19 novembre 2010

Regarde derrière le rideau de fumée

Après ces quelques textes, je reviens la plume à la main, brandie comme une hache plus que comme un outil de progrès. J’ai vilipendé les attitudes irresponsables des gens, la mise sous tutelle de notre identité par les entreprises, et là, je constate qu’au lieu d’amener à l’interrogation personnelle, les gens continuent à s’entêter dans l’étiolement de leurs droits. J’ai eu le droit à des réponses invraisemblables, dignes des discours des enfants. Faire confiance, croire en un avenir meilleur, s’échiner à dire que les entreprises ne sont pas les grands méchants, qu’il n’y a aucun risque pour notre futur, et que je suis potentiellement un paranoïaque doublé d’un râleur invétéré. Fort bien. Je ne suis pas de ceux qui vous insulteront sous prétexte que je suppose avoir « la réponse », je n’ai pas cette prétention aussi saugrenue qu’infondée. Après tout, le destin et l’avenir ne se devinent pas vraiment, l’avenir se construit au quotidien, à coups de hasards incongrus, et de décisions aux impacts souvent mal mesurés.

Que j’aimerais que cela soit si simple ! Réduire l’avenir à un hasard cosmique, ou à un destin incontrôlable, c’est alors oublier que les choses s’enchaînent, et ceci dans une implacable logique basée non sur le rêve, mais bien plus sur le cynisme. Regarder devant soi, c’est aussi avoir regardé derrière avant, et ça, visiblement, c’est une obligation qui passe trop facilement à la trappe. « Regarder le passé ? Trop encombrant, trop chargé et connoté, il vaut mieux s’en passer. » Belle preuve de folie ! Le passé, c’est le meilleur indice pour comprendre, analyser, et surtout ne pas répéter les erreurs. N’enseigne-t-on pas aux enfants d’apprendre de leurs erreurs ? Alors pourquoi la société refuse d’appliquer à elle-même les principes qu’elle inculque à ses enfants, en gros à son futur ? C’est une aberration sans borne, d’autant plus quand cela mène au conflit, à la mort de millions de gens, quand on répète inlassablement les mêmes débilités, le tout pour des causes aussi « valables » aujourd’hui, qu’elles seront ineptes demain.

Le monde souffre de son déséquilibre, de son manque chronique de partage des biens. Techniquement, si les pays pauvres le restent, c’est essentiellement parce qu’on les aide à rester des vassaux, des esclaves non officiels de quelques autres nations riches. Quand un pays pauvre emprunte pour progresser, on lui fait payer de tels intérêts que cela étouffe toute velléité d’amélioration de sa situation. Inutile de rêver à l’émergence du tiers monde, parce que les riches voudront toujours d’un tiers monde où l’emploi est à bas prix, où le pouvoir se laisse facilement corrompre, où les ressources naturelles deviennent alors un moyen d’échange contre de la nourriture et des médicaments. N’est-ce pas délirant ? Au lieu d’acheter les dites ressources au vrai prix, on pratique le chantage en disant « pétrole contre denrées », alors qu’en appliquant un échange commercial raisonné, le dit pays endetté, affamé, pourrait acquérir son indépendance ! C’est d’autant plus dangereux que cela crée le terreau favorable aux fondamentalismes religieux et politiques, et, qu’à terme, les dictatures financées et maintenues par la main rapace des états riches sont destituées par la foule, ceci au profit immédiat de gouvernants religieux et incontrôlables. Un exemple ? L’Iran. Un autre ? Toutes les républiques bananières en Afrique. Cela ne suffit pas ? Allons plus loin !

On montre la Chine et l’Inde comme des pays vivant de véritables mutations sociales et économiques : enrichissement rapide, croissance à deux chiffres, industrialisation, augmentation des salaires et j’en passe ; dites, c’est quoi ce rêve ? Si nous délocalisons là-bas, ce sont pour des questions éminemment pratiques d’économies ! Jamais, je dis bien jamais, vous pourrez assister à l’apparition d’une vraie classe moyenne dans ces deux nations, ou alors, d’une classe moyenne bien lointaine de celle dont nous faisons tous partie ou presque. La vérité est bien plus cynique, parce que tant que ces pays produiront à bas prix, nous injecterons de l’argent dedans. Le jour où les salaires rejoindront trop ceux des pays riches, les entreprises retireront leurs moyens de production, vendront leurs intérêts, et se feront un malin plaisir à faire pratiquer le protectionnisme, ceci à travers le lobbying des gouvernements. « Sors toi de la boue, mais surtout ne crois pas que tu pourras t’asseoir à ma table », tel est le discours caché derrière les réunions des grands de ce monde. Il y a une autre attitude, plus cynique encore, qui consiste à faire croire au tiers-monde qu’il a le droit à la parole. Facile : créez une réunion où se rencontrent riches et pauvres, amendez quelques lois semblant protéger les pauvres face aux riches, et, par derrière, pratiquez une politique commerciale plus sauvage que jamais. On ne pourra pas vous accuser d’avoir été méchant, puisque vous offre votre aide… tout en massacrant les intérêts chez votre vassal qui se croit libre !

Je ne vois pas d’illuminatis, je ne vois pas de complot mondial, pas plus que je ne vois de gouvernance noire. Je vois quelque chose de pire encore, la convergence des intérêts de quelques entreprises d’échelles mondiales, des sociétés dont les capitaux sont tels qu’ils peuvent financer toutes les révolutions susceptibles de les aider. Quand on déboulonne un président dans un état produisant du pétrole, ce n’est généralement pas le fait du hasard. Soufflez sur les braises de la contestation, et cela mènera immanquablement à la guerre civile, surtout là où les gens n’ont rien, où la survie est une véritable question quotidienne. La richesse, c’est certainement l’arme la plus redoutable qui soit, parce que bien utilisée, elle peut briser tout état, toute population qui refuse de fléchir. Qui est encore suffisamment rêveur pour croire qu’en assistant les pays pauvres, nous faisons preuve de charité ? Quelle folie ! Assister, c’est endetter, et rendre dépendant.

Les revirements à venir sont difficiles à présumer. Les USA commencent sérieusement à pâtir de leur déification de l’argent : entreprises qui font faillite, pertes de marchés importants, appauvrissement de la classe moyenne… Mais avec en contrepartie un enrichissement sans précédent de quelques nantis. Là, plusieurs nouveaux « dirigeants » de la place boursière rachètent à vil prix des entreprises pourtant viables et rentables, regroupant alors le tout dans des systèmes tentaculaires d’intérêts à tous les étages. Posséder à la fois une fabrique d’armes, une usine d’agro alimentaire, et une société pharmaceutique, c’est fournir aux soldats les flingues, les rations, les pansements, le pack « spécial guerre ». Le plus bel exemple reste à mes yeux cette société qui vend d’un côté des plats préparés trop salés, de l’autre qui vend, à travers une filiale pharmaceutique, les traitements contre l’hypertension. Gonflé ? Non, juste économiquement logique et efficace. Les USA, en sauvant le dollar, en faisant peser sur le monde ses dettes, ceci à travers les fluctuations incessantes de la valeur de la devise, risque bien de prendre plus qu’une crise, mais plutôt un écroulement de l’écheveau économique. Si la monnaie chinoise devenait une référence de substitution, on pourrait bien assister à un renversement sauvage de l’équilibre… Mais c’est de l’ordre du rêve, car les chinois refusent que leur monnaie sorte des frontières du pays, sauf sous la forme de devises tierces. L’Europe a bien tenté de jouer ainsi en créant l’Euro. Résultat des courses, notre monnaie plombe nos échanges commerciaux, car les autres continuer à jouer avec le billet vert.

Aussi cynique que cela paraisse, les USA jouissent d’un bras de levier infernal : le pétrole. Pétrole par ci, pétrole devise, pétrole industrie, pétrole politique, tout tourne encore autour de cette matière fossile qui est le cœur même de notre modèle économique. C’est le prix du pétrole, volontairement placé très bas, qui a ruiné l’URSS. C’est l’absence de pétrole en Chine qui rend dépendante cette nation qu’on croit pourtant indépendante. C’est l’abondance de pétrole chez ses partenaires politiques qui font des USA les « juges de paix » au moyen orient. C’est la présence de pétrole en Libye qui fait qu’on a repris le dialogue avec Kadhafi et qu’on refait des affaires avec un état précédemment classé « état voyou ». C’est l’absence de pétrole qui laisse les mains libres aux USA pour continuer son embargo stupide contre Cuba, parce que tout le monde se fout de cet état sans poids ni importance stratégique. C’est l’abondance de pétrole en Russie qui fait que ce pays, bien qu’appauvri après le naufrage du pétrole, soit encore assis à la table des dirigeants du monde. C’est le pétrole qui a poussé Poutine, à l’époque de sa présidence, à reprendre le contrôle des financiers dans son propre pays. Gazprom n’a pas été saisi pour des questions autres que de politique internationale. Enfin, c’est le besoin en pétrole qui fait que la France tergiverse, tourne autour du pot, et négocie sans arrêt avec ses anciennes colonies. Qu’on cesse de croire que les largesses de l’état pour les dictateurs sont dues à l’historique colonial. Les nations se foutent du passé, elles regardent le présent, froidement, posant l’équation suivante : cela coûte moins cher de financer un dictateur et de lui piquer le pétrole, que de l’acheter à son cours quotidien sur la place internationale !

Quel avenir ? Ceux qui sauront trouver un moyen de fédérer en dehors des prisons à barreaux verts pourront éventuellement proposer une alternative, tout en sachant que le partenariat naturel avec les USA n’est pas prêt de disparaître. Je suis particulièrement inquiet pour la Chine et l’Inde, parce que finalement, si les autres pays du monde retirent leurs billes, qu’en sera-t-il de ces deux nations ? La Chine va bientôt vieillir très brutalement, de par une politique nataliste sauvage (enfant unique), mais également par l’absence ou presque d’immigration, même choisie. L’Inde, elle, a une natalité peu contrôlée, mais souffre encore de systèmes sociaux dépassés et inefficaces. Redresser tout un pays, ce n’est pas enrichir qu’une portion congrue de nantis et de salariés chanceux. Bâtir de nouvelles cités, c’est potentiellement créer de futurs poudrières où seraient alors concentrés les salariés des usines ayant quitté le territoire, faute d’une main-d’œuvre corvéable à merci, et surtout économiquement rentable.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

L'argent et l'appât du gains tout comme l'or noir gouvernent le monde malheureusement... -Jerome-