non, au contraire devrais-je dire, mais, effet pervers de la dite annonce, ce sont alors les sections fascistes qui profitent de cette aubaine médiatique en braillant à qui veut l’entendre « on vous avait prévenus ! », pour en bout de chaîne, voter pour les politiques dures, pour les choix les plus répressifs, et nous guider vers un contrôle et une censure plus forte qu’elle n’y paraît.

Ne croyons pas que le fait de laisser dire n’importe quoi aux télévisions, de laisser entrer la violence verbale et visuelle sont des signes d’affaiblissement de la censure. C’est le contraire : une censure efficace n’interdit pas tout, elle laisse passer tout ce qui sera susceptible de vous rendre plus malléable, plus réceptif aux messages publicitaires ou politiques. Vous voulez un vote sécuritaire ? Faites peur à la foule en lui agitant le spectre des émeutes, deux trois photographies de « jeunes » sélectionnés pour leur aspect repoussant de « racailles de banlieue », et ajoutez dessus quelques scandales pour des vedettes de musique dite « violente », et vous aurez la mayonnaise idéal pour assaisonner les plats de résistante des pro dictature morale. A l’ère du web, offrir une tribune libre à tous est aujourd’hui une fumisterie, car la censure a déjà ses outils affûtés, ceci par devers nos décisions et notre implication de citoyens ! Je hurle au scandale face aux politiques inefficaces de gestion du réseau qui sont non faites pour nous protéger, mais pour protéger des intérêts financiers, le tout à NOS frais. Colossal : nous payons HADOPI pour protéger les intérêts des majors, et non les nôtres. Plus inepte, difficile à trouver je pense. En conséquence, ils ont intégrés des outils de vérification du réseau, et ceci en son sein, et non juste à sa périphérie. Rien n’empêche plus de mener ces outils vers des caméras virtuelles et permanentes, caméras voyeuses qui nous regarderont dans tous nos aspects de notre existence virtuelle.

Et cela semble plaire, puisque finalement ceux qui pondent ce genre d’horreurs sont reconduits au pouvoir !

Les gens gueulaient « trop de police ». Que gueulent-ils maintenant ? Plus rien de précis, si ce n’est pour préserver des intérêts très personnels. L’immense majorité des manifestants dans les rues descendent non plus pour montrer qu’une loi est mauvaise, mais que celle-ci les dérange individuellement. On n’a pas vu de mouvement réel de foule contre la création d’une véritable milice privée du web, pas plus qu’on entend la foule se soulever contre l’idée même de pouvoir être mise sur écoute sans décision d’un juge ! Ils s’en foutent, ça ne les « concerne pas ». Pas encore devrais-je dire, mais c’est déjà presque trop tard, et rares sont les voix qui s’élèvent et se battent encore contre ces lois iniques. Tout est démonté, démontré, mais cela n’empêche pas de mettre en application. Prison virtuelle ? Comme je le disais hier, la foule collabore sans broncher au fichage individuel à travers les Foursquares (géo localisation) et Facebook (réseau social), la foule accepte tacitement d’être vue et observée au microscope, et, pire que tout, de confier ses données personnelles à des sociétés. A quand la vente d’une vie ? A quand les enchères pour s’offrir une identité ?

J’ai naïvement cru que la foule saurait craindre d’être fliquée, de manière publique ou privée, qu’elle saurait se battre contre toute forme de contrôle global. Il n’en est rien : l’éducation des masses m’apparaît aujourd’hui être un échec cuisant. Les fondements des libertés sont devenus des objets mis en vitrine, histoire de dire qu’ils existent. La CNIL hurle, se débat, pour que nous ayons encore des aires de protection de nos vies privées... mais la foule, toujours plus rassurée par la centralisation et le flicage, s’entête à être prise pour un troupeau de moutons. Finalement, si la foule veut être tondue, qu’elle le soit, mais qu’elle ne s’étonne surtout par de résultats tels que 2002, et peut-être, dans une certaine mesure, d’un résultat aussi effrayant en 2012. On accuse bien le président en poste d’être trop voyant, d’être un quasi despote. Soit, mais rappelons les faits : c’est la foule qui a déposé son bulletin dans l’urne, non ? Qui nous dit que nous n’allons pas réitérer l’erreur, ou faire pire encore ?

Je crois que nous allons vers une politique toujours plus sécuritaire. Quand les emplois disparaissent, quand le chômage gangrène, la criminalité augmente. Quand la criminalité augmente, on légitime tant par peur que par conviction de faire des agents de contrôle des autorités inévitables. Mais le jour où le calme est rétabli, qui déboulonne les agents ? Personne... Ne n’oubliez pas : plus de flics, ce n’est pas plus de sécurité. Plus de sécurité, c’est avant tout plus de civisme individuel. Assumons nos responsabilités, avant de demander à un tiers de les gérer pour nous. Alors seulement, nous pourrons voir à combien il faut d’agents dans les rues, et non de mettre les agents en premier, pour ne jamais les enlever.

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